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Coronavirus: Les travailleurs s’estimant en danger peuvent-ils exercer leur droit de retrait ?

En pleine épidémie de coronavirus, certains salariés doivent malgré tout continuer à se rendre au travail. Beaucoup ont peur pour leur santé, et dénoncent le manque de protections, dans le privé comme dans le public. En métropole, des employés d’Amazon, de Carrefour ou encore du Louvre, ont cessé de travailler, estimant courir un « danger grave et imminent » sur leur lieu de travail. À La Réunion, le syndicat CGTR des travailleurs de transport de marchandises demande à ses adhérents d’exercer leur droit de retrait si les conditions de livraison ne sont pas sécurisées dans les magasins alimentaires. Mais en quoi consiste ce droit de retrait ? Qui peut l’exercer ? Et sous quelles conditions ? Me Élodie Boyer, avocate à la cour, nous apporte son éclairage :

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 09 avril 2020 à 15H24

Le droit de retrait, qu’est-ce que c’est ?
 
Le code du Travail (articles L. 4131-1, L. 4131-3 à L. 4132-1) prévoit deux pouvoirs d’initiative importants à disposition du travailleur qui se retrouve confronté à une situation de danger grave et imminent pour sa santé.
 
Le premier est le droit d’alerte qui, comme son nom l’indique, oblige le travailleur à signaler immédiatement à son employeur toute situation de travail qu’il pense comme étant un danger grave et imminent pour sa santé (voire sa vie !). Il peut également alerter les représentants du personnel, et notamment le Comité Social et Économique (CSE), qui avertiront l’employeur. Dans ce dernier cas, une procédure spéciale est applicable via, notamment, l’ouverture d’une commission d’enquête et l’intervention de l’inspection du travail si nécessaire.
 
Le second est le droit de retrait qui découle du droit d’alerte. Ce droit permet au travailleur de se retirer de cette situation et ce sans accord préalable de son employeur. Une des seules conditions est que l’exercice de ce droit de retrait n’entraine pas de danger grave et imminent pour d’autres personnes ! Cette dernière condition s’avère extrêmement délicate à respecter dans le contexte de crise sanitaire actuelle et notamment pour certaines professions dites vitales comme le corps médical.
 
D’abord on prévient, puis on s’arrête de travailler (même si il est vrai que de manière générale les deux sont concomitants).
 
Le droit d’alerte, nous l’avons bien compris, est en réalité un devoir alors que le retrait est un droit.

 

Comment exercer ce droit de retrait ?
 
Afin de se retirer d’une situation de danger grave et imminent, le travailleur n’a aucune obligation de le signaler par écrit mais cela est fortement recommandé.
 
Ainsi, même si le règlement intérieur prévoit une procédure spécifique, celle-ci est facultative. Le but est que l’employeur, et de manière générale, toute personne ayant un pouvoir d’autorité sur le travailleur concerné et apte à prendre les mesures adéquates, soit au courant de la situation. Même verbalement.

 

Quels sont les salariés qui peuvent exercer ce droit de retrait ? et ceux qui ne peuvent pas ?
 
Le droit de retrait est reconnu à tout travailleur quel qu’il soit (public, privé, etc.).
 
Il faut également savoir que, même s’il s’agit d’un droit individuel, rien n’empêche d’exercer un droit de retrait en groupe. Cela peut donc concerner un service entier, une entreprise, un secteur etc. Tel est le cas actuellement de certains salariés de sociétés implantées en France comme Amazon.
 
Encore faut-il que la situation personnelle de chaque salarié le justifie.

Concernant le cas particulier de la fonction publique hospitalière, le droit de retrait s’oppose au principe de continuité du service public. Cela limite fortement l’exercice de ce droit pour certaines catégories de travailleurs au nom de l’intérêt de tous.

 

Que dit la loi sur les mesures de prévention et de protection que l’employeur doit obligatoirement mettre en place dans ce contexte ? Quand peut-on considérer être légitime à exercer ce droit ?
 
L’employeur a une obligation de sécurité vis-à-vis de ses employés c’est-à-dire qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale (L. 4121-1 Code du travail).
 
Il doit alors : prévenir, informer et former, et mettre en place une organisation et des moyens adaptés aux fins de faire cesser la situation de danger.
 
Dans le cadre du contexte actuel de pandémie, l’employeur doit également respecter les [recommandations gouvernementales]urlblank:https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus  à savoir :

  • privilégier au maximum le télétravail,
  • pour les entreprises indispensables à la vie de la nation autorisées à rester ouvertes : respect des gestes barrière et de distanciation sociale,
  • pour les employés en contact direct avec du public : mettre à disposition un point d’eau ou du gel hydro-alcoolique, gants, masques ou encore par un nettoyage régulier des surfaces en cas de contact prolongé.

 
C’est uniquement dans le cas où l’employeur ne respecte pas toutes ces obligations que le salarié semble légitime à exercer son droit de retrait.
 
Dans ce cas, le salarié n’a aucune obligation de retourner à son poste de travail si le danger grave et imminent persiste.

 

À quoi s’expose un salarié faisant usage du droit de retrait si celui-ci n’est pas valide ?
 
Le Code du travail (L.4131-3 du Code du travail) affirme qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux. Peu importe la durée de ce droit de retrait.
 
C’est uniquement dans le cas où le motif raisonnable n’est pas reconnu par les juges, donc a posteriori, que l’employeur pourra opérer une retenue sur salaire ou appliquer des sanctions disciplinaires, voire le licencier.

 

Quel conseil donneriez-vous à un salarié qui envisage de faire usage de son droit de retrait ?
 
Le droit de retrait n’est pas, et ne doit pas, être automatique ! Il faut faire preuve de prudence !
 
Malgré la situation, le droit demeure et persiste et même si de nombreux dispositifs protègent le salarié dans ce genre de situation, il faut les utiliser à bon escient.
 
Il ne faut également pas confondre droit de retrait et droit de grève : l’exercice du droit de retrait n’a pas pour but des revendications professionnelles telles que des augmentions d’effectif ou de salaires.
 
Prévenez, alertez, communiquez avec votre hiérarchie. Prenez contact avec les représentants du personnel de votre entreprise s’il y en a. Respectez vous-même les gestes barrière.

 

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