Les résistances contre le mariage homosexuel continuent d’exacerber le débat de société. Mais la toute récente promulgation de la loi marque une étape irréversible.
Sans attendre plus longtemps, les premiers couples homosexuels entament leurs démarches administratives. « Nous sommes venues récupérer les formulaires », expliquent Corinne et Laurence, ce mardi matin sur la place de l’Hôtel de ville de Saint-Paul.
Le couple veut faire les choses en grand. « On aimerait que ça soit Mme Bello qui nous unisse », persiste Corinne, chef d’entreprise de 51 ans, habitant Fleurimont.
« Pendant trois ans, on en a parlé, on en a souffert. On envisageait à un moment donné de se pacser. Mais le texte du PACS est pour moi à revoir pour les couples homosexuels. C’est un texte qui apporte des obligations mais pas les mêmes droits que pour les gens unis par le mariage traditionnel », déplore Corinne.
Dans cette optique, le vote du mariage homosexuel en France est vécu comme une libération inespérée au bout de trois ans et quelques mois de vie commune avec la saint-pierroise Laurence. « Le mariage, c’est pour nous une finalité, un accomplissement, une reconnaissance des autres aussi », complète Laurence, 24 ans, en formation pour devenir ambulancière.
Si cette union représente en effet une concrétisation, elle ne représentera que la moitié du chemin à parcourir. La raison : le couple souhaite s’engager dans la co-parentalité au plus vite. « Cela se fera dans les mêmes termes que le mariage », c’est-à-dire « rapidement », envisagent-elles. « Je ne peux plus avoir d’enfant », concède Corinne. « Je n’en ai jamais eu. Je le ressens comme un manque pour être complètement épanouie dans la vie. Avant, je ne me sentais pas prête à avoir un enfant. Suis-je hétéro ? Suis-je homo, suis-je bi ?Je suis allée au bout des deux situations », explique Corinne qui avoue être « restée dans une hétérosexualité jusqu’à l’âge de 28 ans » tout en sachant dès ses 13 ans que « j’étais amoureuse de mes camarades… féminines ».
Insémination artificielle en Belgique ou en Espagne
La parentalité tant désirée amènera le couple à franchir les frontières: « Nous procéderons par insémination artificielle. Nous irons le faire en Belgique ou en Espagne ». Une décision prise avec regret. « Si ça avait été possible en France, on l’aurait fait ici », concède Laurence. « Ce n’est pas qu’on fuit, c’est tout simplement que l’on ne nous autorise pas à être reconnue comme tout couple hétérosexuel pouvant donner vie. Donc, on va aller où les droits sont en notre faveur », précise-t-elle. « Dans l’absolu, rappellent les deux femmes, nous aurions préféré une insémination par une personne connue mais on n’a pas trouvé la personne qui puisse accepter ce genre de chose », ajoute la jeune femme. C’est donc vers l’anonymat du géniteur autorisé dans ces pays d’Europe que le couple se tourne.
Sur le parvis de l’Hôtel de ville de Saint-Paul, comme une ultime répétition, Corinne et Laurence se tiennent la main sans fuir les regards. « On va se présenter à l’accueil de l’état-civil comme un couple qui depuis peu a le droit de se marier », assurent-elles. La rencontre avec Huguette Bello sera remise à plus tard mais elles espèrent bien devenir, pour le symbole, le premier couple de même sexe uni à Saint-Paul, et pourquoi pas à La Réunion.