Dans l’affolement d’une médiatisation galopante qui peine à retrouver le sens du recul, de la distanciation et de la réflexion critique, les tribulations de la galaxie UMP ont rapidement chassé de l’actualité les résultats des élections européennes.
Dans notre département, près de 80 % de nos concitoyens se sont abstenus.
Nos représentants d’outre mer sont ainsi élus avec moins de 5 % des suffrages des électeurs inscrits.
Au plan national, selon les sondages, 70 % des jeunes ne se sont pas déplacés, et 30 % des électeurs de moins de 35 ans ont voté pour le FN.
A la Réunion, le FN arrive en 4° position avec 12,96 % des voix.
Ainsi, près de 13 % de ceux de nos compatriotes réunionnais qui se sont exprimés ont accordé leur suffrage à un parti xénophobe, raciste et antisémite.
On pourrait dire que c’est peu, relativement au niveau élevé de l’abstention.
C’est encore trop.
Mais l’autre vainqueur de cette élection, c’est le parti des abstentionnistes, au sein duquel les jeunes sont représentés dans une proportion importante.
Cela signifie en clair que l’ensemble des acteurs éducatifs de notre pays ne sont pas parvenus à convaincre la jeunesse de l’importance de l’acte de voter, qui fonde le citoyen en droit, et en devoir.
Cela signifie aussi que dès le plus jeune âge, dans les familles, à l’école, chaque enfant, chaque jeune doit non seulement apprendre à vivre et construire avec l’autre, mais faire aussi de cette altérité un espace de joie d’être ensemble, de découvrir et de se nourrir de l’inconnu et de l’étranger, d’être invité à promouvoir sa culture, non dans un esprit d’hégémonie et de repli sur soi, mais dans la volonté de créer des métissages porteurs de paix, de dialogue, d’enthousiasmes partagés.
Très vite, en milieu scolaire et non-scolaire, tout doit être fait pour encourager l’engagement du jeune : le soutenir pour penser et construire un projet, lui donner le goût du travail collectif, l’aider à mener à bien son « chef d’oeuvre » pour qu’il acquiert ou retrouve confiance et estime de soi.
Contre l’isolement, le renoncement à participer à la vie démocratique de la société, la soumission à « ceux qui savent et qui dirigent », il n’y a pas trente six solutions : apprendre à penser par soi-même, enrichir par les connaissances les éléments qui permettent la réflexion critique, l’accès progressif à l’autonomie qui ouvre les portes de la responsabilité et de la prise de la décision, bref tous ces outils qui , peu à peu, dégagent les voies de la citoyenneté assumée et revendiquée.
La lutte contre l’abstention, contre la soumission à des dogmes simplistes, réducteurs, démagogiques et destructeurs est un long combat pédagogique qui engage notre société tout entière, des élus aux médias en passant par les éducateurs et les familles.
Ce combat là n’est jamais perdu, à condition de ne pas laisser le champ libre aux mercenaires de la haine et de l’exclusion : une dizaine de milliers de jeunes ont manifesté dans toute la France pour protester contre le parti d’extrême droite après sa victoire aux européennes.
Certains diront que c’est encore peu.
Mais en organisant ces « marches citoyennes contre le F-Haine », ces jeunes là ont montré la voie : ne jamais se résigner.
Ligue de l’enseignement-fédération de La Réunion 5 juin 2014
