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Confinement et passé colonial : Une histoire tristement péi

L’histoire des Îlets de La Réunion, symboles d’isolement, apparaît sous une autre lumière après deux mois de confinement. Le débat actuel autour du passé esclavagiste de la France est également très intense et nécessite un retour en arrière pour apprendre ce qu'il s'est exactement passé durant cette période et ses conséquences jusqu'à aujourd'hui. Souvent oubliés, les vestiges de ce passé douloureux sont pourtant très présents sur l'île. C’est le cas de l’Îlet à Guillaume qui a accueilli un pénitencier pour enfants durant une quinzaine d’années. C’est à cette histoire douloureuse et tragique en même temps que l’auteure Pascale Moignoux a voulu redonner vie au travers de son livre "Graine de Bagnard".?? Un livre à découvrir dans le cadre de l'évènement "Je lis un livre péi" et des journées européennes de l'archéologie.

Ecrit par zinfos974 – le dimanche 21 juin 2020 à 07H52

De nombreux randonneurs ont déjà pu s’émerveiller de la splendide vue qu’offre le sentier qui mène à l’Îlet à Guillaume dans les hauteurs de la rivière Saint-Denis. Apprendre que ce sentier à flanc de montagne a été créé à la force de bras d’enfants, dont certains y ont laissé la vie, gâcherait peut-être leur plaisir. Car derrière l’agréable randonnée se cache une histoire tragique : celle du bagne pour enfants. Au milieu du XIXe siècle, après l’abolition de l’esclavage, des milliers d’enfants ont été envoyés dans ce lieu reculé. 

 

Confinement et passé colonial : Une histoire tristement péiDeux prisons pour enfants ont vu le jour sur l’île, une à la Providence (sur lieu de l’actuel ONF), l’autre à l’Îlet à Guillaume. De 1864 à 1879, les Pères de la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie ont voulu « dresser leur âme par la grâce du travail et de la prière ».  Bien souvent, ces jeunes étaient des vagabonds plus que des délinquants, plus abandonnés que coupables, ou tout simplement enfants d’affranchis ou d’engagés, des métis ou des orphelins. Ils travaillaient plus de 10h par jour afin de construire des routes, un pont, un captage ou bien les murs de leurs propres prisons. 240 détenus occupaient les lieux durant son apogée, plusieurs milliers en tout sur les 15 ans.

La création de ces pénitenciers pour enfants date du règne de Louis-Philippe (1830-1848) et a trouvé son paroxysme sous le Second Empire. Auparavant, les mineurs étaient envoyés dans les mêmes prisons que les adultes. Bien que la seconde moitié du 19e siècle ait été marquée par un anticléricalisme combatif, l’État avait délégué à l’Église la charge de s’occuper de ces enfants. Une manière d’économiser les deniers publics. Si le discours officiel prétendait vouloir aider ces « agneaux égarés », la réalité était tout autre. L’objectif réel était de préserver la bourgeoisie de l’insécurité engendrée par ces enfants « traîne-misère ». Très vite, les ambitions éducatives et moralistes ont laissé la place à des activités professionnelles plus rémunératrices et rentables pour les institutions en charge des petits bagnards.

 

Confinement et passé colonial : Une histoire tristement péiUn contexte difficile à La Réunion

La deuxième partie du 19e siècle correspond à une période de grande mutation à La Réunion. Entre l’abolition de l’esclavage et le début de l’engagisme, la situation démographique, sociale et économique de La Réunion entamait une évolution qui marque encore l’île aujourd’hui. La situation sanitaire dans l’île était catastrophique. Des épidémies de typhus, de tétanos, de choléra et de paludisme s’ajoutaient aux ravages de l’alcoolisme et de la malnutrition. Cette période correspond également à une terrible crise sucrière pour La Réunion. Cette dernière plongea de nombreuses familles dans la misère, fournissant ainsi les enfants au bagne.

Une histoire romancée

Petite-nièce du Père Raimbault, missionnaire spiritain ayant marqué l’histoire de La Montagne/St-Bernard, Pascale Moignoux ne pouvait que s’intéresser à ce site qui fut géré par la congrégation de son grand-oncle. C’est donc avec passion que la Dionysienne s’est lancée dans une enquête pour découvrir la réalité de ce pénitencier. Après plusieurs années de recherche, elle va publier une première fois en 2006 son roman historique Graine de Bagnard. Le choix littéraire qu’elle qualifie de « roman dans l’Histoire » permet d’immerger affectivement  le lecteur dans le passé , ce que permet moins un manuel d’Histoire traditionnel. Néanmoins, l’écrivaine a mis un point d’honneur à respecter au maximum la réalité, nombre de personnages et d’évènements étant réels et authentiques.

L’éditeur qui a publié la première version de l’ouvrage n’existe plus aujourd’hui. Pascale Moignoux a donc mis plusieurs années à retrouver une maison d’édition assumant de publier une réédition. C’est finalement Surya Éditions qui accepta le challenge. Pour ce nouveau tirage, le contenu a été approfondi. Dans un format plus volumineux et plus esthétique, le roman est accompagné d’un cahier iconographique. Pour arriver à illustrer son livre, Pascale Moignoux a pu bénéficier du soutien des archives de la Congrégation du Saint-Esprit, en plus des Archives départementales de La Réunion, et d’archives privées. Un travail de fourmi de plus de 15 ans qui donnera un autre regard lors de votre prochaine randonnée que vous pourrez préparer en vous rendant sur [le site de la DAC-oI]urlblank:https://www.culture.gouv.fr/Regions/Dac-de-La-Reunion/Patrimoine-Architecture-Environnement/Archeologie/L-appui-de-la-technologie-LiDAR-en-archeologie-reveler-les-structures-grace-au-laser , qui propose à l’occasion des Journées européennes 2020 de l’Archéologie, une présentation des dernières études sur le site du pénitencier. 

Un ouvrage que vous pouvez retrouver dans toutes les librairies à l’occasion « Je lis un livre péi » qui a lieu actuellement durant tout le mois de juin sur l’île.

 

Confinement et passé colonial : Une histoire tristement péi

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