Durant les deux premières semaines du confinement, les forces de l’ordre et les associations enregistraient une baisse « alarmante » des appels de victimes de violences intra familiales. Non pas que les femmes et les enfants se soient soudainement retrouvés en sécurité, bien au contraire.
La préfecture de La Réunion a depuis rappelé à plusieurs reprises que les femmes et les enfants victimes avaient le droit de fuir malgré le confinement. Jacques Billant a notamment insisté le 16 avril dernier sur « l’extrême vigilance de l’Etat » face aux situations de violences, alors que les victimes se retrouvent coincées à domicile avec les auteurs.
[Les dispositifs déjà existants ont été renforcés selon la préfecture, et plusieurs initiatives locales déployées. ]urlblank:https://www.zinfos974.com/Femmes-victimes-de-violences-conjugales-En-confinement-il-n-est-pas-interdit-de-fuir-le-domicile-dangereux_a152978.html
Mais sur le terrain, la réalité de ces femmes victimes semble bien plus complexe.
« On ne peut pas dire que ça fonctionne dans une situation d’urgence »
« Lorsque des victimes nous appellent, elles nous disent souvent qu’elles sont contentes d’avoir trouvé un numéro qui répond », explique Odette de Femmes Solid’air 974.
L’association a les mêmes retours que ceux observés sur les réseaux sociaux: « Beaucoup de femmes qui nous contactent expliquent avoir du mal à joindre les numéros d’urgence et notamment le 3919, qui est en sous-effectif à cause du coronavirus. Le décalage horaire avec La Réunion rend aussi les choses encore plus difficiles puisque ce numéro national ne répond qu’entre 9h et 19h. » ajoute Pierrette Mira, coordinatrice de l’association.
Même chose pour le 114, ce numéro joignable par SMS lorsqu’une victime n’est pas en mesure de parler à voix haute: « elles ne reçoivent un sms de réponse que plusieurs jours après, et entre temps, certaines risquent la mort ».
« C’est très hypocrite, il faut que l’Etat mette le paquet dans une période comme ça ! Parce que pour le moment on ne peut pas dire que dans une situation d’urgence ça fonctionne. »
« Après le confinement, tout ça va éclater au grand jour »
« Depuis un peu plus d’une semaine, on reçoit de nouveau des appels pour des nouvelles situations qui concernent surtout des violences psychologiques. Dans ces cas-là, les femmes ont peur d’aller porter plainte parce que sans violence physique cela peut s’avérer compliqué », nous confie Pierrette.
Sur les réseaux sociaux aussi des témoignages font état des difficultés auxquelles sont confrontées des victimes qui contactent les forces de l’ordre.
« À mon avis, après le confinement, tout ça va éclater au grand jour, parce qu’il y a plein de situations de violence et ça ne fait qu’empirer » ajoute-t-elle.
Depuis qu’il est rappelé aux victimes qu’elles ont le droit de fuir malgré le confinement, Femmes Solid’air 974 reçoit de nombreux appels à l’aide via sms, Messenger, ou encore par mail : « Il y en a qui disent que ça dure depuis 20 ans mais que là avec le confinement elles n’en peuvent plus, et elles pensent au suicide. C’est terrible comme le confinement pèse psychologiquement sur ces femmes. »
Quelles solutions ?
« On est confronté aux dispositifs nationaux qui ne sont peut-être pas adaptés à La Réunion. Ça fait longtemps qu’on demande un 3919 péi. Sa création avait été annoncée lors du grenelle des violences faites aux femmes mais n’a toujours pas été mis en place », déplore Pierrette.
Pour l’association, il faudrait consolider encore plus ce qui existe déjà si l’on veut répondre efficacement aux situations de violences. « Il faudrait faciliter encore plus l’accès au dépôt de plainte, l’ordonnance de protection, distribuer plus de téléphones « grand danger », et prendre en compte la parole des femmes. Parce qu’en période de confinement les hommes en profitent et les femmes se retrouvent à nouveau prisonnières », conclut-elle.
Pour contacter l’association Femmes Solid’Air 974 : 06 92 23 32 23 – 0692 36 53 91 – 0692 26 53 52
femmes-solid.air@orange.fr