De mémoire d’avocate, le dossier de Patrick Laratte est le plus vieux à l’instruction au tribunal judiciaire de Saint-Denis. « Aucun juge d’instruction n’en veut. Nous en sommes déjà au quatrième », souligne Me Céline Cauchepin, le conseil du policier. Depuis 2011, ils attendent les suites judiciaires de sa plainte déposée au pénal. En vain : c’est le statut quo.
L’état de santé du policier du commissariat du Chaudron exposé à l’amiante se détériore pendant sa retraite. « Ses poumons vont de plus en plus mal. Il a du mal à respirer. Aujourd’hui, il ne comprend pas. Les médecins lui disent que sa maladie est en lien avec l’amiante. En 2015, le préfet a reconnu que sa maladie est imputable au service ».
Ce matin, le tribunal administratif s’est penché sur sa demande de droit à l’allocation temporaire d’invalidité. Une allocation que refuse de lui verser le ministère des comptes publics. Si le ministère de l’Intérieur se montre favorable au requérant, l’allocation ne peut lui être octroyée qu’avec l’accord des deux ministères.
Au début de l’année 2011, le commissariat du Chaudron est contraint de fermer ses portes. Au moment de réaliser les travaux du réfectoire du vétuste commissariat, aucun DAAT (diagnostic amiante avant travaux) n’avait été effectué. Suite à la découverte d’amiante sur les dalles fissurées, panique générale. Les policiers sont alors délocalisés en urgence au Bas de La Rivière. La colère s’empare des agents et une centaine de plaintes sont déposées. Patrick Laratte, qui a effectué la grande majorité de sa carrière en tant que gardien de la paix au commissariat, est touché par une maladie pleurale en 2014, évaluée aujourd’hui à 10 % d’incapacité permanente partielle par un expert médical. Sa situation médicale a également des répercussions sur sa santé mentale. Le fonctionnaire de police souffre également de troubles anxieux.
Faire reconnaître la culpabilité de l’État
À l’audience de ce vendredi, les conclusions de la rapporteure publique ont « surpris » l’avocate du requérant. Dans son exposé, la magistrate rapporte que « différents éléments » plaident en la faveur du policier, mais tempère en précisant que « le ministère des comptes publics n’a pas commis d’erreur de droit manifeste ». Elle s’appuie sur un rapport d’un expert affirmant qu’il n’est pas possible de dater le moment ni de déterminer le lieu d’exposition à l’amiante du requérant et que des prélèvements effectués à l’époque ne permettaient pas de déceler la présence de fibres volatiles d’amiante dans l’atmosphère.
De son côté, Me Céline Cauchepin a une toute autre lecture du dossier, avançant que « 90 % des éléments présents dans le dossier sont favorables à [son] client« . « Cinq médecins attestent que sa maladie est imputable au service. Le préfet aussi. À un moment, il est temps de reconnaître la culpabilité de l’État », souligne la robe noire. Et d’ajouter : « L’amiante est composée de fibres lourdes. Si on ne la touche pas, elle ne bouge pas. Mais en marchant sur un matériau détérioré ou la manipulant, les particules vont remonter dans l’air et s’introduire dans les poumons. Les prélèvements ont été effectués quand il n’y avait personne dans les bureaux ».
La robe noire précise qu’elle attend la décision du tribunal administratif pour engager d’autres poursuites mettant en cause la responsabilité de l’État. Elle devra patienter un mois, moment où le tribunal rendra son jugement.