Revenir à la rubrique : Courrier des lecteurs

Climat : les sept mensonges d’Éric Zemmour

  Islamophobe, raciste, misogyne… et climato-sceptique. Le polémiste Éric Zemmour multiplie erreurs et mensonges sur le changement climatique. Voici sept allégations fallacieuses du candidat à la Présidentielle 1/ « Apparemment, il y a débat » sur la réalité du changement climatique Sur BFMTV en septembre dernier, Éric Zemmour a remis en question la réalité du changement climatique, affirmant qu’il […]

Ecrit par Bruno Bourgeon – le vendredi 24 décembre 2021 à 06H00

 

Islamophobe, raciste, misogyne… et climato-sceptique. Le polémiste Éric Zemmour multiplie erreurs et mensonges sur le changement climatique. Voici sept allégations fallacieuses du candidat à la Présidentielle

1/ « Apparemment, il y a débat » sur la réalité du changement climatique

Sur BFMTV en septembre dernier, Éric Zemmour a remis en question la réalité du changement climatique, affirmant qu’il y « [aurait] des débats » sur la question. Il ne s’agissait pas là d’un coup d’essai : en 2019, dans le Figaro, il comparait déjà le réchauffement climatique à une « nouvelle religion ». Un an plus tard, il s’insurgeait que les climato-sceptiques soient « excommuniés comme jadis les libertins athées », avant de regretter que « toute contestation rationnelle [soit] bannie. » Les « débats » évoqués existent-ils ? Une étude publiée en octobre par des chercheurs de la prestigieuse Université Cornell montre que non. L’équipe de scientifiques a analysé plus de 88 000 études publiées depuis 2012 et soumises au processus « d’évaluation par les pairs », qui permet de s’assurer de leur qualité. Les résultats sont sans ambiguïté : 99,9 % d’entre elles montrent que les activités humaines, via l’émission de gaz à effet de serre, altèrent le climat. « Les explications alternatives (…) sont extraordinairement rares », observent les auteurs.

À titre de comparaison, les origines anthropiques du réchauffement climatique font autant consensus que la théorie de l’évolution et que la tectonique des plaques. Insinuer que la communauté scientifique s’interrogerait encore sur la réalité et les causes du réchauffement climatique est donc mensonger. Et d’un, M. Z.

2/ « La France n’a rien à voir là-dedans »

C’est ce qu’a affirmé lorsque des journalistes de LCI, de RTL et du Figaro l’ont interrogé sur sa vision du réchauffement climatique. L’ancien journaliste répète cette rengaine à l’envi. « Pour le climat, la France n’a qu’un rôle marginal dans cette histoire », pérorait-il en octobre sur le plateau de Thinkerview. « Le problème, poursuivait-il, c’est la démographie et l’explosion de la natalité en Afrique et en Asie. »

Ces affirmations sont fausses. Afin d’avoir une vision réaliste de l’empreinte carbone de la France, il faut en effet inclure les émissions importées, ce qu’on appelle l’énergie grise, c’est-à-dire les émissions générées à l’étranger pour créer des produits et des services consommés en France. En 2018, comme l’expliquait un rapport du Haut Conseil pour le climat en octobre 2020, l’empreinte carbone « complète » de la France s’élevait à 749 mégatonnes d’équivalent CO2, ce qui correspond à 11,5 tonnes d’équivalent CO2 par habitant. C’est bien plus que la moyenne mondiale, qui s’élève, comme le rappelait la climatologue Valérie Masson-Delmotte sur Twitter en septembre, à environ 7,5 tonnes d’équivalent CO2 par personne. Rappelons également que la notion de responsabilité, en matière climatique, s’étend aux émissions historiques. Le CO2 persiste en effet pendant une centaine d’années dans l’atmosphère. « Le facteur dominant dans l’évolution du climat, c’est le cumul des émissions passées, présentes et futures de CO2 », poursuivait Valérie Masson Delmotte sur Twitter. Depuis 1850, la France a émis 38,5 gigatonnes de CO2 sur son territoire, selon les données de [Carbon Brief]url:https://www.carbonbrief.org/analysis-which-countries-are-historically-responsible-for-climate-change . Elle se hisse ainsi au treizième rang des nations les plus émettrices de gaz à effet de serre. Sa contribution au réchauffement climatique est donc loin d’être « marginale ».

À l’inverse, un milliard d’êtres humains vivant au sein de quarante-huit pays d’Afrique subsaharienne n’ont émis que 0.55% d’émissions de CO2 depuis 1750. Dire que l’Afrique est responsable du changement climatique est donc « faux et criminel », selon Alma Dufour, chargée de campagne au sein des Amis de la Terre. Les  populations les plus vulnérables sont les moins responsables. Selon un récent rapport du Laboratoire sur les inégalités mondiales, les 1 % les plus riches sur Terre ont davantage détraqué le climat que les 50 % les plus pauvres. Et de deux, M. Z.

3/ « Nous devrions faire des cocoricos tous les jours », grâce au nucléaire

Le polémiste le répète dès que l’occasion lui en est donnée: la France n’aurait pas besoin d’émettre moins de CO2, car elle serait déjà exemplaire. La preuve : sa production énergétique reposerait à 85 % sur des sources peu émettrices, le nucléaire et l’hydraulique.

Chiffres tronqués. Zemmour n’évoque que le mix électrique (en 2020, selon RTE, la production d’électricité provenait à 67 % du nucléaire, et à 13 % de l’hydraulique). L’électricité ne nous permet cependant pas d’assouvir tous nos besoins en énergie. Pour nous déplacer, nous utilisons en grande majorité du pétrole, et du fioul et du gaz pour nous chauffer. Avec ces autres usages, la France apparaît sous un jour moins flatteur. En 2019, 47 % du bouquet énergétique primaire français provenait de sources fossiles. La France peine à réduire ses émissions de GES, ce qui lui a valu d’être poursuivie et condamnée en justice pour inaction climatique. En juillet, le Conseil d’Etat estimait que les mesures climatiques prises jusqu’ici par le gouvernement étaient insuffisantes pour respecter l’objectif de réduction de 40 % des émissions de GES d’ici 2030. Constat partagé par le Haut Conseil pour le Climat. Et de trois, M. Z.

4/ « L’Homme s’est toujours adapté à toutes les températures »

« Je trouve toujours curieux que des scientifiques nous expliquent qu’une augmentation de température de 1,5 °C provoque des catastrophes absolument apocalyptiques et incalculables et que l’Homme ne s’adaptera jamais à ça, alors que l’Homme est depuis des millions d’années la seule espèce qui s’adapte à toutes les températures », lançait Éric Zemmour sur CNews, en juin 2021. Cette position est celle du « stade 6 » du climato-scepticisme décrit par le climatologue étasunien Michael E. Mann : quoi qu’il advienne, selon ses tenants, nous pourrons nous adapter ou trouver des solutions techniques au changement climatique. Changer de mode de vie ne sera pas nécessaire.

Miser uniquement sur les capacités d’adaptation de l’être humain revient cependant à oublier l’amplitude et la vitesse de la catastrophe climatique en cours. En 2019, une étude publiée dans la revue Nature montrait que la planète ne s’était jamais réchauffée de manière aussi rapide et homogène au cours des deux derniers millénaires. « La situation actuelle est caractérisée par une rapidité inédite des changements, non seulement des températures moyennes, mais surtout des évènements extrêmes comme les sécheresses, les crues, les tempêtes, les canicules et la hausse du niveau de la mer », explique Wolfgang Cramer, écologue, géographe, et directeur de recherche au CNRS.

Contrairement à ce que semble penser M. Zemmour, une augmentation de 1,5 °C de la température globale ne signifie pas qu’il fera simplement 21,5 °C au lieu de 20 °C dans la campagne française en mars, ou -18,5 °C au lieu de -20 °C à Montréal en hiver. Le système climatique dans son ensemble sera durablement bouleversé. « Pour chaque incrément de réchauffement supplémentaire, les fréquences et intensités des extrêmes augmentent de manière très nette », rappelle la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

Les nombreux méga-feux, inondations, tempêtes et canicules qui ont pu être observés ces derniers mois rappellent que les effets du changement climatique se manifestent déjà avec des conséquences dramatiques sur les écosystèmes, les rendements agricoles, l’accès à l’eau et la sécurité des habitats. « En 2020, l’Australie a mis plus de trois mois à éteindre les incendies de forêt. Dans le sud-ouest des États-Unis, en août, le gouvernement a dû rationner l’accès à l’eau, dit Alma Dufour, des Amis de la Terre. Le réchauffement climatique commence déjà à dépasser les capacités d’adaptation des États les plus riches, malgré leurs moyens techniques et financiers, alors que nous n’en sommes encore qu’aux prémices. » Et de quatre, M. Z.

5/ « La France va perdre 100 000 emplois à cause de la transition écologique »

C’est ce qu’a affirmé Éric Zemmour à Thinkerview, en octobre. Là encore, des chiffres erronés. « Sur la question des emplois, il y a beaucoup de débats et beaucoup de chiffrages différents, dont certains sont exagérément positifs, note Alma Dufour. Mais dire que la France va perdre autant d’emplois est totalement faux. »

La chargée de campagne au sein des Amis de la Terre cite en exemple l’étude publiée en septembre dernier par le Shift Project. Cette dernière table sur une croissance nette « modérée » de la demande de main-d’œuvre grâce à la transition écologique. D’ici 2050, selon ses calculs, 1,1 million d’emplois pourraient être créés, pour 800 000 détruits (notamment dans l’industrie automobile). Au final, la transformation de la société vers un modèle bas carbone devrait donc créer 300 000 emplois. Grâce à la relocalisation de la production de fruits et légumes et à la généralisation des pratiques agro-écologiques, le secteur agricole pourrait devenir l’un des plus attractifs. Et de cinq, M. Z.

6/ « L’éolien, c’est bien pour les gens qui n’ont pas le nucléaire »

Éric Zemmour ne cache pas sa détestation des éoliennes, qu’il juge « néfastes »« bruyantes » et « laides ». Toujours sur Thinkerview, en octobre, il est allé plus loin, affirmant qu’il faudrait « arrêter » avec les énergies renouvelables. Elles seraient inutiles pour la France, qui pourrait se reposer entièrement sur son parc nucléaire.

Une contre-vérité de plus. En juin, RTE montrait que, même en cas de renouvellement des centrales nucléaires françaises et de prolongation de la durée de vie des réacteurs existants, l’énergie atomique ne pourrait jamais répondre qu’à 50 %, au maximum, des besoins en électricité des Français en 2050. « Tous les scénarios supposent un effort substantiel sur toutes les technologies d’énergies renouvelables, sans exception », concluait-il. Le parc nucléaire est vieillissant, et de nombreux réacteurs vont fermer dans les trente prochaines années. Si elle veut la neutralité carbone, la France devra quoi qu’il arrive développer ses sources d’énergie renouvelable. Et de six, M. Z.

7/ « Madame Merkel a arrêté le nucléaire, le résultat, c’est qu’elle a ouvert des centrales à charbon »

 

L’un des arguments favoris zemmouriens pour décrédibiliser les énergies renouvelables et justifier le recours au nucléaire. En Allemagne, affirmait-il sur le plateau de BFMTV en septembre, la fermeture des centrales nucléaires et le développement des énergies renouvelables auraient contraint le gouvernement à rouvrir des centrales à charbon.

Cette affirmation est cependant fausse. S’il est vrai que l’Allemagne a recours à des sources d’énergies non renouvelables pour pallier la variabilité des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, la part d’électricité liée au charbon et au gaz est passée sous la barre des 50 % en 2017. Elle continue de décroître, tandis que la part liée aux renouvelables augmente. L’Allemagne ne compte pas faire reposer son futur mix énergétique sur le charbon. La nouvelle coalition allemande s’est récemment engagée à en sortir d’ici 2030. Pour atteindre son objectif de neutralité carbone, la coalition mise sur les énergies renouvelables et le gaz (une énergie fossile), en attendant qu’en 2045 les énergies renouvelables seules soient capables de garantir la sécurité de l’approvisionnement.

En France, plusieurs scénarios, comme ceux de Négawatt  et de l’Adème, suggèrent qu’on pourrait atteindre la neutralité carbone en 2050 grâce à un mix énergétique reposant dans son immense majorité sur des sources d’énergie renouvelable.

En conclusion ? Si Zemmour semble fan des écrits de Maurras et consorts, il semble l’être moins de ceux du Giec, de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité (IPBES) et des organisations environnementales. Et de sept, M. Z. Vous n’êtes pas à la hauteur.

Bruno Bourgeon, aid97400.re

D’après Reporterre : https://reporterre.net/Climat-les-sept-mensonges-d-Eric-Zemmour

 

 

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires