Ni nos députés européens fraîchement élus, ni la presse n’en ont parlé, sans doute pour ne pas ajouter une crise à la crise et détourner définitivement les gogos d’électeurs vers Marine.
Pourtant le jugement de la Cour suprême allemande, l’équivalent de notre Conseil constitutionnel, du 5 mai dernier restera dans les annales de la construction européenne.
La Cour de Karlruhe a contesté le droit de la Banque Centrale Européenne à sortir de sa mission en rachetant , depuis 2015, des titres portant sur l’équivalent de 2000 milliards d’euros .
Il fallait vite circonscrire l’incendie . La Cour de Justice de l’UE s’y est employée en déclarant trois jours plus tard qu’elle était la seule compétente pour juger de l’action de la BCE.
N’empêche, il y avait le feu à la maison et il fallait sortir la grande échelle.
Nos deux pompiers de service ,Macron – Merkel , se sont précipités sur les lieux du drame mais avec un bien petit camion. Ils ont proposé la création temporaire, d’un fonds doté de 500 milliards d’euros pour surmonter la crise du coronavirus. La grande nouveauté était que, pour rassembler cette somme, c’était l’Union européenne qui allait devoir emprunter sur les marchés financiers .
Bien sûr, le chiffre de 500 milliards pouvait donner l’impression d’un « effort colossal », pour reprendre les mots de la chancelière allemande.
Mais il faut relativiser. D’abord, le PIB de l’UE tourne autour de 15 000 milliards d’euros. Le fonds proposé n’en représentait donc que 3%, alors que les pays mettent en un an à titre domestique, 10 ou 20% de leur propre PIB sur la table pour relancer leur économie : l’Allemagne a ainsi engagé, seule, 995 milliards d’euros d’aides publiques ; la France a engagé , de son côté et pour son propre compte, environ 400 milliards d’aides publiques pour lutter contre la crise.
De l’autre côté de l’Atlantique les choses sont prises avec plus de sérieux et on y voit les choses en plus grand: le CARES Act vient d’être signé par l’affreux Donald . Un plan de sauvetage massif de l’économie américaine d’un montant supérieur à 2.000 milliards de dollars (1.842 milliards d’euros).
L’ initiative européenne franco allemande , bien que dérisoire, a fait long feu.
Les «quatre pays frugaux», et qui ont plus sagement su gérer l’épidémie , (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark) ont adressé samedi matin 23 mai à la Commission européenne une proposition alternative, aux antipodes de ce que souhaitent Paris et Berli : ils rejettent le principe des dettes mutualisées et l’option selon laquelle le soutien de l’UE aux pays les plus affectés par la crise du coronavirus prendrait la forme de dons comme le souhaitaient Paris et Berlin . Ils sont même allés plus loin en posant, par ailleurs, leurs conditions en ce qui concerne le budget européen pour la période 2021-2027 (1) . Ce budget est déjà fortement écorné par le départ de Londres qui obligera les États membres à sacrifier la politique agricole commune ( baisse de 14 % ) , dont bénéficie largement la France et La Réunion , et donc le soutien à nos productions. Hors de question pour eux d’augmenter le budget européen pour tenir compte de la crise du coronavirus. !
On peut compter sur nos florentins de Bruxelles pour sauver la face et trouver un compromis avec les récalcitrants .
Mais ne nous faisons pas d’illusions . Ce n’est pas ce qui restera de ce plan qui sera de nature à sauver nos économies sinistrées.
Pouvons nous alors attendre notre salut de Bercy ?
Nous serions bien naïfs d’y compter . Les caisses de l’Etat sont vides et les chèques signés au plus fort de la crise devront être honorés. Notre Ministre des Finances va vite retrouver ses esprits.
On sait que dans le partage ce ne seront pas les plus nécessiteux qui émargeront mais ceux qui sont près du coffre .
A La Réunion , sidérés par le matraquage médiatique , et les yeux rivés chaque soir sur les chiffres morbides des nouveaux contaminés , nous n’avons pas pris conscience de l’ampleur de la tragédie économique qui est en train de se nouer et sommes incapables de faire entendre notre voix .
Ce sont plus de 20 000 emplois qui se trouvent menacés , notamment dans les secteurs de l’hôtellerie , de la restauration , du tourisme , des transports .
Faudra-t-il nous en remettre au dérisoire appel de Patrick Karam et de ses joyeux saltimbanques pour ouvrir .les yeux de Mme Girardin et les poches de Bruno Le maire .
L’ancien délégué interministériel de Sarkosy propose un « plan d’investissements massifs » se résumant à ne plus payer d’impôts ni de charges sociales . Ce genre de revendication n’a généralement pas d’écho auprès de nos inspecteurs des finances. Il ferait mieux de proposer de basculer tous les DOM dans l’article 74 de notre Constitution. Ce serait plus cohérent !
Plus modestement , j’ai suggéré que nous mettions en œuvre un vaste plan de départ anticipé à la retraite pour sauver notre jeunesse du désastre . Mais manifestement les esprits sont ailleurs . Chacun veut sauver sa peau et ses bronches .
Trois petites consolations pour ces temps troublés :
⁃ les offices reprendront dès qu’aura été réglée l’épineuse question de l’eucharistie non contaminante ,
⁃ Macron a téléphoné à Bigard pour le rassurer sur la date prochaine d’ouverture des bars où on pourra communier sous les deux espèces ;
⁃ le nombre de nouvelles contaminations en France du Covid, bien loin de s’envoler après le déconfinement , continue de régresser en Métrople comme à La Réunion , preuve qu’on aurait peut être pu nous laisser sortir plus tôt , parce qu’il n’est pas exclu que c’était l’enfermement , plus que le virus , qui rendait les gens malades.
(1) notons au passage que la programmation des fonds européens pour la période2021-2027 est déjà arrêtée et que nos futurs élus municipaux seraient bien naïfs de croire qu’ils pourront la modifier à leur guise. Exit donc le projet de tram train de la CINOR – Ville de Saint Denis (TAO) contre celui de la Région (Run rail).