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Christian Dambreville : « Je suis impressionné par les femmes qui arrivent, c’est fantastique »

Tous les jeudis, dans le cadre des élections municipales de mars 2014, la rédaction de Zinfos974 vous a proposé de voyager dans les méandres d'anciennes municipales, de vous replonger dans les campagnes électorales d'antan et de revivre quelques anecdotes grâce aux interviews d'ancien élus ou maires de la politique réunionnaise. Nous vous proposons ici la dernière interview de ce "Hier en campagne". Aujourd’hui retiré de la vie politique, le docteur Christian Dambreville a occupé d’importantes fonctions et responsabilités comme élu mais également dans le développement du Parti socialiste à La Réunion. En 1971, jeune médecin âgé de 32 ans et alors qu’il vient à peine de retrouver son île natale, il est élu maire de Saint-Louis, en même temps que Roland Robert à la Possession. C’est d'ailleurs comme maire de Saint-Louis qu’il accueille le Président Valery Giscard d’Estaing. Il nous livre un témoignage distancié sur ces années et l’évolution politique. Une interview réalisée avant le premier tour.

Ecrit par MR – le jeudi 27 mars 2014 à 14H21

Pourquoi vous êtes-vous présenté aux élections municipales de 1971?
 
En 1971 je suis sollicité, comme progressiste, pour conduire une liste aux élections municipales comprenant des communistes, des progressistes et ce qu’on appelait à l’époque des « démocrates ». Si on m’a sollicité c’est pour mes opinions mais aussi mon profil, j’étais médecin. Cela crédibilisait la liste. Faire de la gestion municipale, participer au développement de la commune et à la vie politique réunionnaise, c’est cela qui m’a convaincu d’accepter la proposition. Et j’étais jeune, j’avais 32 ans. Apporter ma modeste contribution au développement de mon île me semblait aller de soi. Je pense, avec le recul, avoir accompli ce que je souhaitais, même si au début c’était difficile.
 
Votre victoire est une surprise?
 
Vous savez, ce n’est jamais évident de remporter une élection, surtout dans le contexte d’alors. C’était une liste de gauche que je conduisais. Saint-Louis, comme les 23 autres communes de La Réunion, était à droite. C’était la droite qui dominait la vie politique. Les élections étaient souvent violentes et marquées par de nombreuses contestations et fraudes.   
 
Mon prédécesseur, le maire sortant, était Théophile Hoarau. C’était quelqu’un de La Rivière, un agriculteur de profession, un homme d’une grande bonhomie, brave. Mais sa famille politique était divisée. Il y avait contre lui une autre liste de droite. Nous étions donc trois listes à nous présenter. Cette situation et le travail militant ont joué pour nous. Mais ça été une très grande surprise, je me présentais sans prétention, pour l’intérêt intellectuel en quelque sorte.
 
Au premier tour, je fais 48% et au second tour, 54% des voix. Notre liste est donc élue. Au Port, celle Paul Vergès est élue, à La Possession celle conduite par Roland Robert également, et dans une autre dynamique celle de Wilfrid Bertile à Saint-Philippe est aussi élue. Ces élections ont été un événement. Arriver, dans une mairie, c’était avant la décentralisation, dans un tel contexte, avec des moyens sans aucune mesure avec aujourd’hui, n’était pas évident. Mais je pense que cela reste toujours le cas pour une équipe qui arrive. Il y a l’encadrement, il y a le personnel, il peut y avoir une certaine suspicion, même de l’hostilité.  
 
Quel était le contexte à l’époque?
 
Je pense que c’était une campagne correcte, la personnalité du maire sortant jouait. On a fait ce que font les candidats en campagne, du terrain, des réunions… Je venais de rentrer à La Réunion depuis tout juste un an. Je me suis installé en tant que médecin à Saint-Pierre. Paul Vergès et Elie Hoarau sont, à l’époque, conseillers généraux de Saint-Pierre. Je faisais partie d’une même petite bande de progressistes comme Christophe Payet, futur maire de Petite Ile et président du Conseil général ou encore Wilfrid Bertile, qui sera élu la même année que moi comme maire de Saint-Philippe.
 
A l’époque, le Parti socialiste, que nous connaissons, n’était pas encore créé en France. Il le sera en 1972 avec François Mitterrand. A La Réunion, il y avait deux camps, les départementalistes ou encore les « nationaux » avec Michel Debré, et il y avait les communistes avec Paul Vergès et le PCR.  Et il y avait peu de place pour autre chose. L’évolution de cette situation a été longue, avec des amis on a cherché à apporter notre contribution.
 
Les campagnes de l’époque étaient-elles violentes?
 
Oui, il y a avait souvent des bagarres, mais moi j’en ai peu connu. J’ai fait énormément de porte à porte. A l’époque, il n’y avait pas d’informations comme aujourd’hui. Mais les violences ne s’exerçaient pas uniquement contre le camp d’en face. En 1977, je conduis une liste socialiste, parti dont j’ai été membre fondateur à La Réunion, car on ne réussit pas à faire l’union des forces de gauche.
 
La gauche perd la mairie de Saint-Louis. J’ai été insulté quotidiennement dans Témoignages. Les socialistes étaient des traitres. En 1977, un maire communiste a même déclaré que j’aurais dû être exécuté. J’ai été victime d’un attentat à mon cabinet… C’était très violent, mais vous savez, je trouve que même s’il y a eu une évolution incontestable, la violence n’est jamais loin et peut ressurgir. Et ça c’est grave.
 
La rencontre avec le président Valéry Giscard d’Estaing vous a marqué?
 
Le Président de La République, lors de son séjour réunionnais, se rend effectivement à Saint-Louis. Je suis maire il est de mon devoir de l’accueillir. C’est ce qu’attend la tradition républicaine et c’est aussi ce qui relève du sens de l’hospitalité, même si je ne suis pas de sa famille politique.
 
Comme le veut la tradition je lui souhaite donc la bienvenue. J’ai fait un discours plutôt classique de maire, mais d’homme de gauche, d’autonomiste. Je mets l’accent sur la place qui doit être la nôtre dans le développement de notre île. Et le Président répond en expliquant sa politique pour La Réunion. C’est un temps fort, et à titre personnel un bon souvenir mais peut-être pas le souvenir de ma vie !
 
Et plus tard vous retrouvez un mandat ?
 
Oui, mais dans la commune voisine, à Saint-Pierre, dans le cadre d’une liste d’union de la gauche. Je suis adjoint au maire. Mais là on est après l’élection de François Mitterrand. L’époque a changé. Puis après je vais arrêter la politique. Ce n’est pas facile la politique quand on a un idéal, qu’on veut vraiment agir pour l’intérêt général.
 
Que pensez-vous des Municipales 2014?
 
Aujourd’hui, j’ai l’impression d’un renouveau. Il y a beaucoup de candidats et candidates. Certains échoueront mais ils émergeront, feront leur chemin et rebondiront plus tard. Je suis impressionné par les femmes qui arrivent, c’est fantastique. A Petite Ile, par exemple, on a vu un lot de femmes émerger, c’est très intéressant.
 
Une campagne comme aujourd’hui ça me fascine car les journaux rapportent pleins de choses ! C’est excellent pour la démocratie, pour l’information. La situation politique ayant changé, on peut toutefois constater que la campagne est plus calme car le niveau partisan est moins dur.
 
Des femmes, des jeunes… et des plus anciens !
 
Il y a des vieux qui ont besoin de partir et qui ne partent pas… c’est dommage. Il faut laisser la place aux nouvelles générations, c’est vital pour un pays. Se prendre pour Zorro quand on est jeune, bon, mais se faire passer pour Zorro quand on est vieux, là non !
 
Quelles sont les qualités pour gagner?
 
Cette élection va nous apporter pleins de renseignements: le poids du PCR, la place des nouveaux partis… Pour moi, un gagnant c’est celui qui rassemble, au delà de son courant. Et il faut souvent un charisme personnel, une bonne équipe et surtout du travail. Beaucoup de travail.

 

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