Dans les Hauts et dans l’intérieur de l’île, des clans s’organisent chez les Marrons qui deviennent de plus en plus hardis. Alors qu’ils sont de plus en plus nombreux, les vivres viennent à manquer, ils mènent souvent une vie de nomades toujours à la recherche de nourriture et de cachettes sûres. D’autres sous la coupe d’un chef comme Maffate, Cimandef, Dimitile, Laverdure, Saramenana, ou encore Fanga ou Bara, se réfugient dans des endroits inaccessibles, où le froid est dur à supporter, ils s’abritent dans les cavités de la montagne. Plusieurs Malgaches essayent de prendre la mer pour rejoindre la Grande Ile, mais huit cents kilomètres à la rame avec peu de vivres est une entreprise difficile, voire impossible. Lorsqu’ils ne sont pas repris plusieurs d’entre eux périssent en mer. Les Marrons multiplient les descentes vers les exploitations pour s’approvisionner en vivres et en nouvelles recrues. Des femmes sont même enlevées en plein jour. Les esclaves qui refusent de les suivre sont égorgés.
Les Colons en petit nombre sont inquiets d’autant qu’ils n’ont pas d’armée, de police ou de milice. Les esclaves échappés sont très nombreux et se révèlent dangereux. Vers 1730, des exactions sont rapportées à Mahé de Labourdonnais, gouverneur des îles Mascareignes qui prend des mesures. Il met en place des unités de miliciens volontaires et vigoureux avec pour objectif d’éliminer l’ennemi de l’intérieur. Ainsi, François Mussard, nommé chef d’escadre, pourchassera les esclaves marrons jusqu’à son dernier souffle.
Dès 1739, Jacques Carron, Louis Payet, Gilles Fontaine entre autres, accompagnés de porteurs Noirs partent en même temps du littoral nord, ouest, est et sud, remontant les grandes rivières pour rejoindre la Plaine des Cafres, à grand renfort de fusils, de poudre, de porteurs et de chiens. Ces opérations sont infructueuses. Plusieurs cases d’esclaves découvertes dans les montagnes sont vides. Les fugitifs ont entendu le bruit des grandes battues et se sont enfuis.
Mussard estime que ce n’est pas manière la plus adéquate pour déloger les Marrons. Il préfère y aller avec un groupe d’hommes choisis et surtout sans chiens qui aboient à l’approche des camps, et qui ainsi préviennent les fugitifs. François Mussard arrive à convaincre Labourdonnais de lui donner carte blanche pour organiser la chasse aux Noirs Marrons sur les hauteurs et les écarts de Bourbon. D’après les premières constatations, 1000 à 2000 Marrons vivent dans les montagnes. Ils sont presque aussi nombreux que les habitants du littoral, esclaves non compris. Les colons craignent une attaque d’envergure de leur part. Ils obtiennent des renseignements par les esclaves enlevés revenus à l’Habitation. De plus, les Africains dénoncent souvent leurs compagnons d’infortune. D’autres rattrapés dans les montagnes dénoncent leurs congénères en échange de la grâce. Le Gouverneur préoccupé par les attaques anglaises autour de l’île, laisse Mussard régler le problème de Marrons.
Les chasseurs de Marrons sont de simples colons Blancs, Libres de couleur parfois, pauvres la plupart du temps qui pensent qu’une somme substantielle apportée par la traque leur apportera une vie meilleure. En effet, les habitants de Bourbon sont pauvres. La compagnie des Indes dont les prix sont exorbitants, monopolise le commerce avec les Bourbonnais.
D’après Dureau Reydellet, dans « Bourbon d’Hier et La Réunion d’Aujourd’hui », à partir de 1743, lors de ses traques, François Mussard est accompagné de son frère Antoine, de Lautrec, Martin, Devaux, Cerveaux, Chamand, Auber, Rault, Hoareau, Grimaud, Grosset, Lauret, Carron, Robert, Boucher, Lautret, Garnier, Rivière et Carron. Ces troupes remontent le lit des rivières, poursuivent les hommes, femmes et enfants les abattent à vue ou quelques fois les ramènent à leurs propriétaires. La prime s’élève à 100 livres pour un homme vivant, 50 livres pour un Marron exécuté, sa main droite servant de preuve. En général, les corps abattus sont enterrés sur place mais les mains, garanties de versement de la prime, sont ramenées et suspendues à un endroit précis à Saint-Paul.
Ces bataillons armés prospectent méthodiquement, brulant les cases et les villages, vident les cirques, les plateaux et les hauts de leurs occupants Marrons. Les outils et les armes trouvées sur place sont ramenés sur le littoral. Après Maffate et sa compagne Rahariana, en 1751, d’autres chefs sont abattus Sacermate, Fiague, Sylvestre, Laverdure… En février 1754, Mussard trouve Simitave, Sieille et Dannamoise. La chasse se poursuit et ne s’arrête pas à la mort de François Mussard début 1771, puisque Antoine Cerveau lui succède. Mais les Marrons, après ces battues assidues sont décimés et ne présentent plus de danger pour les habitants du littoral. Cependant en 1828, le dernier escadron commandé par Léonard Guichard intervient à l’Ilet à Malheur où un village de 40 occupants est détruit.
Une politique d’occupation des territoires retirés comme Mafate, Cilaos, les Ilets et les Bras par les petits colons et les Blancs pauvres, est amorcée au fur et à mesure de leur désertion par leurs premiers occupants pour laquelle 150 ans de lutte inégale a été nécessaire. En 1848, l’abolition de l’esclavage est déclarée dans toutes les colonies Françaises.
Sources
Mario Serviable-Histoire de La Réunion.1990.ed-OCEANS
Album de la Réunion Dictionnaire biographique de la Réunion L’histoire de la Réunion
Dureau Reydellet (“Bourbon d’hier et d’aujourd’hui – Faits et anecdotes”)