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« Cela dérangerait quelqu’un que je prenne votre numéro? »

Voilà un exemple de phrases qu’on m’a adressé pendant que je faisais mes courses seule à la fermeture d’une grande surface de St Denis. Je me disais toujours que la fin de journée était plus propice à ce genre d’activité: moins de monde, moins de bruit et une température plus douce. Malheureusement, il n’y a […]

Ecrit par Morgane Andry – le vendredi 19 janvier 2018 à 20H13

Voilà un exemple de phrases qu’on m’a adressé pendant que je faisais mes courses seule à la fermeture d’une grande surface de St Denis. Je me disais toujours que la fin de journée était plus propice à ce genre d’activité: moins de monde, moins de bruit et une température plus douce. Malheureusement, il n’y a pas d’heure pour se faire « importuner ». Je sentais déjà des regards insistants sur moi avant de me faire accoster malgré mes éternels jean, t-shirt et baskets de l’époque. Ce jour là, j’ai simplement répondu que oui, ça me dérangeait moi, un être humain qui ne dépend de personne d’autre que d’elle même. J’ai interrompu mes courses, je suis passée à la caisse avec la moitié de ce que j’avais prévu d’acheter et je suis retournée à ma voiture. Bien sûr, j’ai été suivie et j’entendais diverses remarques de loin. 

L’implicite de la question de l’individu était extrêmement choquante. Si je « n’appartenais à personne », j’aurai été contrainte de donner mon fameux numéro. 

Selon [certaines femmes ayant signé cette fameuse tribune au Monde]urlblank:http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/09/nous-defendons-une-liberte-d-importuner-indispensable-a-la-liberte-sexuelle_5239134_3232.html , mon comportement castrateur n’est pas approprié.

Ce jour là, il semble que j’ai empêché à la personne de s’exprimer, de libérer ses frustrations. Je n’étais pas le meilleur « défouloir », je n’ai pas été à la hauteur de ce que notre société patriarcale attendait de moi: satisfaire les hommes. Si j’ai été marquée par chacun des événements de ce genre qui me sont arrivés, chacun ayant des conséquences plus ou moins graves, cela m’enfermerait dans le carcan bien étiqueté de « victime ». Une victime, c’est moche, ça se plaint, ça aime faire des histoires, ainsi, une partie de la société cherche à s’en débarrasser. Alors, pour citer Leïla Slimani: « Je ne suis pas une petite chose fragile. Je ne réclame pas d’être protégée mais de faire valoir mes droits à la sécurité et au respect ».

Non, nous ne « diabolisons » pas le « désir masculin ». Cependant, le désir masculin prime- t-il sur la volonté féminine? 

Je pense que toutes les femmes peuvent choisir ce qu’elles veulent ou non, qu’elles soient célibataires ou non. Faire des courses, marcher dans la rue ou prendre les transports en commun en se sentant libre et en sécurité en fait partie. Pouvoir sortir et avoir une vie sociale sans avoir cette crainte d’être accostée, touchée ou même pire. La « drague maladroite » n’a rien à voir avec des individus qui se permettent de vous suivre jusqu’à votre véhicule ou votre domicile. La drague ne s’opère pas à sens unique sans consentement. Qu’un homme puisse avoir un certain pouvoir verbalement ou physiquement atteint la liberté de la femme qui voulait simplement être tranquille et ne pas être vue comme une proie. 

Aujourd’hui certaines femmes se présentent comme opposantes à une lutte sociale qui les concerne directement. Entre incompréhension, colère et rancoeur, internet s’est déchaîné ces derniers jours. La Reunion n’est pas épargnée par ces « accosteurs », « agresseurs » et « harceleurs ». Combien de réunionnaises préfèrent sortir entre copines ou avec leur conjoint•e afin de ressentir un semblant de sécurité ? Combien d’étudiantes ont signalé des hommes se touchant publiquement aux abords de l’université ? Combien de femmes ont arrêté de fréquenter des établissements nocturnes où leur simple présence sous-entendait qu’elles désiraient entrer en contact avec des hommes? 

Le féminisme n’est pas synonyme de misandrie. Les féministes ne ressentent pas une haine envers les hommes. Elles veulent simplement vivre sans être jugées, importunées. Être libres. 

Au delà du harcèlement, des agressions et des violences, tous les jours des femmes subissent le patriarcat et les normes sociales qu’il impose.
 
Un constat simple: Des hommes assumant leur pilosité de la tête au pied qui imposent aux femmes d’être imberbes, de porter des talons, d’être maquillées et coiffées à chaque occasion. Mais attention, trop de maquillage et une jupe trop courte font d’elles des filles vulgaires et qui cherchent à attirer l’attention. Vous êtes vous déjà dit que la plupart d’entre elles pouvaient agir selon leur bon vouloir sans penser une seconde à la gente masculine ? 

Alors, en 2018, pour nos mères, nos soeurs et nos filles, ne laissons pas des personnalités publiques consoler les hommes violents dans leur parole ou leur geste. Ne les laissons pas banaliser la violence et hiérarchiser les traumatismes. Ne donnons pas de crédit à leur injonction d’éduquer uniquement les filles. Soyons conscientes de notre pouvoir de dire « non », soyons conscientes de l’existence des abus au quotidien et continuons de ne pas vouloir être censurées.

 

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