C’est dans le centre-ville de la capitale que l’on peut encore trouver le plus de « cases créoles« , caractéristiques de l’histoire de la Réunion. Entre amis, on a souvent tendance à comparer avec sourire la rue de Paris à la rue de la Paix du jeu du Monopoly… Ce sont des bâtisses prestigieuses qui sont devenues des bâtiments administratifs et un lieu incontournable pour les visites touristiques.
Toutefois, il n’est pas nécessaire de se balader très longtemps dans les rues de Saint-Denis pour se rendre compte d’une chose : ces merveilles patrimoniales sont en voie de disparition. Symbole de la Réunion et fierté de la population, le constat est malheureux : l’un des héritages primordiaux de l’histoire réunionnaise est en ruine. Les belles cases de la rue de Paris, pour la plupart gérées par les collectivités locales, finiront par ne plus masquer ce délabrement de l’architecture créole…
Pour certaines, les héritiers n’ont pas eu d’autres choix que de la laisser à l’abandon. Elles bordent les rues, parfois cachées par une végétation étouffante. Seuls les squatteurs bravent les interdits en occupant ces lieux aux airs de maisons hantées pour en faire un lieu de survie. Leurs toits frangés de dentelles se désagrègent et les parois ne peuvent plus lutter contre l’humidité, la rouille et la peinture décrépie.
D’autres semblent vouloir résister aux rangées de constructions bétonnées. Mais le combat est inégal. Pour exemple, il suffit de se rendre dans la rue Juliette Dodu pour constater ces changements. Au numéro 123, un grand panneau surplombe un terrain où il existait une maison ayant valeur patrimoniale. Dessus, on peut lire que la résidence le Saint-Laurent s’élèvera bientôt sur l’emplacement.
Il y aussi ces coins où la conservation d’une partie de la case créole finit par friser le ridicule. Son intégration avec les nouvelles constructions ne rime parfois qu’à la présence d’un pan de mur, d’une forme de toit ou d’une véranda, signe des vestiges d’une époque révolue.
Si la plupart des gens regrettent déjà cette mutation, d’autres, laissant parler leur nostalgie, sont prêts à mener le combat pour empêcher la disparition de l’architecture créole. Une lutte qui commence à peine, avec la mise en place d’une pétition « pour la défense du patrimoine architectural de Saint-Denis« .
141 rue Juliette Dodu, on poursuit la visite. Les murs de béton armé ont entamé leur course vers le ciel. Plus personne, surtout pas les générations à venir, ne se douteront qu’une maison à caractère patrimonial a été entièrement détruite pour laisser place à des logements à caractère… impersonnel. Et le même constat se vérifie au numéro 157, puis au numéro 179.