Le président de la CCIR (Chambre de Commerce et d’Industrie de la Réunion), Ibrahim Patel, et deux de ses directeurs vont-ils se retrouver au cœur d’une affaire judiciaire? Si la situation sociale au sein de la Chambre consulaire n’est pas au beau fixe depuis quelques mois, le témoignage de plusieurs salariés viennent appuyer un climat qui semble se détériorer.
En décembre dernier, Sophie* a décidé de déposer plainte contre le président de la Chambre, Ibrahim Patel, le directeur général de la CCIR et un directeur de pôle pour des faits de harcèlement moral, abus de pouvoir et autorité ainsi que pressions et violences morales. « Depuis janvier 2013, des décisions successives ont conduit à son déclassement et à sa rétrogradation« , peut-on lire dans la plainte.
Dans les faits, Sophie travaille depuis 27 ans à la CCIR. Déjà écartée en 2008 pour des faits similaires, cette situation a conduit la salariée à déposer plainte : « La répétition de cette situation en 2013 et les déplacements successifs à quelques mois d’intervalles dans des postes impliquant des responsabilités quasi inexistantes au regard de son statut de directrice et de sa classification traduit un harcèlement moral« .
« Elle apprend par recommandé la suppression de son service fin 2012 »
En charge du pôle « aménagement et gestion du patrimoine » depuis 2011, tout se déroule bien jusque dans le courant de l’année 2012, selon l’intéressée: « J’étais souvent en contact avec le président, et du jour au lendemain, plus de nouvelles. On a commencé par m’enlever mon assistante avant de fermer mon service« , explique Sophie. Elle apprend, par recommandé, la suppression de son service fin 2012.
Reçue en janvier 2013 par le directeur du pôle économique, celui-ci lui aurait alors proposé la fin de son contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle. Proposition refusée et début de la galère pour Sophie. « Une mise au placard et le début du harcèlement moral« , précise-t-elle. Et tout y passe. « Ils ont changé la serrure de mon bureau, ne m’ont pas restitué mes affaires personnelles, supprimé ma ligne téléphonique et ma messagerie professionnelle ou encore retiré ma voiture« , précise-t-elle.
« Je rentrais chez moi le soir en rampant »
Mutée sur un poste de « chargée d’étude » au bout de six mois, Sophie ne retrouve pas un poste à hauteur de ses qualifications alors que plusieurs postes de directeur et adjoint de directeur auraient été pourvus, même après son deuxième entretien avec le directeur du pôle économique au mois d’octobre 2013.
Ce dernier lui signifie dans un premier temps sa « révocation pour sanction disciplinaire » avant de la recevoir une nouvelle fois pour lui proposer une rupture conventionnelle. En arrêt maladie depuis un mois, Sophie dit ne plus supporter sa situation à la CCIR: « Je rentrais chez moi le soir en rampant et cette situation a rejailli sur ma vie personnelle« , explique-t-elle.
Pourquoi autant d’acharnement ? « Je devais trop bien travailler face à l’opacité qui règne au sein de la CCIR« , avance Sophie qui, en charge du pôle patrimoine créé au lendemain d’un rapport de la Chambre régionale des Comptes, pointait du doigt la « méconnaissance » de la réalité de l’état des actifs en possession de la CCIR, entrainant des conséquences coûteuses d’un point de vue fiscal, mais également sur la valorisation des biens.
Epiphénomène à la CCIR ? Le cas de Sophie ne semble pas isolé. Deux autres salariés de la Chambre consulaire vont emboiter le pas de Sophie dans les prochaines semaines en déposant, à leur tour, une plainte contre les mêmes personnes, accusées, selon elles, de faits de harcèlement moral.
Ibrahim Patel, pas concerné?
Nous avons interrogé le président de la CCIR, Ibrahim Patel. Ce dernier se dit pas directement concerné par ces problèmes de harcèlement: « Je suis cité dans la plainte. C’est normal car je suis le président de la CCIR. Je suis considéré comme le premier responsable de part ma fonction. C’est écrit dans les textes de la Chambre dans ce genre de situation« , explique-t-il.
A la remarque que plusieurs salariés se plaignent de situations similaires, Ibrahim Patel nous renvoie « vers le Directeur général. Je le répète mais à chaque fois qu’une personne déposera plainte, je serai le premier responsable en tant que président« , conclut-il. Impossible d’en savoir plus.
En attendant, la plainte identifie bien Ibrahim Patel comme étant un des maillons du problème. « Il est établi que le président et le directeur de la CCIR adoptaient un comportement vexatoire à l’égard de cet agent, en remettant en cause ses compétences de façon violente dans un courrier (…) et en l’informant de la décision de procéder à sa révocation pour motif disciplinaire (…)« , lit-on.
Si les faits de harcèlement moral sont qualifiés, le ou les auteurs risquent jusqu’à un an de prison et 15.000 euros d’amende.
*Sophie est un prénom d’emprunt