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CCAS de Ste-Marie: Le rapport accablant de la Chambre Régionale des Comptes

C'est un pavé (dans la mare) de 56 pages que le rapport de la Chambre Régionale des Comptes sur le CCAS de Sainte-Marie. On y apprend que, depuis le dernier rapport, en 2013, aucune des recommandations de la CRC n'a été suivie. Rien ne fonctionne correctement, le CCAS n'est absolument pas dans les clous juridiques, des dépenses fantômes ont creusé un déficit qui s'élève à 1,26 million d'euros, les charges de personnel ont explosé, quand les aides ont diminué. Le rapport impute la situation calamiteuse du CCAS au manque de contrôle de la mairie, quand le taux de pauvreté des ménages de Sainte-Marie est de 33,3%. Le CCAS semble avoir plus bénéficié à ceux qui y travaillent qu'à ceux pour qui il est censé travailler. Tour d'horizon des principales remarques émises par la Chambre Régionale des Comptes :

Ecrit par zinfos974 – le mardi 19 novembre 2019 à 18H25

Une analyse des besoins sociaux (ABS) et des rapports d’étude malheureusement introuvables

« Les ABS relatives aux années 2014 à 2016 auraient été réalisées par un cabinet avec qui le CCAS a signé plusieurs conventions entre 2014 et 2016. Si les notes explicatives de synthèse jointes aux procès-verbaux des délibérations font état d’un dossier consultable au CCAS, la chambre n’a pas pu en prendre connaissance car les services n’en disposaient pas. Le prestataire a indiqué, que suite à un problème informatique, il ne détient plus les rapports et les données s’y rapportant. L’ABS présentée en mars 2016 a été précédée de deux conventions ; la première du 14 septembre 2015 et la seconde du 18 janvier 2016. L’établissement n’a pas pu expliquer pour quelles raisons deux conventions, dont l’objet est a priori similaire, ont été signées à 4 mois d’intervalle avec le même prestataire.

En plus des conventions relatives aux ABS, ce cabinet s’est vu confier en 2016 la réalisation de prestations pour lesquelles le CCAS n’a pas été en mesure de produire de document attestant de leur réalisation ; l’étude ethnographique sur les quartiers de Beauséjour et de la réserve et celle sur l’utilisation des plantes médicinales chez les séniors de Sainte-Marie n’ont pas pu être justifiées. Le prestataire fait valoir, sans l’établir, que cette dernière aurait fait l’objet d’une présentation au CCAS en présence des partenaires et des élus. »

Des rapports d’activité incomplets

« Un rapport d’activité est présenté chaque année au conseil d’administration. Cette démarche utile à la connaissance de l’activité pourrait cependant être améliorée. Il est relevé l’absence d’homogénéité et de continuité dans les informations produites chaque année ; ce document se présente plus comme une compilation d’informations disparates produites par les services sans offrir un état des lieux précis de l’activité et de la situation du CCAS. Par exemple, le rapport d’activité 2017 comprend peu de données chiffrées qu’elles soient financières ou statistiques et aucune comparaison avec les années antérieures ; il ne permet aucune analyse ou mise en perspective ce qui prive le lecteur de toute vision globale, et même de toute perception de la cohérence et de la complémentarité des missions assurées. »

Aucune orientation stratégique

« Malgré la recommandation faite dans le rapport de 2013, l’établissement n’a pas adopté de document fixant sa stratégie à moyen terme (…) La chambre recommande comme lors du contrôle précédent sa formalisation dans un document de type plan d’action ou projet d’établissement établi en lien avec la commune. Ce document permettrait de préciser ce qui est attendu du CCAS au regard des moyens qui lui sont attribués et pourrait aussi servir de cadre d’intervention au directeur qui a pris ses fonctions en novembre 2018. »

Une absence de contrôle de la mairie

« Les conventions attributives de subvention prévoient la possibilité pour la commune de procéder au contrôle de l’utilisation des fonds versés. La situation financière du CCAS et les anomalies de gestion relevées traduisent l’absence de démarche de la collectivité en la matière (…) Dans un souci de transparence, il conviendrait que les divers avantages octroyés par la ville soient recensés de manière exhaustive et valorisés financièrement. » 

Des délégations de pouvoir et de signature très approximatives et un délai de vacance de la direction hors-clous

« Lors du conseil d’administration de juin 2018, il a été pris acte de la démission en mai d’un membre élu. En janvier 2019, ce siège d’administrateur était toujours vacant alors qu’en application de l’article R. 123-9 du CASF et du règlement intérieur du CCAS, le renouvellement aurait dû intervenir dans un délai de deux mois à compter de la vacance du siège. »

« Le président du conseil d’administration est ordonnateur des dépenses et des recettes du budget du centre et nomme les agents. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer une partie des fonctions ou sa signature au vice-président et au directeur18. Il est observé que le vice-président en fonction jusqu’en août 2018 a agi en l’absence de délégation du président. Par exemple, il a signé la quasi-totalité des bordereaux de dépenses et de recettes 2015 et 2016 ; il a aussi signé des actes de recrutement avec la mention par délégation du président alors que celle-ci n’existe pas. Il indique avoir été induit en erreur, avoir fait confiance à la direction et aux services du CCAS et signés les documents présentés et validés par le conseil d’administration. La nouvelle vice-présidente a aussi été amenée à signer des actes de recrutement par exemple en septembre 2018 sans y être habilitée. En l’absence de délégation, les décisions et actes signés par le vice-président dans l’exercice des fonctions de président pourraient être considérés comme irréguliers.  »

Une gestion des ressources humaines particulièrement nébuleuse

« La chambre recommandait d’élaborer un organigramme qui traduise des choix organisationnels clairs, une structuration des services et un circuit hiérarchique compréhensible. Si par délibérations d’octobre 2013 et juin 2014, le conseil d’administration a approuvé un tel document, celui-ci ne reflète pas l’organisation actuelle de l’établissement et est peu lisible ; il comprend des blocs et sous-blocs qualifiés selon le cas de « pôles », « services » ou « actions » sans que des personnes identifiées ne soient à leur tête. Malgré les évolutions organisationnelles, il n’a jamais été modifié et fait apparaitre des activités qui ne sont pas gérées par le CCAS. »

Des effectifs en hausse et des mises à disposition de personnel non réglementaires

« En décembre 2018, les effectifs, hors personnel mis à disposition par la ville, sont de 142. (…) Sur la base du nombre moyen mensuel d’agents, les effectifs ont progressé de 48 % durant la période 2014-2017 et diminuent en 2018. (…) Selon les données produites par le CCAS, entre 2014 et 2017, les emplois sont passés de 98 à 188 représentant une hausse de 92 % ; il convient d’y ajouter les agents mis à disposition par la ville qui sont au nombre de 49 en 2018. »

« En l’absence de document formalisant la mise à disposition pour une partie des personnels, celle-ci ne repose sur aucun fondement juridique ; la chambre réitère la recommandation faite lors du contrôle précédent concernant la nécessité de disposer d’une convention pour les personnels mis à disposition. »

« La chambre observe qu’il arrive que des personnels en contrats à durée déterminée soient recrutés par la ville et mis à disposition du CCAS; elle rappelle que ce dispositif ne peut pas concerner cette catégorie de personnels. »

Des charges de personnel en hausse, des sur-rémunérations illégitimes, et des indemnités à la tête du client

« En 2018, les charges de personnel ont représenté 3 287 638 € et sont en progression de 26 % par rapport à 2014. »

« A la lecture de la délibération de décembre 2016, rien n’exclut du bénéfice du régime indemnitaire les autres agents du CCAS qui occupent les fonctions décrites dans les différentes catégories retenues par le conseil d’administration ; l’ensemble du personnel du CCAS serait en droit de bénéficier du versement du RIFSEEP. La chambre rappelle à l’établissement, qui n’a produit aucune décision individuelle d’attribution pour le directeur, que celle-ci est obligatoire en application de la réglementation. »

« Cinq agents non titulaires ont bénéficié du versement de l’indexation et de la majoration de traitement en 2018 pour un montant total de 50 137 €. »

Un parc automobile surdimensionné, un usage personnel des véhicules, le coût de location du véhicule du directeur supérieur aux aides sociales facultatives attribuées

« Le parc automobile semble surdimensionné par rapport aux besoins. A l’examen des factures d’essence, la chambre observe que l’ancien directeur semble avoir bénéficié d’un véhicule de fonction en l’absence de délibération du conseil d’administration et de fondement juridique ; les achats d’essence se faisaient la semaine, le weekend et les jours fériés et souvent à Sainte-Rose où il est domicilié. S’agissant par exemple de l’année 2017, sur la base du nombre total de litres d’essence facturé, il aurait parcouru environ 69 000 km soit bien au-delà des seuls besoins de déplacement liés au service, et laisse présumer une utilisation à des fins personnelles notamment pour les trajets domicile-travail. »

« Il est relevé que le coût de location du véhicule affecté au directeur de 32 613 € sur la durée du contrat est élevé et dépasse le montant des aides sociales facultatives à la charge du CCAS et attribuées en 2018.  Sur la durée totale du contrat, la location d’un véhicule moins « luxueux » aurait permis à l’établissement de réaliser une économie de 23 339 € qui aurait pu être affectée au paiement de fournisseurs ou d’aides. »

Les aides facultatives ont dramatiquement diminué, du fait de la situation financière du CCAS

« Entre 2014 et 2018, les aides facultatives attribuées à la charge du CCAS ont diminué de 84 % passant de 188 725 € à 29 694 €. »

« L’année 2018 marque une rupture avec la prise de conscience de la situation financière réelle de l’établissement qui a conduit à des mesures de réduction des dépenses touchant aussi les publics les plus fragiles. Les aides facultatives ont été réduites essentiellement aux secours d’urgence, à la distribution de colis alimentaires et de chèques assainissement remis par la CINOR. Le nombre de colis alimentaires a diminué de 67 % passant de 636 en 2014 à 211 en 2018.  »

Les aides sont mal comptabilisées, et un agent du CCAS a reçu une aide de 1600€, sans qu’il y ait droit

« Il existe un décalage important entre les aides attribuées et les aides comptabilisées dans les documents budgétaires et comptables qui ne reflètent pas la situation réelle de l’établissement. »

« La chambre observe que des aides financières ont été accordées pour des montants dépassant le plafond de 300 € prévu par le règlement des aides sociales de 2014. Par exemple, 21 % des aides financières en 2016 et 28 % en 2017 dépassent ce seuil. Elle relève qu’une aide financière exceptionnelle de 1 600 € a été attribuée en 2017 à un agent du CCAS alors qu’au regard de ses revenus il n’y avait pas droit et que cette aide dépassait le plafond des aides financières exceptionnelles ; le règlement des aides sociales constitue le cadre d’intervention et toute dérogation non prévue conduit à une rupture d’égalité entre les usagers. »

Les aides à l’amélioration de l’habitat si mal gérées qu’elles ont dû cesser

« En raison de sa situation financière et du refus des fournisseurs de répondre à de nouvelles commandes en l’absence de paiement des factures en attente, l’établissement a été amené à suspendre l’instruction des demandes d’aide à l’amélioration de l’habitat à partir de mars 2018. Jusqu’à cette date, le processus d’octroi manquait de transparence et conduisait à une inégalité de traitement entre les usagers. »

Des Ateliers de Chantier d’Insertion sans vocation sociale et coûteux, et des liaisons dangereuses avec des associations

« La chambre considère, contrairement au président de l’association, que ce stage en lien avec le projet porté par l’association n’avait pas à être financé par le CCAS. Le dispositif des ACI a permis de recruter un chercheur en chimie et notamment de le rémunérer durant son stage en métropole.  »

« Si le CCAS peut mettre en place ou participer à des chantiers d’insertion, ce projet dépassait de par sa vocation notamment touristique ses compétences, ce que le conseil d’administration a reconnu dans sa délibération du 1er octobre 2018. Cet ACI a conduit à la création de l’association Les Attelages de Bô Séjour à l’initiative de la direction et du personnel du CCAS, laquelle a bénéficié du paiement de prestations qui n’ont pas été réalisées. »

« S’agissant de l’utilisation de biens du CCAS, la chambre observe qu’aucune convention ne le prévoyait ; même si l’établissement a indiqué qu’aucun personnel n’a été mis à disposition, il existe une forte présomption que l’activité de l’association ait été réalisée avec des agents du CCAS. »

« Un exemple illustre la difficulté à identifier la frontière entre les actions du CCAS et celles de l’association ; selon son compte Facebook, l’association a organisé le 18 mars 2017 un pique-nique à l’îlet coco ; le même jour, le CCAS (via le centre social de la rivière des pluies -CSRDP-) a organisé lui aussi un pique-nique à l’îlet coco dont il a pris en charge l’ensemble des dépenses dont 1 200 € au titre de l’animation de la journée par l’association. »

Des finances mal suivies, une sincérité des prévisions budgétaires plus que douteuse, des voyages payés aux élus et agents du CCAS: une situation financière calamiteuse

« Les notes explicatives de synthèse pour les budgets 2017 et 201879 qui ne comportent pas de perspective pluriannuelle, de donnée financière et d’information relative aux personnels ne peuvent valoir rapport d’orientation budgétaire.  »

« La chambre observe que la recommandation faite dans le cadre du contrôle précédent d’évaluer de manière sincère les recettes n’a pas été mise en œuvre. S’agissant de la section de fonctionnement, si le taux d’exécution des recettes est compris entre 93 % et 105 %, il ne reflète pas le niveau des recettes réelles en raison d’un rattachement de produits incomplet et d’un pilotage insuffisant des recettes. »

« Pour l’exercice 2017, des factures ont été rattachées pour un montant total de 111 148 € alors qu’au 31 décembre des factures de fonctionnement sont en attente de mandatement pour au moins 1 037 174 €. »

« Le conseil d’administration a validé en 2015 la prise en charge des coûts de participation d’agents ou de membres du conseil d’administration à des voyages sans que l’intérêt du service public n’en démontre l’utilité. Dans le cadre de voyages organisés par une agence de voyage avec les clubs du 3ème âge, il a financé la participation de 3 agents et d’une élue à un voyage de découverte en Europe en septembre 2015102 et la participation d’un agent à deux séjours de découverte à l’île Maurice respectivement en juin et novembre 2015103 . S’agissant d’un séjour à l’île Maurice du 10 au 14 octobre organisé par une agence de voyage pour 25 personnes dont 7 bénévoles qui interviennent au centre social et 5 accompagnateurs du CCAS dont un élu, l’établissement a pris en charge le coût total pour les agents et l’élu et partiellement le coût pour les bénévoles. »

En conclusion, le rapport de la CRC estime que « La situation financière préoccupante de l’établissement est le résultat d’une gestion, sans stratégie, sans pilotage et sans aucune rigueur », et préconise, afin qu’il se recentre sur l’accompagnement social, de « réfléchir à son organisation afin d’optimiser ses moyens humains et poursuivre la réduction de sa masse salariale. »

 

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