Revenir à la rubrique : Société

Bras de fer inattendu pour la désignation du représentant régional de Numeum

Simple incompréhension ou simulacre de vote au sein de Numeum ? La représentation locale du plus gros syndicat national de défense de la filière du numérique vit une crise interne dont elle se serait bien passée. Le processus de désignation de son nouveau délégué régional donne lieu à des suspicions de vote arrangé.

Ecrit par 1639 – le vendredi 22 avril 2022 à 08H54

« Numeum » n’est pas connu du grand public. Il rassemble en effet les acteurs de la filière du numérique en France. Numeum est né de la fusion de Syntec Numérique et de TECH IN France et représente 85% des entreprises de ce secteur, qu’elles soient des Entreprises de Services du Numérique (ESN), des éditeurs de logiciels, des plateformes ou des sociétés d’Ingénierie et de Conseil en Technologies (ICT).

Le syndicat a pour but de défendre les intérêts des professionnels de la filière et de plaider leur cause auprès des lieux de pouvoir lorsque, par exemple, un projet de loi arrive en débat parlementaire. Si ce rôle de lobbying est plutôt dévolu à Numeum national, localement, sa mission tient essentiellement dans l’animation numérique du territoire mais aussi d’être force de proposition auprès des instances décisionnelles ou des administrations telles que Pôle emploi par exemple pour mettre en adéquation les besoins du secteur. 

Ces derniers jours, le délégué régional de Numeum devait trouver son remplaçant en raison de son éloignement du territoire réunionnais pour des motifs personnels. 

Mais avant de passer le témoin, le délégué régional de Numeum, Stéphane Colombel, devait se trouver un successeur. Ce processus est marqué par un bras de fer pour le moins inattendu. 

Un premier tour de table est organisé le 31 mars lors d’une réunion en présentiel. Petite déception que Stéphane Colombel ne cache pas, seulement huit adhérents sur la vingtaine que compte Numeum sont présents ce jour-là mais, contre toute attente, pas moins de quatre personnes font acte de candidature pour le remplacer. Au vu du nombre de prétendants, qui peuvent difficilement être départagés en l’état, Stéphane Colombel propose aux adhérents présents d’organiser un second round de discussion afin d’offrir le plus de chances possibles à l’élaboration d’un projet commun entre tous les prétendants. 

Numeum, un syndicat puissant au niveau national qui est consulté par les gouvernants

Les quatre candidats acceptent le principe de ce processus de désignation qui leur accorde un délai supplémentaire d’une semaine pour discuter et tenter de faire émerger des points communs sur leur programme respectif. 

C’est ainsi que durant ce délai imparti, deux prétendants, à savoir Olivier Bénard (Sunlight Media Marketing Agency) et Philippe Arnaud (ancien président de Digital Réunion), finissent par tomber d’accord pour se ranger derrière la candidature de Mike Sihou (Site Location Manager de l’agence Océan Indien de Kyndryl, société détachée des services d’infrastructure informatique d’IBM en 2021). 

Yannick Berezaie maintient quant à lui sa candidature et c’est finalement lui qui est désigné délégué régional de Numeum. 

Mais la façon dont cette désignation s’est déroulée n’a pas manqué de troubler les trois candidats qui avaient fait le choix de faire liste commune. Le trio Mike Sihou, Olivier Bénard et Philippe Arnaud avait mis à profit le délai supplémentaire offert aux candidats pour faire connaissance, se trouver des points communs sur leur vision du développement du numérique à La Réunion mais aussi ramener de nouvelles adhésions à Numeum en un temps record. Un apport de forces vives que le camp des recalés pensait décisif pour accéder à la délégation régionale. Il n’en a donc rien été. 

Premier couac selon eux, « alors qu’on avait dit qu’on devait discuter entre candidats puis que les soutiens seraient transmis de façon discrète par mail au délégué régional, des soutiens de Yannick Berezaie ont communiqué leur choix au su de tous », exprime Olivier Bénard. Lui-même candidat avant de se ranger derrière la candidature de Mike Sihou, il déplore aujourd’hui que les nouveaux adhérents qu’il a amenés à Numeum n’aient pas été pris en compte dans le vote. « Entre mardi et mercredi (6 et 7 avril, ndlr), je fais signer 14 personnes. Je fais ainsi passer le nombre d’adhérents de 12 à 26 donc je ne vois pas comment ils ont pu désigner Yannick Berezaie délégué régional », fait-il valoir sur un plan strictement arithmétique. Il est rejoint dans cette démonstration de vote qu’il estime tronquée par le candidat Mike Sihou.

« Je me suis conformé à l’exercice démocratique proposé par M. Colombel : il fallait que les candidats se déclarent et ensuite que les entreprises se positionnent pour tel ou tel candidat. Il fallait que chaque entreprise envoie un mail à M. Colombel pour exprimer son soutien à Yannick Berezaie ou à moi. M. Colombel voulait juste que l’entreprise s’engage à adhérer à Numeum pour prendre en compte son vote, ce qu’il n’a pas respecté au final… Quand il nous a donné les critères de sélection comme montrer notre capacité de mobilisation et faire adhérer de nouvelles sociétés, on a pris ces critères à la lettre, on s’est mis au travail », explique Mike Sihou. « Après discussion avec Philippe Arnaud et Olivier Bénard, on lui a proposé une seule candidature : la mienne avec Philippe Arnaud et Olivier Bénard qui m’épaulaient pour le bien de la filière locale. Yannick Berezaie a maintenu la sienne ». Mais alors qu’il s’attendait à un processus de vote totalement discret, « la méthode de vote a gêné plus d’un car la confidentialité n’était pas garantie. Certains adhérents ne voulaient pas laisser apparaître qu’ils n’allaient pas voter pour Yannick Berezaie », ajoute le candidat Mike Sihou. 

« Une mascarade de démocratie »

Malgré ce défaut de confidentialité, « un nombre conséquent d’entreprises – grâce notamment à  Olivier Bénard qui a fait un travail de mobilisation remarquable – ont adhéré à notre projet, ce qui démontrait que notre candidature unifiée était soutenue. Je pense que c’est quand ils ont vu qu’ils n’avaient plus la majorité qu’ils ont dit que les confirmations d’adhésion n’étaient pas arrivées à temps, alors que l’engagement suffisait », tente de comprendre Mike Sihou. Pas de doute pour lui, il a assisté à « une mascarade de démocratie. Ils ont voulu garder la main sur Numeum. À ce jour, on n’a toujours pas eu de visibilité sur les votes », souligne-t-il.

Face à ces critiques de court-circuitage du processus de vote, le délégué régional sortant de Numeum nous livre sa version. 

Stéphane Colombel insiste sur le fait que le processus de désignation de son successeur ne s’apparentait pas du tout à un vote. Il préfère employer le terme de « consultation ». Ce qui expliquerait cette incompréhension entre les contestataires et lui.

Une « consultation » mais pas un vote, selon le délégué sortant

« J’aurais très bien pu dire à Paris : ‘j’adoube telle ou telle personne pour ma succession' », explique-t-il le sens de sa démarche d’ouverture dès lors qu’il a été confronté à un embouteillage de candidatures (quatre). « Mais j’ai trouvé que le mieux c’était d’avoir l’avis des acteurs du numérique du territoire. J’aurais très bien pu ne pas proposer cette consultation. Elle n’avait pas été faite pour diviser. Je prends la responsabilité de ma volonté de consultation d’ailleurs. Quand j’ai dit à Paris que j’allais consulter le territoire, on m’a dit ‘libre à vous’ mais le délégué régional a tout pouvoir de faire ce qu’il veut' », rapporte-t-il globalement le point de vue de Paris. Cette polémique qu’il juge inutile et surprenante l’amène à dire que « sans cette consultation », qu’il n’était donc pas obligé de proposer, « ça se serait mieux passé ». Un comble donc.

« J’ai fait une première présentation à laquelle j’ai invité tous les adhérents à venir. Très peu sont venus. Je pensais que cette consultation ce jour-là (31 mars, ndlr) allait me permettre de trouver un successeur à main levée mais là, surprise, il y avait quasiment autant de mains levées que de présents (rires). C’était une drôle de consultation… J’ai alors proposé qu’on élargisse la consultation aux adhérents. À la fin de cette consultation, deux personnes ont maintenu leur volonté d’être représentant de Numeum à La Réunion », explique-t-il. 

Face à cette divergence de lecture sur le fait qu’il ne s’agisse pas d’un vote mais plutôt d’une consultation, Stéphane Colombel donne un aperçu de la façon dont il envisageait la désignation de son successeur. 

Des adhésions de dernière minute qui laissaient trahir un manque de sérieux, selon le délégué régional

« J’ai été enthousiasmé que ça intéresse les gens mais l’objet de cette consultation, ce n’était pas une course à l’adhésion. Voilà, j’ai essayé de faire au mieux, d’être le plus éclairant possible avec les uns et les autres, ouvrir le débat et non pas rester dans l’entre-soi. L’entre-soi c’est « on est tous copains-copains et on se nomme les uns les autres’. Ça été reproché dans certaines organisations, ce n’est pas du tout ça que j’ai cherché à faire ». Il ajoute aussi un bémol sur l’apport de nouveaux adhérents revendiqué par la candidature unifiée. Il informe que, par exemple, un mail d’intention d’adhésion et de soutien à Mike Sihou est arrivé juste avant le début de la visioconférence du 8 avril lorsqu’un autre mail a été envoyé par quelqu’un dont le cœur de métier n’était pas le numérique.

« Sur les quatorze adhésions, il y a des adhésions qui ont été faites au dernier moment. Quand je dis ‘dernier moment’ je veux dire que j’ai reçu un mail qui disait en somme : ‘voilà je suis adhérent Numeum et je veux soutenir trucmuche !’ dix minutes avant la visioconférence (rires). Quand je reçois un mail dix minutes avant et que je n’ai même pas une copie d’écran de son adhésion à Numeum etc, ça me semble compliqué… Il y a aussi une personne qui annonce son adhésion alors qu’elle n’est pas dans le spectre des adhérents possibles car elle n’est pas du métier, son entreprise n’étant pas dans le numérique. Donc voilà, on ne pouvait pas l’intégrer. Dans le lot d’ailleurs, il y a au moins un des adhérents qui dit ‘je soutiens Sihou mais que si je peux faire équipe avec Berezaie, je le ferai’. C’était l’état d’esprit que l’on souhaitait. Ils se sont débrouillés pour que ça soit un challenge. Pour moi, tout adhérent à Numeum est bienvenu à Numeum, qu’il soit de droite, de gauche, vert, bleu,…on travaille ensemble. On ne votait pas pour être président du conseil régional quand même ! (rires) Il faut remettre les choses en place. On est dans une représentation d’une organisation professionnelle patronale, je ne comprends pas toute cette polémique », souffle-t-il un brin surpris par l’amplification donnée par le trio de candidats déçus.

« Ce que j’espère, in fine, c’est que Numeum ait de plus en plus d’adhérents, qu’il ait de plus en plus de poids, et que les actions soient de mieux en mieux organisées. Je ne prendrai qu’un exemple : c’est très important que la filière s’implique plus que ce qui est déjà, et elle le fait déjà ! Et Numeum peut avoir ce poids-là avec Pôle emploi sur l’aspect recrutement et la mise en place d’actions de formation. Ça c’est tout à fait un boulot qui peut être fléché Numeum, tout comme Digital Réunion d’ailleurs. »

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Ouverture de l’accès aux essais cliniques des cancers digestifs, pour les patients à La Réunion

La Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD) et le Pôle Recherche Clinique et Innovation du Groupe de Santé CLINIFUTUR, membre du GCS Recherche SCERI, ont annoncé la signature en 2024 d’une convention de collaboration inédite. Cette collaboration permettra, pour la première fois, à des patients situés à La Réunion et Mayotte, d’être inclus dans les essais thérapeutiques académiques conduits par la FFCD.