Les quatre braqueurs, Yannick Angignard, Valentin Robert, Madi Toufaili et Eddie Xitra ne faisaient pas les fiers, hier, à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Denis. Ils comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour des faits de vol avec violence, vol aggravé, enlèvement, séquestration et destruction du bien d’autrui. Les accusés devaient répondre du braquage, en octobre 2007, du Leader Price de Saint-André, un braquage à près de 100.000 euros. Des braqueurs avec des casiers judiciaires très « chargés » et condamnés à plusieurs reprises pour des faits de vols, abus de confiance, ou encore contrefaçon. Deux accusés comptabilisent tous les deux 28 condamnations (Yannick Angignard : 19 condamnations et Valentin Robert : 9 condamnations).
Au coeur des débats, le déroulement des faits et les responsabilités de chacun dans cette affaire de braquage. A la lecture des actes d’accusations et sur les premiers échanges avec les accusés, un des braqueurs se démarque, celui qui a entrainé les autres, Valentin Robert. A la question du président du tribunal correctionnel, Yves Moaty : « Qui a eu l’idée du braquage ?« , Valentin Robert répond par l’affirmative. « On en a discuté 15 jours avant le braquage« , explique-t-il. Valentin Robert connaissait de longue date un autre braqueur, Eddie Xitra. Il l’a rencontré en prison lors d’une précédente condamnation. A la question pourquoi avoir choisi d’enlever la chef de caisse ? Les quatre braqueurs restent « flous » sur les raisons du choix. Valentin Robert explique avoir « observé« , une fois, la chef de caisse fermer le Leader Price un soir. « Elle avait la clé, je l’ai observé depuis mon fourgon. Mais je n’avais pas d’information sur les clés, l’alarme et le magasin« , ajoute-t-il. Des explications qui ne convainquent pas. « Six personnes seulement avaient les clés du magasin et seulement deux personnes avaient les codes. Pour éviter que l’alarme se déclenche il ne fallait pas que les portes du bureau et du coffre soient ouvertes en même temps. Une astuce que seulement certaines personnes connaissaient« , explique le président du tribunal. Une mise au point qui a le mérite de soulever une nouvelle fois la possibilité d’une complicité interne au magasin, complicité écartée par les investigations qui n’ont pas abouti à ce sujet.
Les accusés reconnaissent les faits
Les accusés reconnaissent tous les faits, mais les minimisent. Pour eux, la victime n’a pas été bâillonnée, attachée et menacée, tout juste si un des accusés, Yannick Angignard, ne l’avait pas « rassuré« . « C’est moi qui lui ai parlé, je l’ai rassuré« , explique-t-il. La victime, présente, a tenu à témoigner devant les quatre accusés. « Ils étaient cagoulés et m’ont menacé avec un couteau. Ils m’ont bâillonné avec du scotch sur la bouche (…). Ils connaissaient les lieux, ils n’ont pas hésité et n’ont pas choisi le coffre par hasard. Ils savaient que j’étais seule chez moi ce soir là« , explique-t-elle, remettant sur la table la thèse de la complicité et d’un braquage bien préparé. « Je vis dans la peur, je ne suis plus pareil« , ajoute-t-elle. La victime a dû changer de poste, ne voulant plus assumer la responsabilité de la fermeture du magasin après cet épisode « traumatisant« .
Concernant le butin, les quatre accusés l’ont partagé en quatre parts égales. Un butin de 99.000 euros en espèce et 13.000 euros en chèques. Ces derniers seront retrouvés brûlés dans la Clio rouge utilisée pour fuir et incendiée dans une bananeraie de Saint-André. Les accusés ont utilisé cet argent pour « payer des dettes« , « voir des filles » ou plus étrangement « payer des salaires« , notamment ceux des salariés employés par l’entreprise de Valentin Robert. Ce dernier possédait différent snack et déclarait entre « 8 et 12.000 euros de salaires par mois« , rappelle le président du tribunal. Madi Touffaili a, pour sa part, acheté une moto et payé des voyages entre la Réunion et Mayotte. « Vous avez acheté une moto avec de l’argent sale, pourtant dans votre religion l’argent sale porte malheur, du coup la moto vous a couté trois accidents je crois« , rappelle le tribunal devant une salle amusée par l’anecdote.
Un coup bien préparé
C’est au tour des réquisitions. Pour les parties civiles, Me Paquelier, avocat du Leader Price, réclame 42.000 euros de préjudice matériel, une somme qui se complète avec l’argent de l’assurance déjà touchée (59.900 euros) que l’assureur, la Prudence Créole, réclame également aux accusés. Pour l’avocat de la victime, Me Saubet, sa cliente réclame 10.000 euros de dommages et intérêts et son mari 2.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. « Elle veut être reconnue comme une victime (ndlr : Pendant les investigations, des soupçons se sont portés sur elle, vite écartés par les enquêteurs). Elle veut que la page se tourne (…). Cette histoire a été un choc émotionnel important« , rappelle Me Fabrice Saubet.
Pour le procureur de la République, Dominique Auter, ce ne sont pas des « ennemis publics numéro 1 » mais des personnages de « série B américaine« . Ce dernier ne croit pas à « l’improvisation, mais à la préméditation« . « Ils étaient bien préparés, connaissaient la vie de la victime« , souligne-t-il. Dominique Auter rappelle également que les accusés ont été condamnés à plusieurs reprises. « On ne peut pas mettre de sursis et laisser ces personnes en liberté« , ajoute-t-il. « Ce ne sont pas des gentlemans, mais des lâches« , conclut-il. Dominique Auter requiert cinq ans d’emprisonnement à l’encontre de Valentin Robert, quatre ans à l’encontre de Yannick Angignard et Eddie Xitra et 18 mois d’emprisonnement à l’encontre du dernier accusé Madi Touffaili.
Les accusés demandent pardon
Du côté de la défense on tente de minimiser les rôles de chacun. Pour Me Jean-Claude Jebane, avocat de Eddie Xitra, son client n’a fait que « suivre » les autres. « Mon client n’a jamais préparé de braquage (…). Il est sur le chemin de la rédemption« , précise-t-il. De son côté Me Audrey Bouvier, avocate du cerveau de l’affaire, Valentin Robert, reconnait le « préjudice » subi par la victime mais s’interroge sur la peine, plus importante, infligée à son client. « Mon client est sorti de prison en 2009, il n’y a pas eu de pression sur les victimes. Il n’a pas à subir un an de prison en plus par rapport aux autres« , souligne-t-elle. « Des réquisitions lourdes par rapport aux autres. Une telle différence se justifie-t-elle ?« , ajoute l’avocate de Yannick Angignard. Les accusés ont demandé pardon à la victime.
Après une heure de délibéré, le tribunal correctionnel a suivi les réquisitions du procureur de la République et condamné l’ensemble des accusés à de la prison ferme assortie de sursis. Valentin Robert a écopé d’une peine de six ans de prison, dont deux ans avec sursis, Yannick Angignard a écopé d’une peine de quatre ans de prison, dont deux ans avec sursis, Eddie Xitra a écopé de quatre ans de prison, dont un an avec sursis et Madi Toufaili a écopé de deux ans de prison, dont un an avec sursis. En outre, les accusés devront verser 10.000 euros au titre de préjudice moral à la victime, ainsi que 2.000 euros à son mari. Le préjudice matériel subi par le Leader Price, d’un montant de 42.420 euros, a également était retenu par le tribunal correctionnel. Les accusés ont dix jours pour faire appel de leurs condamnations.