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Bonification retraite: Les gendarmes réunionnais veulent briser l’injustice

Deux traitements différents sous le même toit. Les gendarmes « originaires » de La Réunion soulèvent une situation de discrimination qui perdure bizarrement au sein de leur institution.

Ecrit par zinfos974 – le mardi 13 mars 2018 à 00H29

Effectuer les mêmes missions et le même volume horaire mais ne pas bénéficier de la même bonification, c’est la situation intenable que dénonce un tout nouveau collectif.

Réunis ce lundi soir dans un cabinet d’avocats saint-paulois, une trentaine de gendarmes défient leur autorité. Probablement une première nationale. Leur demande ne vise pas à obtenir un avantage mais uniquement de réclamer une égalité de traitement avec les gendarmes originaires de métropole. 

Depuis 2015, lorsque deux gendarmes, l’un métropolitain, l’autre originaire de La Réunion, effectuent le même nombre d’années de service dans notre île, le premier verra ses annuités retraite doublées mais pas le gendarme originaire de La Réunion…

Dans les faits, par exemple, 5 années de service à La Réunion seront comptées 10 annuités à un gendarme originaire de métropole mais bizarrement, le gendarme originaire de La Réunion effectuant strictement le même état de service ne disposera pas de la bonification. Une injustice que n’acceptent plus les « originaires » (terme clairement employé par l’administration de tutelle, ndlr) de La Réunion. 

Et cette discrimination dans laquelle persévère la Direction générale de la Gendarmerie nationale concerne aussi les « originaires » de Martinique, Guadeloupe, Guyane lorsqu’ils sont affectés dans leur DOM d’origine. Les conséquences de cet différence de traitement ne sont pas difficiles à deviner. Un gendarme métropolitain ayant « doublé » ses annuités partira logiquement plus rapidement en retraite. Ce qui a le don de clairement jeter le trouble dans les rangs, avisent les gendarmes du collectif.

 

Aux côtés de leur avocat, le gendarme Payet*, porte-parole du collectif, précise en ces termes cette drôle d’injustice : « Nous travaillons dans les mêmes conditions que nos collègues et aux mêmes horaires. Pourtant, un gendarme non originaire peut faire 7 ans en métropole, puis il vient 11 ans à La Réunion avec les CIMM. Il aura donc fait 18 années de service et il prendra sa retraite beaucoup plus tôt que nous », compare-t-il. 

La médiatisation et la médiation du Défenseur des droits avant la judiciarisation

Le gendarme réunionnais devra, lui, au terme de ses 11 années maximum passées dans son île d’origine, devoir rempiler dans un autre territoire pour compléter sa retraite à taux maximal… Le plus souvent, il devra retourner en métropole, voire dans un autre DOM, et donc se séparer une deuxième fois de ses attaches familiales réunionnaises. « Une double peine » selon les gendarmes, désormais déterminés à crever l’abcès malgré leur devoir de réserve. C’est d’ailleurs sur cet aspect du déchirement familial qu’est intervenue une épouse de gendarme réunionnais, membre du nouveau collectif des « femmes de gendarmes réunionnais ». 

Le préjudice est d’autant plus incompréhensible que les textes réglementaires ne créent pas ce biais. Le Code des pensions civiles et militaires (en son article R 14C) précise que les « originaires » qui accomplissent un « passage » dans leur territoire d’origine peuvent bénéficier de cet avantage et est confirmé par un décret du 3 novembre 2011 que rappelle d’ailleurs une circulaire de la DG de la gendarmerie en 2012.

Mais voilà, en 2015, une réorganisation administrative a fait que le centre payeur des retraites des gendarmes est dorénavant piloté par les services de gendarmerie. « Et pour une raison qui nous échappe », la Gendarmerie fait une lecture différente du décret. « Ce qui nous choque aujourd’hui, c’est que le décret n’est pas respecté et est même interprété par notre hiérarchie », affirme le gendarme Payet.

Me Alain Antoine, avocat du collectif, s’avance, à l’exposé simple du dossier, que les faits de discrimination semblent pour le moins caractérisés. Si le tollé médiatique venait à ne produire aucune réaction de la part des hautes instances de la Gendarmerie, l’avocat du collectif prévoit d’ores et déjà de signaler ce cas d’école au Défenseur des Droits – à qui il compte écrire dès la semaine prochaine – avant d’envisager de ferrailler devant la juridiction administrative.  

*Nom d’emprunt. Pour des raisons évidentes de discrétion, les gendarmes qui font partie du collectif souhaitent rester anonymes

Pour aller plus loin : 

Une fois le militaire affecté en territoire outre-mer, la gendarmerie distingue trois types de régimes : 

1) le régime de cadre général concerne les non originaires. Le séjour est limité à quatre ans et peut être prolongé 1 année + 1 année, soit 6 ans, puis le gendarme est réaffecté en métropole. Le gendarme fait alors ce qu’on appelle « campagne », c’est à dire que ses années effectuées sur le territoire réunionnais (ou autre DOM) comptent double. (exemple : 5 années effectuées = 10 années cotisées)

2) le régime de cadre spécifique qui concerne les originaires bénéficiant des CIMM (centre des intérêts matériels et moraux). Leur séjour est par contre limité à onze ans (c’est-à-dire une première affectation de 6 ans, avec une prolongation de 3 ans possible, puis 1 an, puis 1 an pour arriver jusqu’à onze années), et ensuite le gendarme est réaffecté en métropole. Mais le gendarme originaire de La Réunion (ou d’un DOM) « ne fait pas campagne ».  Donc ses années de service ne comptent pas double.

3) le troisième régime concerne les militaires non originaires et c’est ce qui fait désordre aujourd’hui. Ces non originaires obtiennent leur statut CIMM et sont donc limités à 6 ans + 3 ans +1 +1 soit 11 ans, puis sont réaffectés en métropole. Mais la différence réside dans le fait que ces années (onze ans maximum) comptent double contrairement à ce que peuvent prétendre les Réunionnais.

 

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