L’information n’est pas nouvelle mais elle fait toujours sensation : des avions de ligne volent avec des biocarburants, dont certains sont issus de la transformation d’algues. Certes il ne s’agit pour l’heure que d’expérimentations mais elles sont encourageantes. Depuis 2007, plusieurs compagnies aériennes ont effectué des tests grandeur nature avec des carburants issus d’huile de palme ou d’algues.
C’est ainsi qu’un Boeing 747-8 Freighter vient de traverser l’Atlantique alimenté par un carburant contenant un mélange de kérosène (85%) et d’un biocarburant à base de « camelanine », une plante oléagineuse (15%). Boeing a souligné que l’avion et comme les moteurs n’avaient subi aucune modification pour ce vol.
Mieux, EADS a récemment dévoilé son projet d’avion hypersonique qui devrait relier Paris à Tokyo en 2h30 via la stratosphère. Les moteurs de ces avions fonctionneront avec des biocarburants à base d’algues, une révolution prévue pour 2050…
Cette année, le salon du Bourget consacre un espace aux carburants alternatifs au sein duquel une quinzaine d’exposants présente leurs projets. A la Réunion, Bioalgostral est une société qui expérimente depuis trois ans la production de bio-carburants à partir de la transformation de micro-algues. Le président de Bioalgostral, Laurent Blériot, a accepté de répondre à nos questions.
Laurent Blériot, avec Bioalgostral on peut dire que vous êtes un des précurseurs de ce secteur des carburants alternatifs. Dites-nous, les avions de ligne qui utilisent des biocarburants à grande échelle, c’est pour bientôt ?
L.B : On est dans une démarche pour trouver des solutions alternatives aux carburants fossiles. L’actualité est encourageante, c’est un signal fort pour nous. Actuellement, on en est au stade de pré-industrialisation. L’utilisation généralisée des carburants à base d’algues, ce n’est pas pour 2012. La pari technologique a été gagné l’année dernière lorsque le secteur à pu démontrer qu’on pouvait faire décoller des avions avec des biocarburants. Il faut maintenant franchir un nouveau cap pour rendre ce produit économiquement viable, c’est-à-dire un produit capable de concurrencer le pétrole.
Quels sont les principaux obstacles au développement industriel et à la commercialisation de ces biocarburants ?
L.B : On parle de quantité très importante de production. La difficulté technique, c’est justement de produire en grande quantité à un prix compétitif. L’enjeu est de trouver la technologie adéquate. Pour être plus compétitif, Bioalgostral s’est associée à des partenaires au sein du consortium « Albius », qui comprend notamment la société leader mondiale sur la technologie de production de micro-algue, la société allemande IGV Gmbh.
La société Sapphire Energy vient de recevoir 104 millions d’aides gouvernementales des États-Unis pour développer les biocarburants. En Europe, Bio Fuel Systems a déjà commencé son développement industriel en Espagne et plus généralement, toutes les grandes compagnies pétrolières font de la recherche-développement dans ce secteur. La concurrence est rude, quelle est la particularité de Bioalgostral parmi tous ses concurrents ?
L.B : C’est une vraie compétition.Notre plus grand danger, c’est le temps qui passe. On sent la tension qui augmente de plus en plus entre les différents acteurs de cette filière. On est confiant, rien n’est gagné, il faut se battre. Nous avons réussi à positionner le territoire sur ce marché. J’espère annoncer de nouveaux partenaires très bientôt. Nous sommes très bien positionnées puisque nous avons concentré nos efforts sur la consommation des micro-algues. Pour leur croissance, les algues ont besoin de différents éléments essentiels à la vie comme le phosphore. On ne souhaite pas utiliser de phosphore agricole et nous avons travaillé sur des procédés alternatifs aux techniques actuelles en utilisant les eaux usées. Notre objectif est de définir une chaîne verte tout au long du processus de production. Les partenariats que nous avons établi avec de grands groupes nous permettent d’être confiant, surtout que la Réunion présente des conditions idéales grâce à l’ensoleillement et la constance des températures, une garantie de pouvoir produire toute l’année.