« Les sondages ont fait la boue avant la pluie », pouvait-on entendre chez les militants de Joseph Sinimalé hier soir. Leur poulain avait été placé loin derrière la maire sortante, Huguette Bello, il y a encore une dizaine de jours. L’institut Abaksys de Saint-Denis revient sur cet énorme couac.
Le jeudi 13 mars, Le Quotidien-Antenne Réunion commentaient les résultats commandés à l’Institut Abaksys. Huguette Bello s’envolait vers un nouveau sacre facile. L’écart était si important avec son second virtuel, Joseph Sinimalé (62,06% contre 34,33%), que l’élection semblait déjà pliée.
C’était sans compter sur l’indécision des électeurs. Pour rappel, l’enquête d’opinion menée par l’institut couvrait un échantillon de 816 Saint-Paulois inscrits sur les listes électorales. Elle avait été menée du 1er au 8 mars. Trois semaines plus tard, la réalité bouscule le virtuel. Joseph Sinimalé, en plus d’être crédité de 47,24% des suffrages, est devant Huguette Bello (46,45%). Le sondage donnait 28% d’écart entre les deux !
« Un sondage, c’est une photographie à un moment donné, en l’occurrence on était à trois semaines du premier tour », se justifie Thierry De La Grange, directeur d’Abaksys, sans fuir les questions. « Nos enquêtes, comme tout institut de sondages, sont très surveillées par la commission des sondages. On passe tous à la même moulinette. Il y a une précision scientifique à laquelle on ne peut pas déroger », commente-t-il. Voilà pour ce qui est de la réponse attendue. Au-delà du rappel du sérieux des instituts de la place, Thierry De La Grange souligne que le résultat Saint-Paulois reste « difficile à comprendre ». Il poursuit le raisonnement par l’absurde tant l’explication est difficile à donner : « l’image à un instant T non validée par les résultats n’a pas plus de valeur qu’une image exacte », fait-il savoir, tout simplement parce que pour toutes les villes étudiées, le protocole scientifique reste le même.
Ce décalage de 13 points du score de Joseph Sinimalé demeurera donc un mystère. Sans brosser avec exhaustivité ce que dit la bibliographie scientifique en matière de fiabilité des sondages politiques, Thierry De La Grange insiste sur le fait que cette question demeure très étudiée, notamment aux Etats-Unis. « Il y a beaucoup de débats autour de cette notion. Est-ce que les sondages influent sur le vote ? » Les scientifiques restent partagés.
Le protocole de l’enquête était pourtant le même partout
Sans le relier forcément à ce score inattendu de Saint-Paul, Thierry De La Grange évoque ce fameux « effet contraire » du sondage, « underdog » en anglais, pour désigner cette partie de l’électorat qui se réveille pour contrer la victoire annoncée facile d’un candidat. Schématiquement, l’équipe annoncée vainqueur haut la main peine à mobiliser ses électeurs lorsque la partie adverse, qui se voit déjà perdante, retrouve un second souffle.
En ne voulant toutefois pas ouvrir de polémique face à la concurrence, le directeur d’Abaksys rappelle que le sondage réalisé par Ipsos (qui s’était également trompé mais moins largement) n’était pas un sondage électoral mais prenait plus le pouls sur la cote du maire sortant et des autres candidats. Celui d’Abaksys était plus direct : « après s’être assurés que nous avions validé nos critères dont le fait d’être inscrit sur la liste électorale et d’avoir l’intention d’aller voter, notre question était : « si vous deviez aller voter ce dimanche (début mars), pour qui voteriez-vous ? » », rappelle-t-il. Bref, une méthode appliquée dans toutes ses enquêtes.
« Même en tirant au maximum nos marges d’erreur fixées à plus ou moins 3%, Bello aurait eu 58% et Sinimalé 37%. On était de toute façon loin du compte », concède-t-il. Complètement à côté de la plaque sur le duel Bello/Sini, l’institut a malgré tout représenté fidèlement le tassement de tous les autres candidats en-dessous de 2%. Sur d’autres villes, les photographies sont plus ou moins fidèles. Restera l’énigme saint-pauloise.