Après Bejisa vient le temps des comptes. Alors que La Réunion a subi son plus fort cyclone depuis Dina en 2002, la facture va-t-elle par grimper pour les assurés réunionnais ?
« La réponse est clairement non », affirme Jean-Claude Feral, président du comité des assureurs de La Réunion et Mayotte. La raison est simple, les tarifs appliqués par les assureurs en 2014 sont, quoi qu’il arrive, arrêtés depuis 2013. Si une augmentation doit intervenir, elle ne se fera que de façon « linéaire », de l’ordre de « +1,50 à 2% », résume-t-il, en évoquant l’assurance la plus basique que constitue le multi-risques habitation pour les particuliers.
A La Réunion, à compter du 1er janvier 2014, l’augmentation va, selon l’assurance, de 0 à 2%, mais encore une fois, ce sont des augmentations qui ne sont pas le fait de Bejisa.
Cela dit, La Réunion n’en est qu’à la première moitié de la saison cyclonique. « Lorsqu’il y a un phénomène exceptionnel comme Bejisa, les assureurs absorbent le coût engendré de façon progressive, sur plusieurs années, tout simplement parce que les ménages ou les entreprises n’ont pas budgétisé des incidences financières de +30% par exemple », explique Jean-Claude Feral. Un raisonnement qui est certes amené à révision lorsque plusieurs catastrophes, rapprochées dans le temps, viennent s’abattre.
En tout état de cause, à force d’expérience, le président du comité des assureurs de La Réunion/Mayotte prédit que le coût définitif de Bejisa ne sera pas connu avant six ou sept mois.
Alors que les experts ont été mandatés dès la levée de l’alerte rouge pour constater les dégâts mis en avant par les assurés, les assurances de la place scrutent la teneur des arrêtés de catastrophe naturelle qui vont être pris par décision interministérielle. En somme, aujourd’hui, les assureurs avancent l’indemnisation d’urgence mais cette indemnisation partielle ou totale reste suspendue au degré de couverture des arrêtés de catastrophe naturelle. Si toutes les communes ont déposé leur dossier, pas toute seront reconnues: « Les arrêtés seront pris commune par commune ».
La volonté politique peut se voir dans la rapidité de la publication de l’arrêté
Même si Bejisa n’a pas atteint le critère des 215 km/h de rafales qui fait office de valeur-étalon pour que les arrêtés soient pris sans aucune autre forme de contestation, « les toits envolés, les dégâts sur les champs sont la preuve irréfutable de la force du météore », explique le président du comité. « Vous pouvez ne pas atteindre les 215 km/h mais si les dégâts sont visibles, ils en sont une preuve ». En principe donc, le commission nationale des catastrophes naturelles s’appuie sur les données de Meteo France, en toute objectivité. « La volonté politique ne peut intervenir selon moi que sur la rapidité à laquelle le ministre des Outre-mer a décidé de prendre ces arrêtés », conclut Jean-Claude Feral qui rappelle que des délais de 3 à 4 mois sont plutôt la norme. Cette fois-ci, Victorin Lurel a promis que tout serait plié le 15 janvier. A voir.
Une chose est sûre, si les politiques sont les premiers à réclamer la publication de ces arrêtés, « les assureurs ne font pas de lobbying. Nous attendons les arrêtés », précise-t-il. Un seul exemple : les arrêtés peuvent parfois aller plus loin et permettre l’indemnisation sur des biens qui n’étaient pas prévus. « Ce qui fait que les dossiers que nous ficelons depuis une semaine font parfois l’objet de compléments quelques mois plus tard ». D’où l’intérêt selon Jean-Claude Feral,que les arrêtés soient pris le plus vite possible. Une manière pour les officines locales d’indemniser en collant aux conclusions des arrêtés.
Deux éléments importants doivent être énoncés. Seules les personnes ayant souscrit une assurance habitation bénéficieront des indemnisations spécifiques de catastrophe naturelle. Ceux qui ont joué avec le feu devront solliciter d’autres leviers comme le fonds de solidarité nationale en matière d’événement climatique. Mais cette procédure risque d’être peu compensatrice.
Enfin, il faut savoir que les assureurs installés à la Réunion dépendent quasiment tous de filiales ou succursales de grandes sociétés d’assurance au niveau national. Si l’Hexagone venait à être frappé par des catastrophes naturelles en série, comme celle qui a récemment touché la Bretagne, le cotisant réunionnais est concerné. « La démarche est globale mais des ajustements se font par région. On peut par exemple imaginer des augmentations des tarifs de l’ordre de 3% en région parisienne et 5% en Languedoc-Roussillon, pour ce qu’il s’agit d’une même enseigne d’assurance. En clair, chaque région participe au pot commun national même si la catastrophe a lieu dans une autre région mais chacune des filiales fait état de ses résultats et défend sa stratégie de couverture du risque », résume-t-il.
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Le comité des assureurs de La Réunion/Mayotte possède une vraie visibilité sur le monde de l’assurance locale puisqu’il regroupe les sociétés d’assurance et les mutuelles d’assurance de la place (Groupama, La Prudence créole, Axa,…) mais ne comprend pas les courtiers en assurance. Le comité est une émanation de la fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et du GEMA (le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance).