La semaine dernière, le navire malgache « Île Sainte-Marie » dont la cargaison appartient à la société Réunimer n’a pas pu déposer son poisson au Port Ouest. C’est un blocage qui a failli engendrer la perte de 15.000 euros de poisson. La marchandise a finalement en grande partie pu être sauvée. Devant le tribunal mardi, le Comité des pêches et son président, Bertrand Baillif, ainsi qu’un pêcheur et ancien salarié de Réunimer, Yanis Latchimy, devaient répondre de leurs actes. Pour eux, le poisson ne pouvait être débarqué légalement sans passer par la douane au Port Est.
Si Réunimer demandait le déblocage et 5.000 euros d’amende par jour de retard, les pêcheurs n’ont finalement rien eu à débourser. Le groupe Réunimer réfute les accusations d’illégalité, affirmant que le navire a une autorisation d’entrée au port Ouest et la marchandise est ensuite contrôlée au Port Est.
Voici le communiqué du Comité des Pêches :
Après avoir adressé plusieurs courriers aux institutions concernées, après avoir alerté les médias, et enfin après avoir été convoqué devant un tribunal, aucune réponse n’a été apportée jusqu’à ce jour au CRPMEM, qui puisse justifier les passe-droits dont bénéficie le bateau « Ile Sainte-Marie ». L’ensemble des pêcheurs artisans de la Réunion et les consommateurs réunionnais sont en droit d’attendre des explications.
La loi impose aux États membres de garantir l’introduction des marchandises sur le territoire de la Communauté Européenne par un Poste d’Inspection Frontalier (PIF). Elle impose également que tous les lots d’origine animale provenant d’un pays tiers soient contrôlés par les services de l’inspection vétérinaire au sein de ce Poste d’Inspection Frontalier, préalablement au contrôle des douanes qui permettra leur entrée sur le territoire
communautaire (directive 97 /78/CE).
En s’appuyant strictement sur les textes de loi, la situation actuelle est totalement illégale puisque les lots débarqués par l’île Sainte Marie suivent le chemin inverse. Ils pénètrent sur le territoire communautaire, dont fait partie la Réunion, par le Port Ouest sans passer par le Poste d’Inspection Frontalier (PIF) au port est, ni même par un centre de contrôle frontalier (CIF). De plus, les déchargements de cargaisons de poisson ont régulièrement lieu de nuit et en l’absence de toute organisme de contrôle douaniers et/ou sanitaire.
Enfin, ce navire débarquant systématiquement hors des canaux règlementaires a été à plusieurs reprises au coeur de divers trafics, dont celui de milliers de cachets d’Artane. Affaires au cours desquelles au moins un marin a été condamné pour des faits de trafic de stupéfiants en 2017, ce qui aurait du générer une surveillance accrue. Ces informations sont par ailleurs vérifiables auprès des services du Procureur de la République.
Le Comité des Pêches a officiellement alerté à plusieurs reprises les autorités compétentes par courrier, restés lettres mortes. Le Comité des Pêches ne peut que s’étonner que ces passe-droits soient accordés au mépris de la loi. La situation n’est pas sans rappeler celle des paillottes de l’Ermitage : des institutions qui ferment les yeux et laissent faire depuis bien trop longtemps, à ce détail près, que dans le cas présent, vérifier la traçabilité du poisson et surtout sa qualité sanitaire relève de la protection de la santé des réunionnais. Enfin, une autre conséquence, et pas des moindres, est que ces passe-droits viennent concurrencer la pêche locale et représentent une menace pour l’emploi.
« C’est comme si à votre arrivée à l’aéroport Roland Garros, on vous laissait rentrer chez vous sans contrôle, vider votre valise et revenir, le lendemain, avec votre trousse de toilette pour la faire vérifier par les douanes et/ou les services vétérinaires », explique Bertrand Baillif, Président du Comité des Pêches. Il ajoute « cette semaine, j’ai été convoqué devant un tribunal pour la seule et unique raison que j’ai affirmé comprendre le ras-le-bol des pêcheurs
et vouloir protéger les Réunionnais. Pendant ce temps, d’autres continuent impunément de bafouer la réglementation. La Réunion n’est pas un état de non droit et il est temps de le faire savoir. Nous attendons toujours des réponses de la part des institutions. La tentative d’intimidation de la société Réunimer devant les tribunaux n’ébranle en rien notre détermination. »