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Batailles de Sainte-Rose

En 1806, les Anglais sont bien décidés à s’emparer des Mascareignes. Croisant au large, ils se rapprochent de plus en plus des côtes, s’enquièrent des forces présentes et attaquent Sainte Rose.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 20 décembre 2008 à 08H00

En Europe, Napoléon Bonaparte étend son territoire mais sa flotte se fait écraser à Trafalgar. Les Anglais prennent un à un, les comptoirs français de la côte indienne et les Seychelles. Forte de sa place de première puissance maritime mondiale, la Marine anglaise du général Baird  prend le Cap de Bonne Espérance au Hollandais, en 1806.  L’île Bonaparte (La Réunion) peu armée, sujette à un blocus des anglais peut difficilement communiquer avec sa voisine l’île de France (Maurice), une importante flotte croise au large de ses côtes. Ils constatent la précarité des installations militaires, seules quelques batteries sont entreposées sur le littoral et peu de moyens humains.  Le blocus séparant les îles, amène le gouverneur Des Bruslys à revoir les points stratégiques de l’île, il sait que les moyens de défense sont trop faibles. Decaen, gouverneur général établi à l’île de France met à sa disposition quelques milliers d’hommes armés dont des miliciens, quelques civils blancs pauvres et libres de couleur inexpérimentés.

Jusqu’en  1808, les forces en présence s’observent. L’ennemi profite de l’escale commerciale d’un navire arabe pour franchir le pas. Menacé dès qu’il quitte le port, le capitaine arabe veut se mettre à l’abri des deux batteries de Sainte-Rose. Mais il se positionne entre la batterie principale et les navires anglais. Les militaires à terre ne peuvent tirer sans le mettre en péril. Les Anglais à l’abri des tirs des canons, entrent à leur tour dans la baie sans être inquiétés.  L’équipage du navire arabe est exterminé et des marins se jettent à la mer pour échapper à la mort.  On ne repêche qu’une vingtaine de survivants. Les Anglais depuis le navire arabe  mitraillent la Marine de Sainte-Rose et les batteries avant de reprendre le large. 

 

Le 4 août 1809, les forces anglaises occupent Rodrigue, en font un port d’attache qui va leur permettre de regrouper leurs forces et d’attaquer les Mascareignes.  Le gouverneur général  Decaen sait que les forces dont il dispose ne sont pas suffisantes pour affronter l’escadre Rowley (huit navires). L’île Bonaparte est de plus en plus isolée et commence à manquer de provisions. Les guetteurs et les sentinelles remarquent des allers et venues de navires anglais rodant au large des côtes. Une autre bataille se prépare à Sainte-Rose.  

Le 8 août, la frégate, « La Néréide » et la corvette, « Le Saphir », sous les ordres  du jeune commandant Corbett s’approchent de Sainte-Rose. Le petit port essuie les premiers coups de canons. Le 11 août 1809, les deux navires contournent l’île par le nord et reviennent à Sainte-Rose puis disparaissent. Le 16 août, ils réapparaissent et s’approchent plus des côtes jusqu’à jeter l’ancre dans la baie. Le coup de semonce lancé depuis la batterie ne change pas la situation. Les chaloupes sont mises à la mer. La petite douzaine d’hommes armés riposte  devant Sainte-Rose avant d’abandonner les positions.  L’ennemi s’empare du village et détruit la batterie.  Le maire est fait prisonnier. La lutte est inégale, malgré les pièces de mitrailles dont disposent les forces françaises. La population terrorisée par le nombre d’assaillants et le peu de moyens de défenses qu’elle détient,  n’intervient pas. Les combattants se retrouvent à deux contre cent et les Français abandonnent bientôt le combat.   Aucune intervention de la Garde-Nationale n’est constatée. Les Anglais dont l’équipage est atteint de scorbut réclament des vivres, des fruits et de la viande, en échange de la vie sauve. Les Anglais, maîtres de la situation, restent au mouillage face à la Marine. Le 17 août, une centaine hommes de la garde de Saint-Benoît  arrive à Sainte-Rose mais regagne leur base. 

 

Le 18 août les militaires de la garde de Saint-Benoît sous les ordres d’Hubert-Delisle reviennent. Les Anglais encore dans la rade tirent sur eux mais ces derniers s’installent le long de la falaise qui surplombe la baie et mettent en échec les assaillants. L’équipage anglais, toujours malade, demande à acheter des vivres et Hubert-Delisle refuse de leur en vendre. Prenant le large vers Saint-Benoît, l’ennemi mitraille la vigie de Petit Saint Pierre sans l’endommager. Par un messager, il menace de bombarder toute la côte si les forces armées continuent à progresser. Finalement un accord est trouvé. Des vivres dont une grande quantité de citrons, sont livrés sur les navires et à terre les hommes armés se séparent.  

Les  renforts qui arrivent encore de Saint-Jean et de Saint-Denis, rejoignent la Garde nationale de Saint-Benoît. Le Capitaine Corbett  depuis « La Néréide » et le « Saphir » ordonne de tirer sur  la colonne qui progresse encore. Les Français ripostent et font beaucoup de dégâts sur les navires anglais qui  lèvent l’ancre  et quittent la baie.

 

Mais ce n’est pas terminé, au fil des jours, le nombre des navires anglais augmente au large de la zone Est. Le 22 août, ils se positionnent encore une fois au large de Sainte-Rose. Les forces terrestres françaises combattent férocement et réussissent à repousser l’ennemi qui ne peut pas mettre pied à terre. Du  23 août au 12 septembre, les Anglais bloquent Sainte-Rose et s’acharnent à vouloir débarquer. A terre, plusieurs troupes se regroupent sous les ordres de Bouvet, pour les repousser et les forcent à ré embarquer. Le capitaine Anglais Corbett touché de plein fouet par un boulet de canon perd ses deux jambes et avant de mourir, il demande à être enterré à Sainte-Rose. Le monument Corbett se dresse au-dessus du débarcadère qui domine la Marine. Puis, les navires anglais quittent les eaux françaises.  A la fin de l’occupation anglaise, lorsque les Anglais prennent le corps de Corbett, ils laissent le mausolée intact que les habitants de Sainte-Rose nomment la Tour de Corbett.

 

La Marine de Sainte-Rose est jusqu’au début du XXe siècle, le poumon du Sud Est de l’île. Des magasins de stockage sont construits. Des ponts sont  installés surplombant entre autre la Rivière de l’Est. Les marchandises sont transportées à Saint-Benoît, puis par le chemin de fer jusqu’au port de la Pointe des Galets, nouvellement livré. Au fil du temps, les cyclones successifs emportent les embarcations, le débarcadère et les bâtiments des magasins dont il ne reste que peu de traces.

Sources :

-Dictionnaire Biographique de la Réunion n°2, Editions CLIP, 1995. L’Album de la Réunion, Antoine Roussin, 1860 à1869 …
-Mario Serviable-Histoire de La Réunion.1990.ed-OCEANS
-Daniel Vaxelaire : Le grand livre de l’histoire de La Réunion – Le grand livre de l’histoire de La Réunion – Ste Clotilde (La Réunion) : Orphie, 2003. – 2 vol.

 

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