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Autonomie et assemblée unique : Les enjeux des articles 73 et 74 de la Constitution pour les DOM ?

En janvier prochain, la Martinique et la Guyane s’exprimeront sur leur évolution institutionnelle lors d’une consultation organisée par le Président de la République. Les deux départements pourront décider, soit de rester sous le régime actuel de l’article 73, soit d’aller vers une plus grande autonomie en adoptant le statut prévu à l’article 74 de la Constitution. Le cas échéant, ils pourront opter pour le passage à une assemblée unique. "Pour que chacun ait les cartes en main pour se forger une opinion", Patrick Karam a organisé hier, à l’Assemblée Nationale, un colloque en partenariat avec l’association La Voix de l’Outre-mer. Le débat, qui a été élargi aux départements de la Guadeloupe et de la Réunion, a permis d’apporter des éclairages sur les enjeux d’un tel choix, sans pour autant dissiper tous les doutes.

Ecrit par Bérengère Lefèvre – le vendredi 04 décembre 2009 à 18H05

Le 10 janvier 2010, il sera demandé aux Martiniquais et aux Guyanais de faire le choix suivant : rester sous le régime actuel de l’article 73 de la Constitution qui, s’il impose l’identité des lois de ces territoires avec celles de l’Hexagone, permet également des aménagements spécifiques par voie d’habilitation ? Ou bien aller vers davantage d’autonomie en approuvant le passage au régime prévu par l’article 74 qui autorise une spécialité législative ? Si la réponse à la première question est oui, le 24 janvier les citoyens pourront alors se prononcer sur un éventuel passage à l’assemblée unique, c’est-à-dire la fusion des Conseils généraux et régionaux dans le cadre de l’article 73.

 

Mesurant la complexité de la question et l’ampleur des enjeux qui en découlent, le  délégué interministériel Patrick Karam, et la présidente de l’association La Voix de l’Outre-mer, Nicole Bristol, ont organisé un colloque hier à l’Assemblée Nationale en présence de spécialistes de droit et d’économie. Ainsi, les professeurs de Droit public Guy Carcassonne et Ferdinand Mélin-Soucramanien ont partagé leurs analyses des articles avec la salle. « Ce qui se joue là, c’est la question de la décolonisation avec la possibilité de reconnaissance des différences » a affirmé Ferdinand Mélin-Soucramanien, déplorant le manque d’intérêt de la presse nationale pour le sujet. Ont également apporté leur point de vue, le professeur d’économie Pascal Perri et l’avocat Daniel Mugerin. Sont ressorties du débat des certitudes. Mais quelques craintes et doutes persistent.

 

Un choix non manichéen

« Il n’y a pas d’un côté le bon article et de l’autre le mauvais. Ce n’est pas une querelle théologique à ouvrir », a en premier lieu insisté Guy Carcassonne avant d’expliquer la teneur des articles 73 et 74 de la Constitution.

Le premier désigne les départements et régions d’outre-mer avant tout comme des départements et régions, avant de s’attacher à leur caractéristique ultra-marine. Le second met surtout en avant le fait qu’il n’y a pas identité de problèmes entre les territoires d’outre-mer et donc pas identité de solutions non plus. Ainsi si l’on suit les dispositions l’article 73, le droit commun s’applique de manière automatique dans les territoires d’outre-mer. Des adaptations sont toutefois possibles en demandant des habilitations. L’article 74 quant à lui tient compte des spécificités en permettant aux territoires concernés d’avoir une législation spéciale.

 

La crainte de l’indépendance écartée

Mais si les articles 73 et 74 proposent deux régimes sensiblement différents, « le fossé qui les sépare n’est en réalité pas si grand » selon Guy Carcassonne. Tout dépend de leur utilisation. Par exemple, les lois fiscales de Saint-Martin, collectivité régie par l’article 74, ressemblent de près à des habilitations fiscales. Pour autant, l’article 74 offre des capacités d’autonomie plus grandes puisqu’il permet à la collectivité de voter ses propres lois dans certains domaines. « Mais attention ! Ce ne sont pas les mêmes ‘lois de pays’ que l’ont connait en Nouvelle-Calédonie » a précisé Ferdinand Mélin-Soucramanien, avant de différencier autonomie et indépendance, écartant une des principales craintes des « anti-74 ». Il ne s’agit nullement d’aller vers l’indépendance a repris Daniel Mugerin. Il pense d’ailleurs que le contenu de l’article 73 est suffisant pour régler les problèmes principaux, même pour aller vers l’autonomie. Pascal Perri, lui, en est intimement convaincu : les solutions sont dans l’article 73 mais il n’a pas été suffisamment exploité. Au moins en termes de commerce, concurrence et pouvoir de marché.

 

Des doutes qui demeurent

Si la Martinique et la Guyane devaient quand même passer au régime prévu à l’article 74, d’autres interrogations se posent. En effet, ce serait une loi organique qui déciderait de leur degré d’autonomie. Or, comment connaitre les conséquences concrètes du changement de statut sans connaitre le contenu de la loi ? Ce qui est certain, c’est que la loi Chevènement de 1999, obligeant à l’unité des droits fondamentaux des citoyens, exige notamment la solidarité nationale sur l’ensemble du territoire. Des allocations telles que le RSA ne peuvent donc pas être menacées de suppression. En revanche, le statut de région ultra-périphérique (RUP) au niveau communautaire pourrait être remis en cause si la loi venait à nier les principes sur lesquels est fondée l’Union Européenne. Un statut de Pays et territoires d’outre-mer (PTOM), et non plus de RUP, entrainerait alors leur exclusion du marché communautaire.

 

Le spectre du statut quo

Toutefois, « le pire résultat ce serait le statut quo » a affirmé Ferdinand Mélin-Soucramanien. Une opinion partagée par les tous les autres experts. En effet, la consultation qui aura lieu en janvier révèle à elle seule un mal-être qu’il faudra régler. Quel que soit le choix des Martiniquais et des Guyanais, celui-ci ne devra pas se traduire par une stagnation. En effet, « un pays instable, sans cesse dans un statut provisoire, ne peut pas se développer car n’attirerait pas les investisseurs » fait remarquer Guy Caracassonne. Si la Martinique et la Guadeloupe conserve le régime juridique de l’actuel article 73, elles devront alors s’en servir pleinement. Un exercice difficile pour la Réunion si elle devait un jour être confrontée au même choix que les Martiniquais et les Guyanais. En effet, la modification apportée en 2003 à l’article 73 verrouille pour elle la possibilité de demander des habilitations. En revanche, il sera toujours envisageable de s’exprimer sur la question de l’assemblée unique.

 

Les discussions se poursuivent actuellement en Guyane et Martinique au sein de groupes de réflexion. Un site internet sera également mis en place.

 

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