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Au Cab Trois-Bassins – Le quartier du câble

Après des recherches actives et des informations glanées auprès de témoins de cette époque lointaine, Daniel Vabois a regroupé un certain nombre d’éléments qui lui permettent à son tour de témoigner de la vie des quartiers de la Grande-Ravine et du câble à Trois-Bassins.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 31 octobre 2009 à 08H01

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Devenu le gardien d’une partie du patrimoine de Trois-Bassins, en achetant la maison familiale que ses parents, Paul Vabois et son épouse Lucette Bénard, avaient acquise en 1938 avant de l’occuper en 1943, Daniel Vabois raconte avec passion et émotion, l’histoire de cet endroit… 

« Au sortir du village de Trois-Bassins, lorsqu’on se dirige vers la Chaloupe Saint-Leu, on emprunte la route Hubert de l’isle pour enjamber la grande ravine. Environ six à sept virages après le pont de la grande ravine, on aborde une longue portion de ligne droite qui passe devant les actuelles maison Pausé et maison Vabois (située côté mer), à l’intersection du chemin du Câble et de la route Hubert de l’isle. »

 

Sur ce terrain très pentu qui longe la rive sud de la Grande-Ravine, s’étendait une propriété du « battant des lames au sommet des montagnes » ; « en 1843, le marquis A.Sosthène de Chateauvieux (arrivé à Bourbon par l’entremise de Charles Desbassyns) fait construire une sucrerie à 400 mètres d’altitude, pour le compte  Jacques Michel Joseph De Guigné, propriétaire à Saint-leu (Trois Bassins faisait encore partie de St-leu)… » La famille Gauthier le restaure. Au XXe siècle, l’usine comporte plusieurs bâtiments, ateliers, magasins, camps d’engagés, maisons de techniciens et de maître.

 

« A cet endroit se trouvaient, vers 1887, une balance pour peser les cannes à sucre et la station haute d’un téléphérique. Le local de la balance occupait l’emplacement actuel du service d’ambulances. La station haute était construite sur une plateforme (de 300 m2) qui supporte l’actuelle maison Vabois et dont les faces sud et ouest (formées de pierres de basalte particulièrement volumineuses) sont encore bien visibles dans la cour» (photo) Cette maison au départ modeste a été dressée sur les soubassements d’un téléphérique qui amenait les cannes des champs des environs depuis la balance qui les réceptionnait jusqu’à l’usine de la Grande Ravine.
Cette usine et les terres avoisinantes (qui appartiennent à la SEGR et composent le Domaine de la Grande ravine) sont vendues aux enchères publiques en 1919, après une très longue procédure qui a débuté en 1916. Les machines de l’usine seront revendues et  transférées dans les usines voisines.

 

A compter d’août 1919 les terres deviendront la propriété de Monsieur Alexandre Bègue, propriétaire au Tampon, jusqu’à ce qu’il en revende une partie à son beau-frère M. Maximin Bénard. Cette partie du Domaine de la Grande ravine, et sur laquelle se trouve l’usine,  va entrer dans le patrimoine des héritiers Maximin Bénard en mai 1927, date de son décès. Le câble du téléphérique, supporté par sept pylônes descendait  jusqu’à l’usine de la « Société Etablissement Grande Ravine » (ESGR), installée à 1200 mètres plus bas, au lieu dit « Piveteau », du nom de son dernier directeur.
Ainsi, les cannes y étaient transportées par un premier téléphérique à bennes, installé en 1887 depuis la balance se trouvant sur la route Hubert de Lisle, plus tard par un autre, partant de la cour de l’usine et enjambant la ravine construit en 1909.

 

Il semblerait que le deuxième téléphérique ne comportait pas uniquement des bennes à usage de transport des cannes à sucre puisque plusieurs témoins racontaient que lors de mariages, il arrivait aux futurs mariés et au cortège de se rendre à l’église de Trois-Bassins en traversant la grande ravine par le biais du téléphérique. Ce qui laisse supposer que des cabines existaient. Une autre preuve s’il en fallait, un autre témoin a raconté que habituellement à l’heure du déjeuner, le téléphérique était arrêté. Un jour, il est resté pendant plusieurs heures suspendu en aplomb des fonds vertigineux de la Grande-Ravine. Il s’est vu délivré seulement lors de la remise en marche des moteurs du téléphérique.
« Cette usine et les terres à cannes qui l’alimentaient ont été immanquablement au cœur des flux sociaux, politiques, économiques, culturels qui ont marqué la vie des hommes et des femmes au cours de cette période de la vie réunionnaise dans l’ouest. Elle a connu l’esclavage…1848, l’engagisme…, la construction de la route Hubert de l’isle…1857, l’exploitation abusive de la forêt de bois de couleurs, l’installation du chemin de fer entre St-Pierre et St-Benoît…1882, le creusement du port de la pointe des galets…1887, la création de la commune des Trois-Bassins…1897, la conquête des hauts de l’ouest par le géranium nouvelle culture-providence… 

 

Son histoire nous permet donc de voyager à travers 70 années de l’existence des gens qui ont travaillé sur ce territoire de l’ouest réunionnais depuis la seconde moitié du 19è siècle jusqu’à la première guerre mondiale. »  « L’existence du premier téléphérique (photo) a été l’origine de la dénomination des lieux avoisinants. C’est ainsi que cet écart du village de Trois-Bassins, situé sur la rive gauche de la Grande Ravine, de part et d’autre de la route Hubert de l’isle, a été dénommé « Le Câble », en référence à la pièce maîtresse du téléphérique. Ce nom a été créolisé dans sa prononciation par les habitants du coin, ce qui a donné « Au Cab » comme inscrit en titre. »   

 

De tout ceci, seul a résisté au temps, grâce à un entretien régulier des propriétaires des lieux, le soubassement de la station haute et celui de la station basse du premier téléphérique.  Tout ce qui composait la balance, l’usine, enceintes de la cour de l’usine, les magasins ou les dépendances ne sont plus que murs noirs délabrés à l’argamasse effrité, sans toit et sans pavé. L’aire de réception (station basse) du téléphérique apparait encore comme un amoncellement de galets soigneusement montés, qui poussée par les racines des arbustes sauvages, ne tardera pas à s’écrouler elle aussi.

Sources :
Documents personnels de M. Daniel Vabois que je remercie.
Des photographies prises en 1906 par monsieur Alexandre Viot, actionnaire Nantais de ladite société, en séjour dans l’île, ainsi que des vestiges (bloc moteur de machine à vapeur, roue de renvoi du câble de téléphérique, moulins, bassins d’alimentation, soubassements de bâtiments…) attestent de l’existence de cette usine sucrière.(Doc.D.Vabois)

 

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