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Arnaque à tiroirs : 7 accusés, 18 victimes et une bouteille à l’encre

In’ chatte i artrouve pas son’ tit là-dans !

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 03 septembre 2021 à 17H16

L’affaire remonte, excusez du peu, à 2012. Elle a été reportée un nombre incalculable de fois ; elle est restée trois ans dans un tiroir du Parquet sans que cela inquiète personne ; même le Procureur n’était pas contre l’annulation pure et simple des poursuites. Mais il en fallait plus pour décourager les Juges. Pour tout dire, j’ai rarement, sinon jamais, assisté à audience plus soporifique, plus ennuyeuse exception faite de quelques effets de manches des défenseurs. Plus ch…ucculante pour rester poli, comme dirait Valéry.

Jamais audience n’a été aussi hors-normes. Elle débute avec plus d’une demi-heure de retard. Sur les sept accusés, une seule est présente. Sur les dix-huit victimes, personne ! Apparemment, parmi les banques, les grandes surfaces, les stations service et autres boutiques de moindre envergure, ils se contrefichent tous d’avoir été dépouillés de centaines de milliers d’euros parfois. Et dans les rangs du public, parfois bourrés à craquer, pas un greffier ; le seul étant la greffier d’audience. Faut dire qu’il n’y avait pas une goutte de sang ; c’est pas marrant forcément.

Un guacamole de premier choix

Autant dire que ce fut un vendredi noir, étant donné qu’exception faite des deux scribouillards dans leur perchoir, il n’y avait là que des robes noires, juges, proc, et au moins dix avocats, de quoi composer un guacamole de premier choix.

Cette arnaque audacieuse, qui a tablé sur la totale innocence de pigeons king size, s’est déroulée sur quelques mois en 2012. Quelques mois seulement car même les plus innocents bisets détestent être pris pour des ânes. Le système mis au point était plus simple qu’un jeu de casse-couteaux mais pour que ça fonctionne, il faut vraiment que l’autre, en face, ne trouve jamais bizarre qu’on lui propose 5.000 euros pour utiliser son compte bancaire quelques minutes seulement. J’explique : ayant recruté quelques « mules » de bonne figure, les arnaqueurs chargeaient ces derniers de dénicher des personnes peu méfiantes, bien sous tout rapport, ayant un compte bancaire sans histoire. Contre la promesse d’un « petit 5.000 euros », la victime devait remettre sa carte bleue au « dénicheur » ainsi que son code bancaire. Un enfant de 5 ans flairerait illico la supercherie mais il faut croire que quinquagénaires et au-dessus sont plus innocents que le petit Jésus.
Qui paie les conneries bancaires ? Vous, toi, moi, je, tu, elle, tantine Gogoze, le chien, le vélo de la concierge…

A la suite de quoi, le compte était approvisionné de quelque dizaines de milliers d’euros parfois, avec un chèque en bois, cela va de soi ; puis, très peu de temps après, avec code et carte bleue, le compte était siphonné d’autant. Car un chèque déposé est souvent immédiatement crédité… en attendant que la banque rentre dans ses fonds.

Et c’est ce qui m’a fourni l’explication à l’absence des banques flouées, au tribunal ce matin : si elles sont promptes, très promptes, plus rapides que Flash Gordon, pour nous baiser la gu…, elles ne sont guère prêtes à admettre qu’elles commettent souvent des crétineries plus épaisses que le Gros-Morne. Conneries qu’elles se dépêchent ensuite de nous faire payer à coups d’agios, de frais divers et de tenues de comptes, vous me suivez ?

Pas de triage dans zot café, les arnaqueurs ratissaient large : les chèques sans provisions ont été également dispensés dans les stations-service, les grandes surfaces, quelques petits et moyens commerces, et même dans un garage pour l’acquisition d’une Audi A3.

Le comble de l’ignoble a été atteint quand cette bande de ti-bras a piqué du pognon à un handicapé mental en sifflant ses modestes économies. C’est là que le chat a été échaudé quand une parente suspicieuse découvrit l’affaire et alerta la gendarmerie de Sainte-Suzanne.

Fin du premier épisode.

« Cette procédure est pourrie ! »

L’enquête puis l’instruction judiciaire vont s’étaler sur neuf années, dans une affaire vicieuse certes, mais simple en soi. Les recours des avocats ont été très nombreux et, ces dernières années, le dossier, plus épais qu’une conscience d’usurier, a dormi peinard pendant trois ans dans les tiroirs d’un juge.

Si bien qu’en début de séance, les avocats n’ont eu aucune peine à demander l’annulation pure et simple de l’affaire. Soulignons qu’à ce sujet, Me Rémi Boniface a été particulièrement brillant. On a même pu croire un moment que sa diatribe allait suffire à elle seule à conduire à cette annulation.

« Je ne puis que suivre les conclusions en nullité déposées par mes confrères. La jurisprudence est précise : lorsqu’un prévenu est convoqué quatre fois avec les mêmes autres co-accusés, devant le même tribunal, avec des attendus chaque fois différents, comment arriver à le défendre utilement et efficacement ? Il y a déjà eu des procédures allant en ce sens en France, notamment avec les Chaufferies de la Défense ? Là, la procédure est pourrie. Les délais raisonnables ont été plus que largement dépassés ».

Mes Marie Briot et Payen ont insisté sur les incohérences du dossier et la difficulté de défendre un accusé quand on ne sait contre quoi. « Beaucoup de temps a passé ; les accusés ne se souviennent plus de grand-chose… Aucun d’eux n’a fauté depuis. Il faut savoir s’arrêter » a tonné Me Payet pour finir.

Des chiffres qui font frémir

Même le procureur Léonardo ne s’est pas totalement dissocié des demandes des défenseurs, précisant, c’est tout à son honneur, que s’il n’y avait pas prescription en l’espèce, les délais raisonnables avaient été dépassés contre raison ; d’autant plus que le dossier a dormi trois années durant.

Petite interruption d’audience ; on pense que l’annulation est jouée. Les juges ont joint l’affaire au fond, ce qui explique que l’on eut droit à une séance qui, je pèse mes mots, aurait pu endormir un marathonien !

La seule prévenue présente a été interrogée pendant des heures à propos des « combines » et des rôles des uns et des autres. C’est là qu’on se rend compte que l’arnaque s’étendait sur plusieurs niveaux : l’utilisation du compte d’un autre (parfois, les comptes dormants de personnes décédées ont été mis à contribution), et « l’oubli » de la « petite commission » promise aux pigeons.

Le président Duchemin a mentionné des chiffres qui font frémir : des centaines de milliers d’euros, 26 millions ici, 50 là-bas, sans qu’on sache vraiment.

Etant donné sa prise de position dans les demandes en annulation, le procureur a été très modéré dans son réquisitoire : des peines de 60 à 120 jours-amendes à 20 euros, soit de 1200 à 2400 euros.

La morale de l’histoire ? Il y a bien eu arnaques diverses et variées voici 9 années. Mais en raison d’incohérences juridiques, tout a tourné en eau de boudin. Le Crédit agricole, su’ l’ tard, a admis que la non-sécurisation de ses procédures était la cause de bien des malversations.

Jugement le 15 octobre.

 

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