« La filière a peu évolué depuis 20 ans et les problèmes maintes fois dénoncés ne sont toujours pas réglés« , lance Max Dyckerhoff, exploitant aquacole à l’Etang-Salé. Ce dernier et plusieurs autres aquaculteurs de l’île se sont réunis au sein de l’association des professionnels de l’aquaculture à la Réunion décidés à prendre le problème à bras-le-corps. Tous dénoncent la mauvaise gestion de l’ARDA dans ce dossier.
« C’est bien simple, il n’y a plus aucun suivi depuis 2009 dans la production de juvénile (alevins nécessaires pour la production de poissons). Notre situation s’est dégradée, nous nous sommes endettés et aujourd’hui nous devons de l’argent à l’ARDA« , explique Hervé Sinama qui exploite avec sa compagne, Nicole, une ferme aquacole sur Sainte-Suzanne.
Pour eux, le problème vient de l’ARDA qui n’arrive plus à fournir d’alevins nécessaires – via son pôle Eclosia – pour la bonne exploitation des fermes aquacoles. Les chiffres fournis par les exploitants parlent d’eux-mêmes. La production aquacole à la Réunion est passée de 64 tonnes en 2010 à 25 tonnes en 2013. « Des chiffres à mettre en totale contradiction avec ceux avancés par la direction de l’ARDA et estimés à 120 tonnes par an« , lance Max Dyckerhoff. Le cœur du problème est là.
Les commandes d’alevins pas bien assurées par l’ARDA
Selon les exploitants, le pôle Eclosia de l’ARDA ne permet plus de fournir le nombre d’alevins nécessaires à la survie de la filière aquacole à la Réunion. « Il n’y a que 101 génitrices femelles pour les poissons dits « gueule rouge » quand il en faut plus de 500 pour assurer une production annuelle de 150.000 juvéniles« , poursuit-il.
Entre l’exploitant de l’Etang-Salé et celui de Sainte-Suzanne, les commandes passées à l’ARDA pour le bon fonctionnement de leurs exploitations ne sont pas assurées. « J’avais commandé 25.000 alevins mâles, je n’en ai eu que 9.000« , peste Hervé Sinama. Même constat du côté de Max Dyckerhoff. Sur les 80.000 commandés, il a accusé réception de 42.000 alevins dont énormément de femelles qui ne se vendent pas dans les circuits de distribution.
« Plus de 80% de notre production est vendue en poissonnerie. On ne connait pas la crise et nous écoulons très rapidement nos stocks« , explique Hervé Sinama. Mais faute de poissons mâles adultes et d’alevins en nombre suffisant, les exploitants se retrouvent au bord du dépôt de bilan.
L’ARDA une pompe à subventions ?
Les membres de l’association des professionnels de l’aquaculture à la Réunion ont décidé d’alerter la Région, principal bailleur de fonds de l’ARDA. Dans plusieurs courriers que nous nous sommes procurés, ils remettent en cause la gestion catastrophique de l’ARDA. Pour les exploitants, le directeur de la structure, Pierre Bosc, est directement visé. « Nous avons l’impression que l’ARDA est la poule aux œufs d’or, véritable chasseuse de subventions avec ses millions de fonds européens, Etat et Région. Et nous, nous sommes les dindons de la farce. Depuis 15 ans, toutes les stratégies, les décisions, les orientations, les conseils auprès des administratifs de la Région, ont été pris par l’ARDA et son directeur Pierre Bosc. C’est lui seul qui a décidé et le résultat est là : la disparition de la filière marine et celle annoncée de la filière eau douce« , expliquent les exploitants de la Réunion.
En novembre dernier, la Région a voté en commission de développement économique, une enveloppe de 919.912 euros (Région et Europe) en 2013.
La présidente de l’ARDA tente de calmer le jeu
Les exploitants indiquent avoir eu l’assurance que la présidente de l’ARDA, la conseillère régionale Colette Caderby (présidente depuis 2012), s’engage à leurs côtés. Nous l’avons contacté pour connaitre les raisons des difficultés rencontrées par les exploitants aquacoles. Colette Caderby reconnait qu’il y a des « problèmes » entre les exploitants et la direction de l’ARDA, mais elle avoue également à demi-mot ne pas bien maitriser tout le processus aquacole. « Je ne maitrise pas bien ça (…). Mais nous sommes là, avec la Région, pour réfléchir et construire avec les exploitants. Nous allons mettre en place un comité de suivi pour répondre à tout ça. Je suis dans une logique d’apaisement et de discours rassurant avec eux« , explique la présidente de l’ARDA, Colette Caderby.
Du côté de l’ARDA, nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises son directeur, Pierre Bosc. Sans succès.
En attendant, les acteurs de la filière aquacole ne cherchent qu’une seule chose, la sauver. Des exploitants qui demandent dès maintenant à gérer eux-mêmes le pôle Eclosia et être impliqués dans le conseil d’administration de l’ARDA. Ce qui n’est pas le cas à ce jour.