La situation du cheptel bovin réunionnais est tendue. La crise sanitaire et le scandale de la leucose poussent les filières au bord du ravin. Entre le plan d’assainissement de la maladie (PGMSB) qui se poursuit et la production locale qu’il a fallu assurer alors que la crise sanitaire pesait sur le fret, le cheptel se réduit comme peau de chagrin et manque surtout de sang neuf. La filière lait est particulièrement touchée. Il lui manquerait ainsi 2.100 génisses sur les 5 prochaines années pour sortir la tête de l’eau.
Pour la Sicalait, il faut à nouveau importer des vaches laitières de métropole « pour couvrir les besoins en animaux des éleveurs laitiers réunionnais » mais aussi » pour accélérer l’assainissement en leucose des élevages laitiers », avait plaidé Martha Mussard, présidente de la Sicalait [dans un communiqué]url:https://www.zinfos974.com/La-Sicalait-veut-importer-de-nouvelles-vaches-laitieres_a173205.html .
« Principe de précaution »
Une vision que ne partage absolument pas la Sica Révia, qui après avoir sondé ses éleveurs, penche pour le principe de précaution, confirme Olivier Robert, président de la coopérative. En raison du scandale de la leucose bovine, les ventes pour les éleveurs de viande ont considérablement baissé malgré les nombreuses campagnes de communication. Les consommateurs boudent le bœuf péi. « Nous avons vécu des épisodes récents et même s’il n’y a pas d’impact sur l’homme, nous avons vécu cela de façon tragique », confie Olivier Robert. Alors importer de nouveaux des bœufs de métropole ne serait pas très prudent, avance l’éleveur qui rappelle « que le risque zéro n’existe pas ». « S’il y a un problème, cela pourrait toucher l’ensemble des ruminants », alerte-t-il. « Nous pouvons nous développer à partir des souches locales. Les techniques sont déjà utilisées. Elles demandent plus de temps et d’améliorations de la zootechnique mais nous avons la possibilité de le faire » , assure encore le président de la Sica Révia qui milite pour un travail collégial et ainsi faire avancer la filière.
« Sans accord, ce sera l’anarchie »
La question de l’introduction de bovins sur le territoire de La Réunion divise donc même au sein du monde agricole. Dans l’attente notamment de « la finalisation des plans de surveillance, permettant d’établir l’absence des dangers sanitaires », la préfecture avait prolongé pour 6 mois l’arrêté de suspension d’importation de ruminants. Cet arrêté prend fin le 8 janvier 2022. Les ruminants munis d’une carte verte pourront ainsi à nouveau circuler entre les départements français.
Afin d’éviter tout nouveau scandale sanitaire, le conseil régional d’Orientation de la politique sanitaire Animale et végétale (CROPSAV) s’est réuni à plusieurs reprises depuis août dernier. Une étude du CIRAD et de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort a été menée. Pour répondre localement à la demande de reproducteurs, il faudra patienter encore 10 ans. Ce vendredi à Saint-Pierre, le CROPSAV s’est donc prononcé pour l’encadrement des importations de ruminants. A charge au préfet de valider la démarche dans un calendrier serré et de prolonger ou non l’arrêté de suspension d’introduction. Car pour établir un cadre strict à l’importation des bovins, la création d’une association à caractère interprofessionnel en charge de gérer les demandes collectives mais aussi de prévenir et gérer les risques sanitaires et environnementaux est envisagée. Une sous-commission du CROPSAV constituée du Groupement technique vétérinaire (GTV) mais aussi du Groupe de défense sanitaire (GDS) serait elle chargée de l’évaluation des dossiers de demande d’introduction fondés sur un cahier des charges interprofessionnel.
« Sans accord, ce sera l’anarchie sur l’importation d’animaux vivants », craint Frédéric Vienne. « Je comprends les inquiétudes mais on est dos au mur. C’est à nous de donner les garanties et d’établir un protocole sanitaire strict », ajoute le président de la Chambre d’agriculture. Il est rejoint sur cette question par Jean-Michel Moutama, président de la CGPER. « Il faut fixer un cadre sanitaire à l’entrée des animaux à La Réunion, sinon n’importe qui pourra faire entrer n’importe quoi ».
Olivier Robert, président de la Sica Revia, n’en démord pas. « Nous préférons prendre en considération les risques potentiels. L’élevage est notre seule activité. Nous n’allons pas rester les bras ballants et travailler à des solutions locales ». C’est dans ce contexte que la Sica Revia a décidé de quitter la Fédération Réunionnaise des coopératives agricoles (FRCA), laquelle regroupait jusqu’alors en tant que syndical professionnel l’ensemble des coopératives agricoles, des SICA, des Unions de coopératives, leurs filiales et les CUMA de La Réunion.
« La FRCA partage l’avis de la Sica Revia mais aujourd’hui les éleveurs laitiers sont sous pression », concède Alain Dambreville, le président de la Fédération, qui assure « traiter la problématique de manière neutre ». Reste l’aspect financier. Alors que l’importation d’un bovin est estimée à 5.000 euros, « toute importation se fera sous la responsabilité de l’importateur », prône Alain Dambreville.