Cette entreprise s’est construit une image vert..ueuse en développant le mix bagasse/charbon (de 10 à 30% de bagasse au mieux) ou une turbine fonctionnant au bio éthanol ou encore en plaçant des panneaux solaires sur le petit stade de l’Est à Saint-Denis.
L’entreprise s’est développée pour l’essentiel dans les DOM (Réunion, Guadeloupe, Martinique) et s’étend aujourd’hui à l’international (Brésil).
Désormais, ALBIOMA devient états-unienne en faisant l’objet d’une offre publique d’achat du fonds d’investissement KKR. Cette offre s’avère particulièrement intéressante pour les actionnaires du groupe (+51,6% par rapport aux prix du marché).
Bien entendu, KKR a multiplié les promesses et les garanties et obtenu le feu vert de Bercy mais on
peut légitimement avoir certains doutes !
1- Comment se fait-il qu’un élément aussi important que la production électrique puisse ainsi être passé dans les mains du privé, désormais du capital financier pur et dur ?
2- Si ALBIOMA s’est construit dans les DOM, n’est-ce pas parce ceux-ci représentent aux yeux des financiers un « eldorado » de défiscalisations, de privilèges fiscaux, de faiblesse des salaires ? Après s’être taillé un petit empire sous les tropiques, ALBIOMA, sans aucun complexe, vient vendre cet empire.
3- A l’occasion de cette opération financière, il serait temps de poser la question de la reconstruction d’un véritable service public de l’énergie à La Réunion et d’une expropriation du groupe KKR.
Depuis un peu plus d’un an, ALBIOMA a défendu et mis en œuvre le projet d’une transition du charbon vers la biomasse. Des travaux d’aménagement importants sont en cours de réalisation au Port et à Bois-Rouge.
Il s’agit en fait pour ALBIOMA de saisir le créneau ouvert par la politique de substitution de la biomasse au charbon utilisé dans les centrales de l’UE. Et de démontrer par là même combien le capitalisme est réactif et efficace.
En réalité bien au-delà de la bagasse ou des déchets végétaux domestiques ou industriels, il s’agit de brûler en masse du bois de forêts que l’on abat. On fabrique ainsi des « pellets », granulés en français, de petits agrégats de bois haché ou en poudre, desséchés puis recompactés.
L’entreprise US ENVIVA partenaire de ALBIOMA pour la fourniture de granulés est d’ailleurs vivement contestée aux Etats-Unis pour sa politique de déboisement massif. L’argument massue d’ALBIOMA est que l’utilisation de bois est fondamentalement vertueuse puisque ce bois peut repousser, qu’il ne s’agit pas d’une ressource fossile.
Sauf que … entre le moment où un arbre est coupé et celui où il est effectivement remplacé par un autre de même gabarit, il peut s’écouler 10 ou 20 ans. Entre temps, le bois a brûlé, le taux de CO2 a augmenté et le climat a basculé de manière irréversible. D’autre part, le rendement énergétique de la combustion du bois est plus faible que celui … du charbon !
Cela signifie que pour une même quantité d’énergie produite, la quantité de CO2 dissipée dans l’atmosphère est plus importante. Et ce n’est pas tout ! La combustion des granulés de bois est PIRE que celle du charbon en termes de CO2 mais également en matière de particules fines, de neurotoxines et de pas mal d’autres composés chimiques néfastes pour la santé humaine.
Un dernier « détail », l’acheminement de 900 000 tonnes de granulés de bois par an depuis les Etats-Unis devrait mobiliser en permanence une dizaine de navires de transport. ALBIOMA envisage l’éventualité d’importation de granulés depuis l’Afrique du Sud ou le Mozambique. Mais les standards africains actuels ne sont pas compatibles avec ceux de l’UE.
D’autre part, la critique des politiques de plantation pour l’exportation au détriment des cultures vivrières est suffisamment connue pour ne pas la développer ici. Dans une interview récente, le patron d’ALBIOMA se félicitait de la transition charbon/biomasse comme d’un progrès écologique. On peut craindre qu’il s’agisse en fait de remplacer un mal par un autre sans doute pire.
De fait, ce « progrès » remet en cause pour des dizaines d’années la perspective d’indépendance énergétique de notre île fixée rappelons-le à l’horizon 2030 par le législateur. ALBIOMA vient en effet de renouveler la convention qui la lie à EDF jusqu’en 2043.
Le sujet de l’énergie est trop important pour notre vie quotidienne et l’avenir de la planète pour qu’il soit abandonné à des groupes privés qui ne voient dans la transition écologique qu’une opportunité de bénéfices substantiels. Pour une pincée de renouvelable (panneaux…) on a un plein chargement de bois à brûler.
Les bénéfices sont d’autant plus importants que ce groupe et à terme le fonds KKR dispose de fonds publics (l’Association Française de Développement) ou bancaires (Crédit Agricole) et prend en otage la population réunionnaise (dont les producteurs de canne).
Reprendre la main, c’est mettre sur pied une politique publique de maîtrise et de production de l’énergie, donc expulser de ce bien commun les intérêts privés. C’est également prévoir des investissements massifs assortis de création d’emplois à hauteur de l’enjeu. Ce thème devrait être au cœur de la campagne législative actuelle. Il est encore temps.