C’est une première dans l’affaire qui oppose David Rocher, pilote de ligne sur Boeing 777 chez Air Austral et « placardisé » depuis ses différentes plaintes, contre la compagnie aérienne réunionnaise. Désormais, il ne s’attaque plus seulement à la compagnie Air Austral en elle-même, mais a décidé de porter plainte auprès du Procureur de la République de Saint-Denis contre la DGAC et, grande nouveauté, contre Paul Vergès en sa qualité de président du conseil de surveillance de la société.
Une nouvelle plainte qui fait suite à celle en date du 21 juillet. « J’ai déposé une plainte contre la compagnie Air Austral et Gérard Ethève, son PDG, pour des délits de harcèlement moral, discrimination syndicale, entrave dans l’exercice du droit syndical et mise en danger d’autrui (…). Les faits décrits dans ma plainte du 21 juillet montrent une activité qui se prolonge (…). Par conséquent, les infractions sont des délits continus« , explique David Rocher, qui demande au Procureur de la République d’ouvrir une enquête sur ces agissements, mais également de rouvrir celle sur sa plainte déposée en décembre 2009 (voir article ici : [Un pilote porte plainte contre Air Austral pour « mise en danger de la vie des passagers »]url:http://www.zinfos974.com/Un-pilote-porte-plainte-contre-Air-Austral-pour-mise-en-danger-de-la-vie-des-passagers_a18247.html ). « Je vous demande de réunir ces deux plaintes pour qu’elles constituent une seule et même procédure« , précise-t-il.
« L’échec indiscutable de la DGAC dans sa mission d’assurer la sécurité de l’aviation civile »
Pourquoi porter plainte cette fois-ci contre la DGAC et Paul Vergès ? La DGAC est l’organisme qui procède à la délivrance des autorisations, des certificats et décisions en vue d’assurer la sécurité et la sureté de l’aviation civile. Elle coordonne et contrôle la mise en oeuvre du programme de sécurité de l’État en matière d’aviation civile. Mais surtout, la DGAC délivre le Certificat de transporteur aérien. « Un CTA est modifié, suspendu ou retiré si l’autorité n’est plus assurée de l’exploitant à maintenir la sécurité de l’exploitation« , explique-t-il dans sa plainte. L’ensemble des faits qui ont été rapportés à la DGAC par David Rocher, dont un dernier courrier daté du 31 août 2011 et resté sans réponse, n’ont pas trouvé « écho » auprès de la direction.
« Une enquête de la DGAC est-elle en cours ? J’en doute fort« , s’interroge le pilote. Les faits dénoncés (vols effectués lors des cyclones Gamède et Ando et licenciement « abusif » d’un pilote de ligne car ce dernier avait annulé le vol pour des raisons de sécurité) auraient dû motiver « une enquête » de la DGAC mais également « une sanction du dirigeant responsable de la compagnie« , souligne David Rocher. Pour le pilote, les événements décrits démontrent « l’échec indiscutable de la DGAC dans sa mission d’assurer la sécurité de l’aviation civile« . Sa plainte vise donc directement l’ensemble des directeurs qui se sont succédés à la tête de la DGAC depuis 1995. « Monsieur Patrick Gandil (ndlr : directeur de la DGAC depuis 2007) avait connaissance du risque, celui important et imminent d’un accident aérien dans la compagnie Air Austral« , explique David Rocher.
Autre personne visée pénalement par la plainte, Paul Vergès, actuel président du conseil de surveillance de la compagnie Air Austral. Ce qui a motivé David Rocher à porter plainte contre Paul Vergès, sa dernière conférence de presse en date du 26 décembre dernier. En tant que président du conseil de surveillance, l’ancien président de la Région Réunion a expliqué ne pas se mêler de « l’aspect opérationnel de la compagnie qui est sous la compétence du directoire« . « Les déclarations de Paul Vergès montrent qu’il a toujours laissé Gérard Ethève faire tout ce qu’il voulait (…). Le conseil de surveillance d’une compagnie aérienne a le devoir d’intervenir lorsqu’il sait que le directoire pratique le harcèlement moral (…), ce qui est incompatible avec la sécurité des vols et la santé du personnel« , souligne David Rocher dans sa plainte.
« Sa responsabilité pénale doit être engagée »
Le pilote de ligne reproche à Paul Vergès d’avoir tout fait pour « protéger » Gérard Ethève, même sous la pression des « instances hautes placées« . Et d’ajouter : « Paul Vergès était au courant des problèmes liés à la mauvaise gestion de la compagnie (…). Il ne pourra pas affirmer de bonne foi qu’il ignorait ma plainte contre Air Austral pour mise en danger de la vie des passagers (…). Comme la condamnation de la compagnie et Gérard Ethève pour harcèlement moral« .
« Il (ndlr : Paul Vergès) ne pouvait ignorer le risque (…). Dans l’hypothèse où un accident surviendrait, Paul Vergès pourrait mettre en avant le fait qu’il ne se mêlait pas de l’aspect opérationnel ou qu’il n’avait pas les connaissances du risque et que seuls les pilotes sont responsables (…). Des arguments foireux et faciles à tenir quand les pilotes ne sont plus là, un pilote réduit à l’état de cendre a du mal à se défendre (…)« , explique-t-il dans la plainte.
Pour terminer, David Rocher reproche à Paul Vergès de ne pas avoir, en sa qualité de président du conseil de surveillance, contrôlé la gestion de la société par le directoire. « Il est par conséquent responsable, il n’a pas directement commis la faute et causé les dommages (…), mais en ne prenant pas les mesures permettant de les éviter et que sa fonction lui dictait, il a commis une faute caractérisée (…). Par conséquent, sa responsabilité pénale doit être engagée« , conclut David Rocher dans sa plainte.
Des faits qui ont affecté David Rocher lui même, au placard depuis sa première plainte déposée. « M. Gandil ne pouvait pas ignorer le risque de dégradation de mon état de santé, voir de suicide », conclut-il. Le feuilleton Air Austral dans les tribunaux réunionnais n’est pas prêt de se refermer.