Je me souviens, à l’université, quelques années avant 68, j’ai eu droit à un zéro de dissertation pour deux erreurs d’orthographe! « travail ne manquant pas d’intérêt par ailleurs » a ajouté sardoniquement le professeur.
On ne rigolait pas en ce temps-là : la « faute » d’orthographe était quasiment une infamie, une bonne orthographe était une condition sine qua non pour la plupart des carrières intellectuelles.
Depuis j’ai rencontré un docteur en biologie, un agrégé de physique… qui font quasiment une erreur par ligne. Parce que l’orthographe française est aussi peu logique qu’un bric-à-brac, accumulant les vestiges et les réformes en prenant un malin plaisir à compliquer les choses : le français est la seule langue en Europe, avec l’anglais, bâtard de normand et de saxon, à écrire « téléphone » comme ça, à utiliser des « ph », « th », « rh » pour bien marquer l’origine grecque de ces mots inventés.
Et paf! manque de chance : « nénuphar » n’est pas grec, mais indien! Légitime donc de l’écrire phonétiquement. Légitime aussi d’accompagner les évolutions de l’oral : « estoit » se prononçait depuis longtemps « étoit » quand on a décidé d’écrire cette nouvelle graphie, et il a fallu attendre la révolution pour que s’écrive « était » ce qu’on prononçait comme ça depuis Voltaire.
Dites vous bien que de toute façon ce ne sont pas les grammairiens, les académiciens, qui imposent « le bon usage » comme disait le belge Grévisse, c’est la population, c’est les échanges continuels entre les gens. Aujourd’hui les professeurs, les sénateurs, les politiciens, les académiciens, toutes les stars de la télé disent « je ne sais pas qu’est-ce qu’il faut dire » au lieu de « je ne sais pas ce qu’il faut dire ». C’est ainsi, la langue humaine, comme l’humanité, évolue sans cesse. Et il est temps de reconnaître qu’un accent circonflexe… ce n’est pas « grave »!
Jean-Pierre Espéret