Le Préfet avait fait une première incursion dans un domaine de compétence qui n’était normalement pas le sien, en organisant la fameuse table ronde du 7 janvier dernier, à laquelle participaient également la Présidente du Conseil général, le directeur des AGS, le mandataire liquidateur, le Pôle Emploi et la CAF, et de laquelle il était ressorti après plusieurs heures de négociations un protocole d’accord.
L’ensemble des participants avait accepté, sous réserve de l’approbation des élus du Département, que les AGS fassent l’avance des fonds correspondant aux indemnités des ex-personnels de l’ARAST, à charge pour le Conseil général de leur rembourser la somme si sa responsabilité était par la suite reconnue par une décision de justice.
Un accord équilibré, qui avait été entériné par Nassimah Dindar et qui permettait de trouver une solution immédiate au problème et de s’en remettre pour la suite à une décision des juges.
Patatras ! Dès le lendemain, Nassimah Dindar écrivait au Préfet qu’elle ne signerait pas le courrier, apparemment à la suite d’une réunion au Conseil général…
Pierre Henri Maccioni met les points sur quelques « i »
Le Préfet n’est pas homme à rester sur un échec ! Et c’est la décision du Conseil régional, mardi, de demander au gouvernement de diligenter à La Réunion dans les meilleurs délais une mission de l’IGAS, afin de faire toute la lumière sur le dossier de l’ARAST, qui allait lui donner l’occasion de rebondir.
En fait, c’est probablement la phrase dans laquelle Paul Vergès « demande à l’État de prendre les initiatives et les dispositions appropriées permettant l’intervention d’une solution (…) et constate l’impuissance apparente de l’État à faire appliquer le droit » qui a dû faire sursauter l’occupant de l’Hôtel de la Préfecture.
Dans un courrier de trois pages envoyé hier au Président de la Région, Pierre Henri Maccioni met les points sur quelques « i » et remet à leurs places, avec toute la délicatesse et le doigté que l’on enseigne à l’ENA, aussi bien Nassimah Dindar que Paul Vergès.
Après avoir rappelé au Président de la Région que justement, l’Etat avait fait ce qu’il fallait pour « faire appliquer le droit« , d’abord en organisant cette fameuse table ronde, et ensuite en tentant de faire dire le doit par des juges, seuls compétents pour le faire.
Car, comme l’écrit le Préfet, « estimer d’emblée, sans décision de justice, que telle ou telle partie était par principe dans son droit eut été réducteur et sans fondement« . Et pan ! Premier coup de règle sur les doigts de Paul Vergès et Nassimah Dindar…
Mais le meilleur est à venir…
La preuve que le Département envisageait la reprise des activités et du personnel de l’ARAST
Pour montrer à Paul Vergès que ce dossier n’est peut être pas aussi simple qu’il n’y parait, Pierre-Henry Maccioni lui révèle que, alors que le Département conteste toute reprise d’activité de l’ex-ARAST, Nassimah Dindar l’avait informé dès le 13 octobre 2009 -la date a son importance- qu’elle avait l’intention de créer un GIP car il convenait selon elle « de s’assurer de la continuité des interventions (…) et d’envisager l’organisation de la reprise des activités (de l’ARAST) et des agents concernés par les autres prestataires présents ou à créer dans ce secteur » ! (NDLR : Le surlignage en gras est du fait de la rédaction de Zinfos).
Et le Préfet d’ajouter avec une pointe de malice : « Aussi me parait il légitime qu’en droit, certains se posent la question de la reprise ou non des activités de l’ARAST par le Département, lequel le prévoyait d’ores et déjà plus d’un mois avant la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal, et partant, des conséquences à en tirer quant à la personne morale devant verser les indemnités en cas de licenciement« … Qu’en termes choisis tout cela est dit…
Il n’empêche que derrière la finesse des mots, le Préfet apporte sur un plateau aux anciens salariés et aux responsables des AGS la preuve que le Conseil général avait bel et bien l’intention de reprendre les activités de l’ARAST et les employés qui vont avec. Ce qui conforte le refus des AGS de payer à la place du Département.
La position de Nassimah Dindar, qui était jusque là plus que branlante, est désormais intenable.
Le Préfet demande la mise en place d’un guichet unique pour aider les salariés dans leurs démarches
Dans un autre pavé lancé dans la mare du Conseil général, le Préfet évoque le fait qu’il avait « tout naturellement » relayé la demande de l’Intersyndicale tendant à faciliter les demandes d’aides sociales de la part des salariés licenciés. Mais c’est pour préciser tout de suite à Paul Vergès que « vous conviendrez avec moi que compte tenu du volume prévisible des demandes et des démarches que doivent entreprendre ces familles, il serait opportun qu’un guichet unique soit installé pour faciliter celles-ci, que seule la collectivité départementale serait à même d’assurer compte tenu des compétences qu’elle assume dans le domaine social en application des lois de décentralisation » !
Et pan ! Une nouvelle peau de banane glissée sous les pieds de la Présidente du Conseil général… et de Paul Vergès qui fait partie de sa majorité et qui, pour l’instant, continue à la soutenir !
Le message est clair : Au lieu d’essayer de chercher des poux dans la tête de l’Etat qui n’est pas du tout concerné par ce dossier, le Conseil général et les partis politiques qui font partie de sa majorité devraient commencer à faire ce qui relève de leur compétence : l’accompagnement des personnes en difficultés, en l’occurrence les salariés de l’ARAST, et la mise en place des moyens pour le faire à travers la création d’un guichet unique.
Pierre-Henry Maccioni va saisir l’IGAS… mais aussi la Chambre régionale des Comptes
La dernière salve du Préfet concernera la demande de Paul Vergès de voir une délégation de l’IGAS (Inspection générale de l’Action sociale) se rendre dans l’île, pour faire toute la lumière sur le fonctionnement de l’ex-ARAST.
Le Préfet en profite pour rappeler, là aussi avec une pointe d’ironie, « que l’Etat ne disposait, et ne dispose toujours pas, d’éléments financiers concernant une telle association dont le financement (…) reposait quasi exclusivement sur des subventions du Conseil général » ! Lequel « disposait de tous les pouvoirs et moyens juridiques, en application du Code de l’Action sociale et de la famille, pour contrôler l’utilisation des subventions qu’il versait et, partant, lui seul était et est en mesure de saisir éventuellement la justice« .
Là aussi, qu’en termes galants ces choses là sont dites. Chaque mot est pesé, millimétré ! Un travail d’orfèvre…
Mais, pour bien montrer à Paul Vergès qu’il n’entend pas lui laisser la main, Pierre-Henri Maccioni précise immédiatement qu’il a également l’intention de saisir la Chambre régionale des Comptes afin qu’elle examine elle aussi le fonctionnement de l’association aujourd’hui dissoute.
Enfin, pour la bonne bouche, Pierre-Henri Maccioni demande à Paul Vergès d’avoir l’amabilité de « transmettre copie du présent courrier à l’ensemble des conseillers régionaux afin qu’ils disposent de toutes les informations nécessaires« …
Pas certain que ce soit encore la peine puisqu’ils viennent d’en lire l’essentiel grâce à Zinfos…