« A vaincre sans péril… »
Les ultras de la BD auront reconnu un certain petit centurion légionnaire des aventures d’Astérix. C’est aussi ce qu’ont dû se dire un certain Karim R., 28 ans, et sa bande de bras cassés qui ont pour caractéristique commune de ne jamais s’attaquer qu’à des proies faciles, femmes ou enfants. Pour une raison bien simple : adeptes de la philosophie de M. Smet, ils savent que « Les coups/Quand ils vous arrivent/Les coups/Oui ça fait mal/Ah que coucou ! »
Il se prend pour Spaggiari
A la barre, Karim, gaulé comme un mâle moustique cacochyme, semble plus intéressé par ce qui se passe autour de lui que par les questions de la Présidente, laquelle finira quelque peu par se départir de son flegme habituel en rappelant à l’accusé de se concentrer sur « son » affaire.
Cet intéressant jeune homme, à 28 ans à peine, possède 18 mentions à son casier judiciaire. La plupart de ces condamnations ayant été prononcées par le tribunal pour enfants. Vous êtes assis ? Recel de vols, vols divers et variés, vols aggravés (plusieurs fois), dégradations de biens d’autrui, vols en réunion, conduite sans permis, trafic de zamal, violences sur dépositaire de l’autorité, vols en récidive, rébellion, tentative d’évasion en plein Palais de justice (il s’est senti une émulation pour Spaggiari on suppose), refus d’obtempérer, dégradations de biens publics, conduite sous effet du zamal… Il est en ce moment en isolement à Domenjod pour sa tentative d’évasion.
L’affaire qui lui vaut d’être à la barre en ce mardi est aussi simple et aussi stupide que toutes les précédentes mais dénote une aptitude certaine à se faire passer pour le dernier des abrutis. En ce 2 août 2019, alors qu’il est à peine sorti de Domenjod, voilà que notre Karim se met dans le collimateur le bureau de Poste de la Source, petite agence pépère où ne s’entassent guère les clients mais où l’on est accueilli avec courtoisie par un personnel presque exclusivement féminin. Ce qui est quand même moins dangereux que d’être accueilli par Kouatchy, champion du monde de kick boxing opérant à la Poste centrale. Un endroit que les braqueurs fuient comme la peste.
Le casse du siècle ?
Pour préparer leur coup, Karim et ses deux dalons, prouvant ainsi leur formidable intelligence, observent l’endroit plusieurs jours d’affilée, appuyés à une barrière toute proche, regards braqués sur l’agence postale. Ce qui ne manque évidemment pas de soulever le questionnement dans les esprits des passants.
Le jour dit, masqués et gantés, ils envahissent la salle de la poste, qui avec un marteau, qui avec une masse. Ça impressionne, c’est sûr. Pendant que Karim se fait remettre le tiroir caisse, l’homme à la masse explose l’armoire aux téléphones portables et une étagère qui avait eu le culot de se dresser sur sa route. Butin faramineux : 30 euros.
Si les caméras de vidéo-surveillance ne donnent rien (masqués, nos Lupin de banlieue), les prélèvements sur les barrières extérieures fournissent l’ADN de Karim, depuis longtemps hôte privilégié des fichiers génétiques de la police.
Chez lui, sont retrouvés le marteau et deux des blousons de camouflage des casseurs, dont Karim dit ne pas avoir eu le temps de s’en débarrasser. Et pensant également, malgré sa longue habitude des rapports avec la police, que cette dernière ne viendrait pas chez lui de si tôt.
Là, il faut lui reconnaître une qualité : tout en admettant sa participation au braquage de la Poste de la Source, Karim ne balancera jamais ses complices. Mais… alors que pendant sa garde à vue il avait admis avoir monté le coup en toute connaissance de cause, à la barre il charge ses complices, lesquels lui auraient intimé l’ordre de braquer la Poste. En le menaçant. Pourquoi ? Comment ? Avec quoi ? Mystère insondable.
Suite au braquage, le bureau de la Source restera fermé de longs mois. Il n’a rouvert qu’en janvier de cette année.
Et qui c’est qui va casquer ? Ben voyons !
Quelques brèves de prétoire… Le marteau ? Il l’a trouvé dans la rue. Car il est bien connu que les menuisiers ont la sale habitude de polluer en jetant leurs instruments sur les trottoirs… Un avocat ? Il n’a pas eu le temps de prévenir le sien alors que sa convocation lui a été envoyée depuis le mois d’octobre… Que faites-vous en prison ? s’enquiert la Présidente. Du sport… ou alors il est en contact avec l’AFPAR pour préparer sa réinsertion. Et ça donne quoi ? Ben… pour l’instant il consulte un prospectus. Depuis quelques mois… Et il habite tout près de là, ce cerveau que ne nierait pas Gérard Oury. Bref, il aurait voulu qu’on le reconnaisse qu’il ne se serait pas autrement débrouillé.
La Procureur n’a eu aucun mal à lui enfoncer la tête dans la baignoire : « Pas un mot d’excuse, une des employées toujours pas remise du choc émotionnel et en arrêt de travail permanent depuis tout ce temps« . Et de réclamer 6 ans de rab pour ce génie de la cambriole.
Le tribunal, d’une générosité sans pareille, lui en a accordé 5 avec mandat de dépôt et l’obligation d’indemniser les victimes et la Poste dont les dommages-intérêts, qui seront évalués ultérieurement, risquent de se monter à quelques dizaines de milliers d’euros. Qui c’est qui va casquer ?