Le supplément économique du JIR est souvent intéressant, et apporte régulièrement un « plus » le lundi matin, jour où traditionnellement on ne croule pas sous les informations autres que sportives.
Mais le numéro d’hier montre les limites de ces « suppléments » surtout destinés à récolter de la pub. Comment, dès lors, critiquer dans un article un sponsor qui vous a acheté une pleine page de pub?
Voilà donc un « Supplément Economie et Emploi » quasi exclusivement consacré à: « Route des Tamarins, Tram-train, Route du Littoral: Comment les grands chantiers vont changer la Réunion? »
L’article, au demeurant, est très complet. On y trouve tous les chiffres, tous les détails sur l’ensemble des projets. Mais alors, d’où vient le sentiment de gène? Sans doute de l’impression de trop grande complaisance qui se dégage des articles. Aucune critique, aucune question qui dérange. Tout est un peu trop lisse, à la limite du publi-reportage…
Prenons l’exemple des articles publiés en page 12 sur CBO Territoria, que l’on peut relier à celui de la page 14 sur « Saint-Leu ouvre son portail sur la Route des Tamarins« .
Là encore, tous les chiffres et tous les détails sont là, rien à dire de ce côté. On y apprend par exemple que CBO Territoria, une des sociétés de Jacques de Chateauvieux, « dispose de milliers d’hectares dans l’Ouest, dont plusieurs centaines le long de la Route des Tamarins« . Le journaliste précise même que, « sur la seule commune de Saint-Paul, la réserve foncière de l’opérateur privé dépasse les 2.000 hectares« .
Et ça ne vous interpelle pas?
Reprenons l’affaire à son origine… La Région, au départ, avait à choisir entre faire la route des Tamarins et la route du Littoral. Paul Vergès et ses amis ont choisi la route des Tamarins.
Pour quelles raisons, alors que tous les sondages montrent que les Réunionnais, dans leur immense majorité, auraient préféré l’inverse? Et alors que, si l’estimation initiale de la route des Tamarins était de 600 millions d’euros, le coût total sera en fait 1,1 milliard, alors que la route du Littoral était à l’époque prévue pour 960 millions? Voilà des questions qu’il aurait été intéressant de poser au président Vergès…
A aucun moment on n’a cherché à savoir si la décision de la Région de commencer par la route des Tamarins n’était pas la conséquence des relations très proches entre Jacques de Chateauvieux et Paul Vergès… Remarquez, difficile quand on sait que ces « suppléments » ne sont que des « pompes à pub » et que la Région a justement acheté une pleine page dans ce numéro exceptionnel.
Intéressant justement de regarder la liste des autres annonceurs de ce « Supplément Eco »: La Région donc, mais aussi la GTOI qui a participé à la réalisation de la route des Tamarins, Mercedes et Renault (groupe Ayot), Caillé (2 pages), Citroën, et… les Jardins de Bourbon dont on se demande un peu ce qu’ils font là..
Mais revenons-en aux relations entre Paul Vergès et Jacques de Chateauvieux… Souvenez-vous du fameux PDA, le Plan de Développement Actif du Parti communiste réunionnais en 1992 dont le rédacteur principal n’était autre à l’époque qu’un ancien cadre supérieur des Sucreries de Bourbon…
Souvenez-vous des déclassements de terrains fort opportuns et des hectares exclus des zones à protection forte par le Conservatoire du Littoral entre Boucan et Saint-Paul…
Vraiment, Jacques de Chateauvieux est un visionnaire et un homme qui sait faire fructifier au mieux ses relations…
Comment par ailleurs ne pas être admiratif devant la concordance de temps entre l’achèvement de la route des Tamarins et le Pôle économique du Portail de CBO Territoria bâti sur 30 hectares: « Une grande surface de 4.500 mètres carrés aux couleurs de l’enseigne Leclerc cotoira à terme des bureaux, des bâtiments logistiques, des zones dédiées à l’artisanat et au commerce, des magasins spécialisés dans l’équipement de la maison et du jardin« .
Je cite toujours le JIR: « La ZAC Portail n’est pas le seul projet de la société foncière. Sur la commune de Saint-Leu, CBO dispose d’environ 400 hectares, essentiellement des terres à vocation agricole. Une autre zone d’activité ne devrait néanmoins pas tarder à voir le jour« …
« Terres agricoles« ? Irriguées en plus… Combien on parie que CBO va parvenir à ses fins, et que de bonnes terres agricoles seront prochainement déclassées par un maire conciliant, et qu’elle trouvera des collectivités complaisantes pour réaliser les voies d’accès et autres voiries?
A l’époque, l’Etat, l’Europe et le Département avaient dépensé 1 milliard d’euros pour effectuer le basculement des eaux de l’Est vers l’Ouest, dans le but principal d’irriguer des terres agricoles, terres appartenant essentiellement à l’époque aux Sucreries de Bourbon. Aujourd’hui, il y a plus à gagner dans la promotion immobilière et dans les ZAC et le même groupe, par le biais d’une de ses filiales, demande à ce qu’on transforme ces terres irriguées à grands frais en terrains constructibles.
Et à chaque fois, nos politiques cèdent et lui donnent satisfaction. Et à chaque fois, les actions de CBO Territoria font des bonds en bourse… Et à chaque fois, la fortune personnelle de notre capitaine d’industrie local grandit, au point qu’il soit entré dans le gratin des hommes les plus fortunés de France…
Il doit avoir des arguments vraiment irrésistibles pour que tout le monde lui donne satisfaction comme ça…