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À propos de la résurrection de l’État souverain de Madagascar le 26 juin 1960 : la preuve par neuf apportée par le Général de Gaulle

Visible de très loin, le Palais de la Reine domine majestueusement la vallée de l’Ikopa et surplombe de manière vertigineuse la ville d’Antananarivo. Cet édifice imposant a été autrefois le puissant symbole d’un État souverain au regard du droit international public positif avant que celui-ci ne devienne une colonie française en application d’une loi votée […]

Ecrit par par André ORAISON, Professeur des Universités, Juriste et Politologue, Membre et Conseiller juridique du Mouvement Réunionnais pour la Paix (MRPaix) – le mercredi 24 août 2022 à 10H42

Visible de très loin, le Palais de la Reine domine majestueusement la vallée de l’Ikopa et surplombe de manière vertigineuse la ville d’Antananarivo. Cet édifice imposant a été autrefois le puissant symbole d’un État souverain au regard du droit international public positif avant que celui-ci ne devienne une colonie française en application d’une loi votée de manière expéditive par le Parlement français, le 6 août 1896. 
 
    Il faut d’emblée savoir qu’à la souveraineté originelle que la France prétend avoir établi sur les îles Éparses du canal de Mozambique par la voie de la découverte géographique et de l’occupation effective à la fin du XIXe siècle, le représentant de Madagascar aux Nations Unies a opposé la souveraineté traditionnelle de Madagascar sur chacun des îlots. 
 
    Le 27 novembre 1979, Blaise Rabetafika a ainsi fait observer qu’avant la colonisation française établie en 1892 sur l’archipel des Glorieuses et en 1896 sur les trois îlots Juan de Nova, Europa et Bassas da India, les îles Éparses n’étaient en aucun cas des res nullius ou territoires sans maître susceptibles d’appropriation par le premier occupant, comme le soutient la France. Pour le porte-parole du Gouvernement malgache au sein de l’Organisation mondiale, les îles Éparses sont au contraire des prolongements insulaires naturels du territoire étatique malgache et plus précisément – avant l’annexion de la Grande Ile par la France en 1896 – des dépendances du Royaume souverain de Madagascar en application d’un principe élémentaire bien connu dans la plupart des ordres juridiques internes selon lequel l’accessoire suit toujours la condition du principal (accessorium sequitur principale) : Voici au demeurant son crédo : 
 
    « Avant la colonisation, il existait déjà un État malgache indépendant dont la souveraineté avait été reconnue internationalement par l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis, la France et l’Italie. Juridiquement et naturellement, ces îles étaient des dépendances de l’État souverain de Madagascar et leur prise de possession (par la France) était dépourvue de base légale ». 
 
    C’est un fait historique que l’on doit considérer comme incontestable : avant le vote de la loi d’annexion par le Parlement français à la date ciblée du 6 août 1896, la Grande Ile de Madagascar a servi de support à un État malgache indépendant, un État à la fois structuré, unificateur et centralisateur. Ses fondateurs ont été les rois Andrianampoinimerina et Radama Ier qui régnèrent respectivement de 1787 à 1810 et de 1810 à 1828. 
 
    Comme les États-Unis et d’autres grandes puissances européennes susmentionnées, la France a ainsi été conduite à reconnaître officiellement, dès le XIXe siècle, la souveraineté du Royaume de Madagascar en concluant avec lui plusieurs engagements internationaux. Ainsi, une convention franco-malgache, signée le 12 septembre 1862 – dans laquelle la France reconnaît Radama II comme Roi de Madagascar – institue une « paix constante et amitié perpétuelle » entre les deux pays. Par la suite, il est vrai, la France a éliminé l’État malgache.

Cette opération destructrice s’est effectuée en deux temps. D’abord, un traité de semi-protectorat a été imposé à la Reine Ranavalona III, le 17 décembre 1885, à Tamatave. En ce sens, l’article 2 de cet accord dispose très clairement : « Un résident, représentant le Gouvernement de la République, présidera aux relations extérieures de Madagascar, sans s’immiscer dans l’administration intérieure des États de Sa Majesté la Reine ». Ensuite, dans un second traité signé le 1er octobre 1895 avec la même souveraine – après la prise de Tananarive par l’armée française – est institué un véritable mais éphémère protectorat en vertu de son article 1er, ainsi rédigé : « Le Gouvernement de Sa Majesté la Reine de Madagascar reconnaît et accepte le protectorat de la France avec toutes ses conséquences ». Au besoin, pour lever toute espèce d’ambiguïté, l’article 3 du traité franco-malgache apporte la précision suivante : « Le Gouvernement de la République française représentera Madagascar dans toutes ses relations extérieures ». 
 
Sans doute, la loi d’annexion votée par le Parlement français le 6 août 1896 a-t-elle mis brutalement fin à l’existence du Royaume souverain de Madagascar. Mais il faut bien reconnaître qu’en déclarant expressément « colonie française l’île de Madagascar avec les îles qui en dépendent » sur le fondement de la contiguïté géographique, ce texte législatif français, pour le moins lapidaire et péremptoire, confirmait purement et simplement l’unité organique de Madagascar et des îles Éparses conformément aux principes généraux de la succession d’États. 
 
Le Gouvernement d’Antananarivo fait encore valoir que la revendication officielle et constante, au plan juridique, de l’archipel des Glorieuses et des îlots Juan de Nova, Europa et Bassas da India par les responsables malgaches depuis 1972 est d’autant plus légitime que la France a violé de manière manifeste deux principes fondamentaux et complémentaires du droit international de la décolonisation : le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et celui de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. La France a méconnu ces principes d’essence coutumière en détachant autoritairement et dans le secret, par le décret du 1er avril 1960, les îles Éparses de la République autonome de Madagascar, à la veille de sa résurrection en tant qu’État indépendant. 
 
Enfin, comme preuve par neuf de l’existence d’un État malgache pleinement souverain avant son annexion par la France par la loi scélérate du 6 août 1896, on peut se référer à une citation certes anecdotique mais ô combien célèbre.

Lors de sa première visite officielle à Tananarive, en sa qualité de dernier Président du conseil de la IVe République, le Général De Gaulle prononça le vendredi 22 août 1958 une phrase à la fois historique et prophétique devant une foule immense et enthousiaste assemblée au stade municipal de Mahamasina, considéré par les historiens et les politologues de la Grande Ile comme « l’ancien Champs de Mars de la monarchie Mérina » et un « haut lieu de la mémoire collective malgache ».  En désignant de manière ostensible la colline où est situé le Palais de la Reine qui surplombe la vallée de l’Ikopa, le Général de Gaulle déclara : 

« Demain, vous serez de nouveau un État comme vous l’étiez lorsque ce Palais était habité ».

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