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À ceux qui aspirent à former notre jeunesse…

De la façon la plus brutale, l’actualité nous met face aux graves problèmes de pénibilité auxquels sont confrontés les enseignants. Avec le suicide d’une directrice d’école primaire à Pantin, en Seine Saint-Denis, suivi de près du suicide d’un enseignant de lycée professionnel à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, le vernis craque et les fissures sont énormes. […]

Ecrit par Marc MARIE, de plus en plus perplexe… – le lundi 14 octobre 2019 à 10H23

De la façon la plus brutale, l’actualité nous met face aux graves problèmes de pénibilité auxquels sont confrontés les enseignants. Avec le suicide d’une directrice d’école primaire à Pantin, en Seine Saint-Denis, suivi de près du suicide d’un enseignant de lycée professionnel à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, le vernis craque et les fissures sont énormes. Les langues se délient.
 
La situation n’est pas plus rose à la Réunion. Un certain centre de soins regorge d’enseignants qui n’en peuvent plus… Dans certains établissements scolaires, on dépasse les 10% d’enseignants en arrêt de travail longue durée… C’est énorme, c’est inadmissible !
 
Sans doute profondément et inconsciemment endoctrinés par Claude ALLÈGRE qui a dénigré sans retenue le corps enseignant à la fin des années 90, bien des gens disent que « les profs » sont des feignants, des privilégiés, ou pire… Peu sont ceux qui ont conscience de la pénibilité du travail de l’enseignant à qui on en demande toujours plus avec des moyens toujours plus réduits. Ce qui est tout à fait déplorable c’est cette presse que l’on fait contre l’enseignant. Le nombre d’heures réalisé, les jours de vacances, les heures supplémentaires… Tout est mis en œuvre pour discréditer et le jeune MACRON excelle dans cet exercice.  
 
Ce que l’on oublie c’est que le salaire des enseignants était, à la base, calculé sur 9 mois et payé sur 12. Rien n’a évolué depuis, du moins pas dans un sens positif. Des salaires qui stagnent depuis une dizaine d’années, voire qui régressent sous le poids des prélèvements toujours plus lourds, pas de mois supplémentaire, pas de coopérative ni de comité d’entreprise, pas de chèques ni de camps de vacances pour les enfants, pas de logements, pas de prime de transport, pas de prime de Noël, pas de chèque déjeuner, aucune reconnaissance sous quelque forme que ce soit… Par contre, dans beaucoup d’établissement, les enseignants doivent payer pour avoir accès à leur lieu de travail. On peut leur demander jusqu’à près de 100 € pour des clés et un bip de parking.
 
Que dire, que penser du cas suivant… Dans les dernières minutes d’une journée de 9 heures de cours imposée par la hiérarchie, bien que cela soit illégal, un enseignant est agressé physiquement par des élèves à qui il tournait le dos. Amené à l’hôpital, il est reçu par une équipe médicale spécialisée et le médecin le revoie chez lui avec un arrêt de travail.  Le lendemain matin, l’enseignant reçoit un coup de téléphone de son chef d’établissement qui lui reproche d’être rentré chez lui après avoir passé seulement quelques heures à l’hôpital. Le chef l’informe qu’il souhaitait une mise en observation car, selon lui, cet enseignant pourrait « faire une bêtise »… Devant l’incompréhension du professeur par rapport à la possible « bêtise », le chef d’établissement précise « Vous pourriez vous suicider. Vous comprenez, il faut que je me protège. Il faut que je pense à ma carrière. » L’agression n’est pas reconnue comme imputable au service… Les agressions, les accidents, les burn-out, ne sont jamais reconnus par l’Éducation Nationale.
 
Ce cas est bien réel. Nous le connaissons personnellement. Difficile aux enseignants, à cause de l’obligation de réserve et de discrétion professionnelle qui leur est imposé par la Loi, de dénoncer pareilles brimades, de balancer des noms. Et puis les conséquences sont terribles pour celui qui révèle les dysfonctionnements… Mais cela n’en reste pas moins vrai. Les blessures sont profondes et la confiance est brisée à jamais.
 
La politique du PAS DE VAGUE ! qui sévit dans les établissements, fracasse, brise, réduit au silence et détruit impitoyablement les victimes de la violence ordinaire qui s’est désormais installée les établissements scolaires. C’est le prix que payent au quotidien ces femmes et ces hommes qui, par passion et par conviction, animés du désir de transmettre du savoir et de belles valeurs à notre jeunesse, se lancent dans la carrière d’enseignant, pleins d’illusions, pleins de rêves. Des rêves qui tournent vite au cauchemar…
 
Qu’il est loin le temps de Pagnol ! On récompense les m’as-tu-vu, les brasseurs d’air, alors que ceux qui font leur travail avec conscience et respect sont traînés dans la boue. Certains sombrent dans le désespoir et se suicident.
 
Que se passe-t-il lorsque nous sommes confrontés brutalement à la mort d’un travailleur, qu’il soit enseignant, policier, ouvrier dans une usine, employé de Télécoms ou autre ?
 
Comme nous croulons sous les émissions abrutissantes et les « informations » catastrophe, nous avons peut-être un petit soubresaut de vague tristesse ou de colère. Mais nous oublions. Vite. Car tout va vite. D’autres « nouvelles » remplacent terriblement vite ces pertes humaines, ces vies brisées. On ne fait plus de deuil. Aussi, il faut oublier vite pour éviter de recevoir en pleine face la violence de la réalisation de notre impuissance face à cette énorme machine à broyer hommes, femmes et enfants, qu’est devenue notre société, sous l’impulsion de l’oligarchie qui tire les ficelles de nos petits politiciens dociles.
 
Et l’on fait tout pour nous faire oublier : spectacles, sports, attaques mesquines et lâches au moyen de petits mots assassins, d’insultes au quotidien : « sans dents », « gens qui ne sont rien »… Car toutes ces provocations ne sont que poudre aux yeux, c’est le cirque du panem et circenses des Romains qui avaient compris que pour que le peuple se tienne tranquille, il suffisait de l’occuper, de lui donner juste de quoi se nourrir et le divertissement des jeux du cirque… Aujourd’hui, le petit peuple est jeté dans l’arène pour son propre divertissement. Quelle perversité !
 
Notre petit chefaillon, MACRON, est passé maître dans l’art de cette politique perverse du détournement de l’attention. Pour nous aveugler, il s’érige contre le fait d’associer le mot pénibilité à celui de travail. Selon MACRON, cela donne le sentiment que le travail serait pénible. Mais tous ses grands mots, toutes ses phrases, tous ses arguments sont aussi creux et vide de sens que d’émotion, d’humanité. Celui qui « dirige » la France, celui qui a essuyé deux échecs successifs au concours d’entrée de l’Ecole Normale Supérieure à Paris, et qui pourtant nous insulte à tour de bras, celui qui dit froidement des ouvrières qu’elles « sont pour beaucoup illettrées », est tout simplement inculte.
 
Le travail est pénible. Donnez le choix à chaque individu et il cessera immédiatement de travailler pour poursuivre une passion. Selon les linguistes, le mot travail aurait plusieurs origines possibles. La plus connue est qu’il aurait évolué à partir du mot latin tripalium, instrument de torture à trois pieux largement utilisé au Moyen-Âge. D’autres linguistes supposent qu’il dérive d’un autre mot latin, trabs, qui nous a donné le mot entrave. L’entrave implique une notion d’asservissement, de privation de liberté et donc, une fois encore, de pénibilité. La Fontaine ne s’y est pas laissé prendre… Il commence sa célèbre fable Le laboureur et ses enfants par : « Travaillez, prenez de la peine… ». Tout est dit.
 
Que se passe-t-il véritablement dans nos écoles, nos collèges, nos lycées ?
 
Le travail des enseignants est pénible. Le Rectorat a un rôle de gestion lointain. Sur le terrain, des inspecteurs et des chefs d’établissements nommés par le lointain Ministère font alliance pour « évaluer » les enseignants lors des « rendez-vous de carrière ». Les chefs d’établissement deviennent donc de véritables patriarches romains qui ont droit de vie et de mort professionnelle des enseignants qui tombent sous leur coupe. Beaucoup sont despotiques, voire même tyranniques. Que peut espérer l’enseignant dont nous parlions plus haut ? Rien que du sang, de la sueur et beaucoup de larmes… Flattez, flagornez, vous évoluerez. Faites votre travail en conscience, tentez d’éveiller les esprits, vous serez lapidé. « L’orgueilleux aime la présence des parasites, des flatteurs, et il déteste celle des gens de cœur. » (Baruch Spinoza, Éthique,1677).
 
Le plus gros budget de l’État devrait être celui de l’Éducation Nationale. Or, on constate tous les jours que notre jeunesse, cette jeunesse qui est la richesse et l’avenir de notre pays, est sacrifiée. Le retard pris par les enfants commence dès maternelle… Le classement PISA 2018 place la France en 26ème position ! Nous sommes loin derrière les pays d’Extrême-Orient, loin derrière le Canada, la Belgique et le Royaume Uni !  Il est temps de revaloriser le métier d’enseignant dont plus personne ne veut, temps de mettre en place du soutien et de vraies formations, temps de cesser la suppression des postes, temps de cesser de vouloir gérer les établissements scolaires comme s’ils étaient des entreprises. Il est temps de prendre conscience qu’ils sont un investissement. Sans culture, nous fonçons aveuglément vers la décadence.
 
Souhaitons que les paroles du Recteur de l’Académie de Clermont-Ferrand, Karim BENMILOUD, ne soient pas vaines… «  On ne veut pas éluder nos responsabilités. Et nous les prendrons si l’enquête met au jour un problème dans la chaîne hiérarchique . » Belles paroles… Mais seront-elles suivies d’action ? Souhaitons que justice soit faite et que s’ouvre surtout un vrai débat, une vraie et profonde réflexion sur notre système éducatif. 

Avec la nouvelle GRH de proximité (Gestion des Ressources Humaines) qui se déploie cette année scolaire 2019/2020 dans les Académies, on peut craindre le pire. Les enseignants vont-ils continuer à être considérés comme de simples exécutants qui n’ont le droit et le devoir que de se taire et subir les « réformes » qui leur sont imposées ? Affaire à suivre.

 

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