Abdoul Bakari et Youssouf Mhadjou collectionnent les records. A peine 47 ans à deux ; 36 voitures cassées et cambriolées en 4 mois (de septembre 2013 à janvier 2014) ; quelques dizaines de mentions à leur CV judiciaire. Et aussi le fait de n’être guère futés car les policiers de Saint-Pierre ont eu vite faite de mettre fin à leurs « exploits ».
Leur constance impressionne et il faut saluer leur obstination dans l’effort. Ainsi Youssouf a-t-il cassé et pillé pas moins de 15 véhicules dans la seule nuit du 10 au 11 janvier dernier. Le Guiness of Records n’est pas loin.
Ils ne paient pas de mine, petits, malingres, mais ont le verbe haut et la répartie facile.
Abdoul compte déjà cinq années de prison ferme pour vols aggravés, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, recel, vols, violences aggravées prononcées par le tribunal de Mamoudzou. Son dalon Youssouf est comptable de toute une litanie de vols, violences aggravées, violences physiques sur son frère handicapé, menaces de mort et détériorations diverses.
Leur défense se résume à : « Il faut bien vivre ! » Autrement dit, ils ont éclaté des portières de voitures et volé ce qu’ils trouvaient à l’intérieur pour se nourrir. Ce qui laisse perplexe quand on connaît la solidarité inhérente aux familles mahoraises et comoriennes chez qui personne ne dort dehors ni ne meurt de faim.
Si Abdoul n’admet que « quelques casses » (« Je ne peux pas payer pour les autres ! »), Youssouf reconnaît tout ce qu’on veut. Il peut difficilement dire le contraire étant donné les nombreuses empreintes digitales et traces de sang laissées sur les vitres brisées et portières tordues de la région Saint-Pierre/Terre-Sainte.
Quelques perles relevées au cours de l’audience : « Je n’étais pas avec lui ; c’est lui qui était avec moi ! »… « On cassait les vitres avec les brise-vitres qu’on a volés dans les bus »… « Ca se trouve facilement dans la cité. On se les prête »… Abdoul : « On m’a transféré de la prison de Mamoudzou à ici mais je n’ai rien demandé, moi ! »… Le même : « Je viens de finir un contrat à la mairie »… Youssouf : « Je signe un contrat avec la mairie demain »…
On a déjà tant entendu de justiciables se prévaloir, dans cette enceinte, de contrats (réels) avec la mairie, que c’en est à se demander si celle-ci n’est pas une annexe de l’ANPE spéciale « hôtel » de Cayenne !
« On s’excuserait presque, a ironisé le procureur Zuchowicz, qu’ils soient contraints de casser des voitures pour vivre. Mais les faits sont parlants. Ainsi Youssouf a-t-il cassé des voitures avant de passer devant ce tribunal, il y a peu, et a récidivé à peine dehors. Les avertissements et sursis ne servent donc à rien ».
L’accusateur avait requis 24 mois fermes pour chacun. Le tribunal leur en a infligé 18 par personne, avec obligation de formation professionnelle, indemnisation des victimes (avec quoi ?), interdiction de se fréquenter et de détenir une arme.
Une autre interdiction est plus surprenante et c’est la première fois que nous l’entendons : « Interdiction de fréquenter le boulevard Hubert-Delisle de Saint-Pierre » !!!
Le lieu de plaisir le plus fréquenté des fins de semaines créoles serait-il en train de détrôner en dangerosité les faubourgs de Manille ? Faut avouer, au vu des derniers épisodes sanglants…
Vieux routiers de la correctionnelle, ils ont pourtant tenté de s’insurger à l’énoncé du jugement. Ce à quoi la présidente Pétureaux a sèchement répliqué : « On ne se moque pas de la loi. Le verdict est définitif, il n’y a plus à ajouter quoi que ce soit. Vous le méritez bien ! » Na !
