Il n’y a pas eu beaucoup d’arrêts de jeu hier au tribunal correctionnel de Saint-Pierre. Un marathon de plus de 11 heures d’audience. Dès le matin, le procès prend du retard. Nathalie Ramage, la présidente du tribunal tente de presser les différents protagonistes, elle veut finir le boulot dans le journée. Pas de bol, la présumée vétusté du système de sonorisation de la salle d’audience commence à foirer. Résultat, plus de micro ; Le "proc" coupe la climatisation qui fait trop de bruit, lui non plus n’entend pas les prévenus et témoins qui s’enchaînent à la barre. Il est pourtant à quelques mètres…
Garde à vue annulée
On entend pas toujours, il fait un peu chaud mais la situation n’entame pas l’ardeur des avocats. Chacun veut intervenir. Ils ont tous un objectif commun, la relaxe de leur client. Du coup, ils ne se tirent pas trop dans les pattes entre eux, il ont un viseur commun : le procureur. A l’arrivée, Raphaël Balland requiert 6 mois de prison avec sursis, un an d’inéligibilité et 15.000 euros d’amende contre Claude Hoarau, le maire de Saint-Louis, pour discrimination. Ça, c’est pour la premier dossier, celui pour lequel le docteur Badamia est co-prévenu pour avoir dealé son ralliement contre quelques emplois à ses militants ou co-listiés.
Médecin à Saint-Louis, le "doc" est mal à l’aise pendant tout l’audience : "j’ai pas fait toutes ces années d’étude pour me retrouver devant un tribunal", regrette-t-il. L’ambiance se corse lorsque le procureur lui demande s’il a dit la vérité lors de sa garde à vue. "Non, ne répondez pas", s’insurge son conseil. "C’est de la provocation", renchérit Alain Rapady qui défend Yannick Payet-Fontaine en compagnie de Maître Brossolet, qui n’est autre que l’avocat de Dominique de Villepin. Un peu plus tôt dans la matinée, les deux hommes sont parvenus à faire annuler la garde à vue. En gros, on en parle plus dans le débat. Le parquet n’aura pas de réponse, Krishna Badamia écoute le conseil des avocats, motus.
Mais au final, le Vice-procureur a le dernier mot et requiert deux mois de prisons avec sursis, un an d’inéligibilité et 15.000 euros d’amende contre le docteur Badamia, pour complicité de discrimination ; un an d’inéligibilité, 45.000 euros d’amende contre Yannick Payet-Fontaine, accusé d’avoir été pistonné à un poste de la mairie. Ce n’est pas de la discrimination expliquent Claude Hoarau et son avocat, Maître Rémi Boniface (voir la Vidéo).
Le Gavroche de Saint-Denis, "le maire qui pêche par son bon cœur"
La journée a continué avec "l’affaire Sabrina Etang-Sale". Dans ce deuxième dossier, le parquet a requis trois années d’inéligibilité, 20.000 euros d’amendes et 18 mois de prison avec sursis à l’encontre de Claude Hoarau ; Le ministère public a aussi demandé un an d’inéligibilité et six mois de prison avec sursis pour Jeanine Gédéas, l’adjointe au maire en charge du logement.
Pour se défendre, à la barre, Claude Hoarau s’est qualifié de "Gavroche de Saint-Denis (…) une fois de plus le maire a péché par son bon cœur". Il expliquera notamment que le positionnement de Sabrina Etang-Sale était une déchirure pour lui. Il souhaitait "récupérer la brebis égarée", Sabrina Etang-Sale étant originaire d’une famille de sympathisants communistes, elle s’était égarée en supportant Cyrille Hamilcaro…
"Ils veulent éliminer de la vie politique Cyrille Hamilcaro et Claude Hoarau"
Le procureur a enfin requis 12 mois de prison avec sursis, trois ans d’inéligibilité et 10 à 15 mille euros d’amende contre Jo Coupaye, le directeur de cabinet, poursuivi pour prise illégale d’intérêts et achat de voix. Il a embauché ses frères et sœurs dans divers services de la mairie avant même d’être lui-même à la mairie. Son avocat, le bâtonnier Georges-André Hoarau, a volé à son secours, notamment lorsque Raphaël Balland a voulu savoir si son client tutoyait ou vouvoyait Sabrina Etang-Sale. Réponse de l’intéressé : "Ensemble on parlait créole". "En créole on peut dire ‘zot’, il n’y a pas de ‘tu’ ou de ‘vous’ dans le créole", s’étonne le bâtonnier qui ne comprends pas comment ont été traduits les enregistrements accusateurs de Sabrina Etang-Sale, du créole au français. Il s’en donne à cœur joie lors de la récréation de 20 minutes accordée par la présidente du tribunal.
Les délibérés sont attendus pour le 13 octobre prochain. A la fin de la journée, au vu des réquisitions du ministère public, Rémi Boniface a conclu : "ils y en a qui veulent éliminer de la vie politique Cyrille Hamilcaro et Claude Hoarau".