
“Des arbitrages ne sont pas aboutis, notamment au niveau du Parlement européen”, a-t-il évoqué. En effet, le parlement européen a tenu hier soir encore une session plénière alors que son budget 2020 n’est pas encore validé, ni par le Parlement ni par le Conseil européen. En fonction de ce qui sera acté, "cela impactera les politiques des régions. Nous sommes nous aussi en attente d’arbitrages”, a-t-il tenu à cadrer.
Au niveau national, le même schéma est en oeuvre puisque le projet de loi de finances 2020 est toujours en navette entre les deux hémicycles du Parlement. Didier Robert attend là aussi les arbitrages financiers du Gouvernement, éventuellement amendés, “pour que nous puissions nous aussi stabiliser le projet de budget régional”.
A ce stade, ces orientations budgétaires 2020 sont déjà marquées par ce que la Région qualifie de “désengagements de l’Etat”, au nombre de huit en tout, et “préjudiciables à La Réunion”.
La Région parle de "discrimination de l’État" concernant la continuité
Parmi ces coupes sombres revient en premier lieu, dans le discours de la présidence régionale, la “baisse cumulée des dotations de l’État de 50% sur la période 2014-2017”. Aujourd’hui, cette dotation globale de fonctionnement ne représente qu’environ 14% du total des recettes régionales.
L’autre point d’achoppement entre la collectivité et le gouvernement se joue sur le plan de la continuité territoriale.
La Région a rappelé qu’elle “palliait le retrait de l’État sur une compétence pourtant propre afin de ne pas pénaliser les Réunionnais” alors que perdure une “immense disparité” entre les territoires insulaires. Ainsi, l’État verse une dotation financière à la Corse de 143 millions d’euros en 2018 et 28 millions à Saint-Pierre et Miquelon pendant que La Réunion en est “totalement dépourvue”, déplorent les élus régionaux.
Le coup de gueule de la Région avant même la venue du président de la République en octobre avait déjà fait évoluer le rapport de force. La collectivité a soumis à l’État un nouveau conventionnement pour permettre de répartir les dépenses liées à la continuité territoriale. L’État s’était ainsi engagé, dans un courrier adressé le 16 octobre, à financer 200.000 bons de continuité pour les populations ultra-marines. À titre d’information, le dispositif de continuité représente un budget de 50 millions d’euros par an pour la Région.
D’autres incertitudes guettent la politique régionale pour l’exercice budgétaire à venir. La Région reste sur ses gardes en vue de nouveaux transferts de compétences. La première concerne la compétence “information sur les métiers et les formations au service de l’orientation des publics scolaires, apprentis et étudiants”. Un transfert qui constituera donc une nouvelle charge à compter de l’exercice 2020 pour la collectivité alors que dans le même temps, elle devra composer avec la suppression de la taxe sur les permis de conduire et la perte de la compétence “Apprentissage”. Ces deux lignes budgétaires représentent respectivement 1,6 et 25 millions d’euros de recettes en moins pour la Région.
Une “impasse budgétaire” selon Huguette Bello
L’examen des OB a également été l’occasion pour l’exécutif de contredire les critiques sur sa gestion comptable, les rangs de l’opposition fustigeant une “impasse budgétaire” dixit Huguette Bello.
“Les taux d’épargne de la Région sont autour de 20%, ce qui correspond à pouvoir dégager une épargne brute (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement, ndlr) de plus de 120 millions d’euros. Ce niveau d’épargne brute est constant depuis 2010”, s’en est félicité Didier Robert. Un matelas qui permet à la collectivité régionale d’avoir une marge de manoeuvre en propre et de “garantir une crédibilité vis-à-vis de nos partenaires financiers”, a-t-il ajouté avant de donner la parole à l’opposition.
“Je n’ai pas votre optimisme”, a commenté Huguette Bello, remontée. “L’annulation de l’assemblée sans aucune explication est inédite. Cela montre dans quel flou se trouve aujourd’hui la collectivité”. Selon la tête de file de l’opposition, “tous les indicateurs sont au rouge. C’est la pyramide qui s’écroule”. Elle en veut notamment pour preuve l’explosion de la dette entre 2015 et 2018, s’appuyant sur un récent rapport de la Chambre régionale des Comptes.
“Avec un bond de 108%, La Réunion devient la région la plus endettée de France. On est endetté à hauteur de 1,3 milliard d’euros, c’est plus que le budget en cours qui est à 1,1 milliard d’euros, c’est inquiétant”, blâme la conseillère du Rassemblement.
“Vous êtes rattrapé par la réalité budgétaire. Vous vous rendez sans doute compte de l’impasse dans laquelle vous avez mis La Réunion. Cela n’indique rien de bon pour les entreprises réunionnaises et pour les familles qui sont dans la difficulté. Vous n’avez plus les moyens de mettre en oeuvre les politiques publiques (...) La capacité d’investissement de la Région est fortement amoindrie. La Réunion fait partie de la minorité des régions où l’épargne nette a fondu entre 2017 et 2019”, sermonne-t-elle encore. Autant de fragilités qui vont, selon l’élue, faire pâtir d’autres secteurs comme la formation ou la lutte contre l’illettrisme. Et Huguette Bello de vilipender : “Là où vous passez, les collectivités trépassent !”.
“Difficile de continuer à faire la cigale”, raille de son côté Karine Nabénésa (La Réunion en marche). “La Région a-t-elle encore la capacité à mener à bon port ce qu’elle projette ?”, questionne l’élue, reprochant au président des “années de navigation à vue. La Région bateau fou, ousa son capitaine i sa rale à nous ? Avez-vous le droit à toutes les largesses que vous vous octroyez dans les satellites ?”, a-t-elle critiqué.
A 15H45, après 6H d'un débat (commencé à 9H30) consacré aux seules orientations budgétaires, l'assemblée a enfin entamé l'affaire numéro 2 inscrite à l'ordre du jour.