
Des fidèles devant un temple tamoul orné de bananiers et de fleurs à Saint-Paul (carte postale datant du début du 20ème siècle, collection Arno Bazin dans le volume 4 de la série de livres "C'était hier" de Daniel Vaxelaire aux éditions Orphie)
J’en ai parlé hier avec mon cardiologue, Indien d’origine, sympa aussi, et qui m’a semblé tout heureux de causer…
Je lui appris que dans cette île, pour 99% des gens, l’immigration indienne était cantonnée aux Engagés arrivés après 1948, soit après l’Abolition. Je suis pour la connaissance de notre Histoire, y compris dans le détail.
Contrairement à une idée trop répandue, la mixité ethnique dont nous sommes fiers, n’est pas du tout récente. Elle remonte même aux premiers temps de notre aventure bourbonnaise.
Regnault et ses 20 premiers Français n’étaient pas sans compagnie féminine mais les seules femmes présentes à partir de 1663 étaient des Malgaches pas prêtes, mais alors là, pas du tout, à s’unir avec les colons blancs.
Pour ces derniers, drame évident : comment fonder une descendance quand on n’a pas de femme ? Ce qui suggéra une idée au gouverneur Flacourt (je crois) : chercher des femmes volontaires.
Des émissaires « enrôlèrent » alors celles que l’on a appelées les « Indos-Portugaises », en réalité de vraies Indiennes, issues des comptoirs portugais de l’Inde, Goa par exemple. Ce qui explique que notre métissage remontât aux tous premiers temps de notre Histoire. Ce fut la première vague.
Puis vint celle de l’engagisme, celle de soi-disant travailleurs payés (hum !). Ces travailleurs des champs et usines furent, dans la réalité, moins bien traités que les anciens esclaves, sous le fumeux prétexte qu’ils étaient payés (payés une misère) et donc devaient se des…der seuls pour se soigner par exemple. Mais ils résistèrent admirablement à ces conditions inhumaines et c’est tant mieux !
Troisième vague, nos Zarabs. Ainsi surnommés pour la seule raison qu’ils étaient de confession musulmane, il ne s’agissait pourtant que de vrais Indiens venus du Gujarat.
Quatrième vague, les Indiens du Nord. On reconnaît aisément leurs descendants par leur patronyme, qui se termine par « sing », Gokalsing, Darsanesing, etc.
La 5è vague indienne est sans doute la moins connue de tous.
En 1964, la France restitua à l’Union indienne ses cinq derniers comptoirs indiens. On les apprenait par coeur au lycée : Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor, Yanaon.
Nombre de Français d’origine indienne issus de ces endroits, débarquèrent chez nous.
Les potes de ma génération se rappellent certainement de « monsieur » Paul, surveillant général à Leconte-de-Lisle, un homme d’une rare gentillesse et d’une très grande érudition. Faisant tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter la vie des pensionnaires du vieux LLL.
Ce mélange ethnique si harmonieux a eu une conséquence inattendue avec la naissance d’une cuisine créole ne ressemblant à aucune autre. Avant l’arrivée des Indiens, la cuisine bourbonnaise était relativement monotone avec des rôtis juste agrémentés de poivre.
Les Indiens ont apporté le mélange, oignons, ail, piment, calou pilé, cumin, gingembre…
Un détail qui va vous amuser : les chefs cuisiniers des grands propriétaires terriens furent très vite des Indiens. Parce qu’ils étaient les meilleurs.
Ce sont eux qui ont créé un des plats les plus fameux, l’un des moins connus aussi, le poisson aux fines herbes. Un des moins connus parce que ce bestiau, à chair très fine, hantait les étangs et cours d’eau autour des grandes plantations, étang de Bois-Rouge, étang du Gol, rivière Saint-Jean… Interdiction faite aux employés des champs et usines de pêcher ces gouramiers, privilège dévolu aux « gros » Blancs. Mais la recette, elle, est bel et bien indienne.
Plus tard, les Chinois ont ajouté leur immense savoir-faire à cette cuisine entièrement issue de l’immigration. Les Malgaches et les Africains également mais si notre cuisine réunionnaise a pris un tour nouveau, ce fut d’abord grâce aux Indiens.
Ce n’est pas, et de loin, tout ce qu’ils nous ont légué. Il y a aussi le culte des Ancêtres, la faculté de dominer ses sentiments, le respect de la parole donnée, l’amour de la différence…
A une prochaine fois !
Je lui appris que dans cette île, pour 99% des gens, l’immigration indienne était cantonnée aux Engagés arrivés après 1948, soit après l’Abolition. Je suis pour la connaissance de notre Histoire, y compris dans le détail.
Contrairement à une idée trop répandue, la mixité ethnique dont nous sommes fiers, n’est pas du tout récente. Elle remonte même aux premiers temps de notre aventure bourbonnaise.
Regnault et ses 20 premiers Français n’étaient pas sans compagnie féminine mais les seules femmes présentes à partir de 1663 étaient des Malgaches pas prêtes, mais alors là, pas du tout, à s’unir avec les colons blancs.
Pour ces derniers, drame évident : comment fonder une descendance quand on n’a pas de femme ? Ce qui suggéra une idée au gouverneur Flacourt (je crois) : chercher des femmes volontaires.
Des émissaires « enrôlèrent » alors celles que l’on a appelées les « Indos-Portugaises », en réalité de vraies Indiennes, issues des comptoirs portugais de l’Inde, Goa par exemple. Ce qui explique que notre métissage remontât aux tous premiers temps de notre Histoire. Ce fut la première vague.
Puis vint celle de l’engagisme, celle de soi-disant travailleurs payés (hum !). Ces travailleurs des champs et usines furent, dans la réalité, moins bien traités que les anciens esclaves, sous le fumeux prétexte qu’ils étaient payés (payés une misère) et donc devaient se des…der seuls pour se soigner par exemple. Mais ils résistèrent admirablement à ces conditions inhumaines et c’est tant mieux !
Troisième vague, nos Zarabs. Ainsi surnommés pour la seule raison qu’ils étaient de confession musulmane, il ne s’agissait pourtant que de vrais Indiens venus du Gujarat.
Quatrième vague, les Indiens du Nord. On reconnaît aisément leurs descendants par leur patronyme, qui se termine par « sing », Gokalsing, Darsanesing, etc.
La 5è vague indienne est sans doute la moins connue de tous.
En 1964, la France restitua à l’Union indienne ses cinq derniers comptoirs indiens. On les apprenait par coeur au lycée : Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor, Yanaon.
Nombre de Français d’origine indienne issus de ces endroits, débarquèrent chez nous.
Les potes de ma génération se rappellent certainement de « monsieur » Paul, surveillant général à Leconte-de-Lisle, un homme d’une rare gentillesse et d’une très grande érudition. Faisant tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter la vie des pensionnaires du vieux LLL.
Ce mélange ethnique si harmonieux a eu une conséquence inattendue avec la naissance d’une cuisine créole ne ressemblant à aucune autre. Avant l’arrivée des Indiens, la cuisine bourbonnaise était relativement monotone avec des rôtis juste agrémentés de poivre.
Les Indiens ont apporté le mélange, oignons, ail, piment, calou pilé, cumin, gingembre…
Un détail qui va vous amuser : les chefs cuisiniers des grands propriétaires terriens furent très vite des Indiens. Parce qu’ils étaient les meilleurs.
Ce sont eux qui ont créé un des plats les plus fameux, l’un des moins connus aussi, le poisson aux fines herbes. Un des moins connus parce que ce bestiau, à chair très fine, hantait les étangs et cours d’eau autour des grandes plantations, étang de Bois-Rouge, étang du Gol, rivière Saint-Jean… Interdiction faite aux employés des champs et usines de pêcher ces gouramiers, privilège dévolu aux « gros » Blancs. Mais la recette, elle, est bel et bien indienne.
Plus tard, les Chinois ont ajouté leur immense savoir-faire à cette cuisine entièrement issue de l’immigration. Les Malgaches et les Africains également mais si notre cuisine réunionnaise a pris un tour nouveau, ce fut d’abord grâce aux Indiens.
Ce n’est pas, et de loin, tout ce qu’ils nous ont légué. Il y a aussi le culte des Ancêtres, la faculté de dominer ses sentiments, le respect de la parole donnée, l’amour de la différence…
A une prochaine fois !