En 1825, François Fitau et Guillaume Caillot, propriétaires terriens et Jean-Baptiste Laffon, notaire forment la société Fitau-Caillot-Laffon. Cette société se porte acquéreur de l’habitation de Vue Belle. Puis entre 1825 et 1830, achète des terres et domaines des alentours appartenant aux familles Bédier, Lebreton, Dennemond, Crescence et Félicité.
Les vastes territoires couverts de forêts, d’arbres endémiques sont déboisés à grand renfort d’esclaves pour être replantés par de vastes champs de cannes à sucre. Le roseau s’acclimate bien à l’altitude qui est d’environ 500 mètres, et la récolte incite les propriétaires de Vue Belle à faire construire une et même plusieurs fabriques à sucre.
La chaleur, les moustiques et le paludisme présents sur le littoral poussent les colons à s’installer sur les hauteurs. Les écarts de Saint-Paul comme Bellemène, Saint-Gilles les hauts et la Saline, et Trois-Bassins, se peuplent de plus en plus. Alors que les gros propriétaires construisent leurs maisons près des champs de cannes, les magasins, les entrepôts demeurent à Saint-Paul, ce qui est plus commode pour le commerce.
Ces planteurs sont la plupart du temps, propriétaires voire actionnaires des Marines qui couvrent la baie de Saint-Paul. Ces marines exportent le sucre et les autres productions, directement vers la France par des navires à fort tonnage mais aussi vers les autres zones de l’île puisque les paysages escarpés ne permettent pas un passage facile. Le transport des marchandises et des voyageurs se font par voie maritime.
Stanislas Gimart et Joseph Wetzell inventent des machines à vapeur qui sont expérimentées dans les usines de la famille Desbassayns. De plus, les procédés nouveaux de plantation que Mme Desbassayns à Saint-Gilles les Hauts et ses fils, Charles et Joseph, à la Rivière des Pluies et au Chaudron ont tenté, donnent des idées aux sucriers des hauts. Planter plus pour produire plus. En effet, plusieurs méthodes de plantations sont expérimentées, dont la jachère. La société Fitau-Caillot-Laffon qui devient la société Fitau-Schneider en 1944, agrandit encore son domaine de Vue Belle. Entre 1840 et 1850, viennent s’y ajouter les terrains des familles Ker Anval, Jacob, Masselin et enfin celles de Barrois-Fonville.
Cependant, « Le 16 novembre 1857, l’heure est grave. Le borer est entré à la Réunion et menace les champs de canne. Chenille troueuse à 16 pattes savamment appelé Procera Sacchariphagus, le ver fut introduit à Maurice dans un chargement de cannes en provenance de Ceylan. Malgré la destruction du chargement, des boutures avaient déjà été imprudemment prélevées et plantées. Le borer menaça tout l’édifice économique mauricien et ne tarda pas à apparaître à la Réunion. Découvert sur le terrain Gillot l’Etang (à Sainte-Marie), la menace s’étendit comme une traînée de poudre : sur la propriété de Lepervanche-Mézières à Sainte-Suzanne, chez Bellier Beaumont à la Rivière-des-Pluies… Une mobilisation générale fut déclenchée et une grande campagne d’information lancée… le feu constituait la solution radicale pour tuer les œufs, la chenille et le papillon ». Extraits de Rayonner Mario Serviable.
En 1863, en plus du Borer, le Choléra gagne l’île et provoque la crise sucrière. Joseph Lelièvre, époux de Virginie Fitau devient propriétaire de Vue Belle en 1865. Il fait reconstruire l’usine et profite pour la rénover en l’équipant des machines modernes et engage des prêts auprès du Crédit Foncier Colonial. Malgré des pompes qui amènent l’eau depuis la ravine la plus proche, le problème d’eau est latent. Deux grosses citernes sont construites pour alimenter l’usine qui ne peut fonctionner sans eau.
Vue Belle devient une unité de production importante dans la région Ouest puisque l’usine fabrique 400 tonnes de sucre par an. Mais en 1872, Joseph Lelièvre également propriétaire des sucreries de Grand-Fond (route du théâtre) et des Filaos à Saint-Gilles les Bains est en difficulté financière, laisse Vue Belle au Crédit Foncier Colonial.
Malgré un redémarrage de sa production de sucre vers les années 1920, l’usine passe aux mains de la Sucrière d’Outre-mer. Sa production baisse et l’usine périclite doucement, jusqu’à son rachat en 1970 par les Sucreries de Bourbon (devenue CBo Territoriat) dont le président directeur général est alors Emile Hugot.
La production sucrière de l’usine n’est pas suffisante, l’usine ferme ses portes en 1970 et son quota de cannes à broyer est transféré vers l’usine de Savanna et ses machines vers celle des Grand-Bois. Plusieurs tentatives de réhabilitation ont été faites; de fabrique de spiritueux vers les années 1990, elle devient centre nautique en 2005. Un restaurant s’est installé dans les locaux de l’ancienne distillerie. La balance à cannes a été opérationnelle jusqu’en 2006.
La cheminée de l’ancienne usine de Vue Belle est inscrite à l’inventaire des monuments historiques.
Sources :
– Alexis Miranville – Saint-Paul de la réunion- Histoire et mutations d’une petite ville coloniale L’Harmattan-2001 –
– Un livre d’histoire à ciel ouvert – clicanoo.com – 11 mai 2008
– Mario Serviable – Rayonner, 1995, Océan éditions