Vont-ils avoir aussi la peau du Théâtre d’Azur ?
Il y a eu jusqu’à 30 troupes de théâtre dans l’île. De tout genre. Il n’en reste plus qu’une, le Théâtre d’Azur. Qui voit peut-être ses derniers jours si rien n’est fait dans l’urgence. Hier, François Folio organisait une conférence de presse pour expliquer ce qui l’amènera sous peu à mettre la clef sous la porte.
Et comme on n’obligera jamais notre ami à la fermer, il a dit ce qu’il pensait de la politique culturelle dans l’île… à supposer qu’elle existe. Et ce qu’il pense du personnel soi-disant responsable. Pas triste malgré les circonstances.
La « culture-hamburger »
Des esprits grincheux pourraient demander : « Pourquoi veulent-ils une subvention ? Après tout, « ils » ont choisi la culture, non ? »
Réponse simple : dans un si petit territoire, avec si peu de public potentiel, aucun aspect culturel ne peut se passer de subventions. Qu’il s’agisse de littérature, théâtre, sculpture, peinture, musique, aucune activité culturelle ne permet d’en vivre, aucune ! Beaucoup ont essayé, tous se sont plantés. François Folio est le seul à avoir tenté, contre vents et marées, de faire vivre un Théâtre d’Azur avec un peu de subventions mais beaucoup d’abnégation et d’huile de coude.
Ce qui rapporte réellement de l’argent, aujourd’hui, c’est « la culture hamburger » : vite faite, vite consommée, vite régurgitée. Ce sont par exemple les musiques débilo-crétines enregistrées par certaines radios que je ne nommerai pas (ce serait lui faire trop d’honneur), des ségas dont on aura oublié la première note demain mais que le public écoute la bouche en cul-de-poule. Pendant ce temps, ces mêmes auditeurs ne savent plus qui sont Luc Donat, Claude Vinh-San, Roger Ebrard, les Jokarys… Honteux !
TAZ 1.000 euro mais Me Gim’s 50.000 !
Sous la mandature régionale de Paul Vergès, TAZ (le Théâtre d’Azur) percevait 46.000 euros mensuels, de quoi assurer les frais fixes et accorder un peu de trésorerie, un peu d’air. Avec Didier Robert, on tombe à 8.000 euros. Le département ? Du temps d’Eric Boyer, c’était tout bon. Avec Nassimah, c’est 1.000 euros annuels.
Prends ça po toué et bouch’ ton guèl !
Pendant le même temps, il n’y a guère, on a accordé 300.000 euros à Meddy Gerville. Grand musicien, soit ! Tant mieux pour lui, soit encore ! Mais pour faire quoi ? Qu’en est-il sorti de concret en faveur de la Culture ? Rien !
De la Culture, vous en aurez en veux-tu en-voilà sous peu. Alléluhia ! Maître Gim’s arrive, nous lé sauvé. Lui, on lui casquera 50.000 euros par représentation. Ca c’est de la Culture !
Culture-prétexte : la récup’ politique
Pourtant, voici en quelques chiffres ce qu’est TAZ : 32 années de vie de bâton de chaise mais d’existence quand-même ; 79 créations dont plus de 20 originales ; Sitarane, Ti Krévèr, Proverbes créoles, Des souris et des hommes, Médée, Molière, Anouilh, etc. ; représentations dans toute l’île ; dont des représentations sac à dos dans Mafate…
Apparemment, tout le monde s’en fout ! Et surtout nos dignes élus et représentants de tout bord. Savez-vous que le théâtre de Louis Jessu n’a pu exister que grâce au Foyer Saint-Jacques et au père Grienenberger ? Déjà, à l’époque, pas un centime d’aide, pas vrai Lolo ?
Savez-vous que l’énorme travail accompli par le regretté Baguette a été salement récupéré par un Leu Festival quelconque ? Il doit méchamment s’en retourner dans sa tombe, notre ami.
Car la récupération culturelle a toujours été à l’ordre du jour : un excellent prétexte pour s’adresser aux électeurs que représentent les amateurs de musique, de livres, de sculpture…
Leur culture ? Des voyages 5 étoiles en pagaille !
Au département, la Culture, c’est zéro : cela ne représente AUCUN intérêt à leurs yeux. Même pas un pet de lapin, ce qui est pour le moins curieux de la part d’une présidente soi-disant lettrée.
À la Région, on en a plein la bouche des fumeuses Cases à Lire qui n’ont pas fait baisser le nombre des illettrés d’une seule unité ! Cela a coûté des dizaines de millions pour quelques dizaines de fréquentations. Mais ça fait bien dans le tableau.
L’argent régional a également servi à payer moult voyages à un « adjoint culturel » dans les hôtels 5 étoiles d’Australie (avec ses amis, allons donc !). Un adjoint qui avouait devant caméras ne jamais lire un livre. Mais que foutait-il donc là ?
Ah si ! l’argent régional a également été utilisé pour expédier des conseillers régionaux et leur suite (nombreuse) à Avignon. Ne leur demandez pas quand, ni ce qu’ils ont vu, ni ce que cela a rapporté à la culture réunionnaise : ils y sont allés, point. Avec hôtels 5 étoiles là encore. Y’a pas d’mal à s’faire du bien !
« Panem et circenses »
Cet adjoint ci-dessus cité et qui abhorrait les livres, n’est pas un cas unique. Telle commune du grand Sud a eu comme adjoint aux affaires culturelles : une dame qui a viré Talipot sous prétexte que son directeur avait mauvais caractère ; puis un politicien d’opposition pour le remercier de son ralliement ; et enfin un clavériste adepte du kayambé, qui avait soi-disant bonne presse à Bois-d’Olive et vient de se faire virer comme un malpropre aux législatives.
Dans le même temps, cette commune a réussi à dégoûter un vrai directeur des services culturels. Pas l’échine assez souple sans doute ?
On en revient alors au « panem et circenses » de la Rome antique pour distraire le bon peuple : le départ du Grand Raid, un Festival musical komkifo aux circonstances financières plus que troubles mais sans intervenant local… Faut-il que j’insiste ?
Une mort programmée !
Pendant ce temps encore, le Théâtre des Sables d’Etang-Salé sert aux réunions politiques des copains du maire. C’est sa vocation, ça ?
Pendant ce temps, une candidate tamponnaise soutenue par les Robert/Fontaine et consorts, adjointe à la Région, accepte de recevoir Folio dans un meeting législatif et verse de chaudes larmes sur son sort. « Je m’en occupe. Je vous rappelle demain ». C’était il y a une semaine. Rappelé ? Tiens, fume !
Pendant ce temps, pour tenter un dernier coup de sauver ce qui peut l’être, François et le TAZ donnent des cours de théâtre aux collégiens. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? Il y a pourtant une vraie demande, un réel engouement pour cette activité extra-scolaire qui « colle » si bien aux programmes littéraires de la 4ème à la terminale. Encore une bonne chose foutue !
Le Théâtre d’Azur n’a plus de bus pour ses déplacements professionnels ; plus d’électricité sous peu ; plus d’assurance professionnelle : les huissiers, qui se foutent de la Culture comme de la 1è chemise de Roland Fontaine, ont saisi le compte bancaire.
« Faudra-t-il que j’implore une souscription auprès de notre public ? » se demande, tête basse, notre ami François.
J’avoue que j’en ai chialé. Je n’aime pas voir mes amis dans la cagade. Personne n’aime ça!