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Un salaire de ministre à Sainte-Marie ?

Quand le gouvernement Raffarin a décidé en 2002 d’augmenter de plus de 70% le traitement des ministres, à la suite de la suppression par Lionel Jospin des sulfureux fonds spéciaux, que n’a-t-on entendu ! On entérinait une situation illégale, on versait dans un élitisme Napoléonien indécent, on creusait encore le fossé entre « les Français d’en-bas » […]

Ecrit par Renaud Daron – le mardi 18 mai 2010 à 10H51

Quand le gouvernement Raffarin a décidé en 2002 d’augmenter de plus de 70% le traitement des ministres, à la suite de la suppression par Lionel Jospin des sulfureux fonds spéciaux, que n’a-t-on entendu ! On entérinait une situation illégale, on versait dans un élitisme Napoléonien indécent, on creusait encore le fossé entre « les Français d’en-bas » et ceux « d’en haut » etc.

Que dire alors du DGS (directeur général des services) de Sainte-Marie, commune d’environ 35.000 habitants, qui, selon l’opposition socialiste locale, percevrait la coquette somme de 13.950 euros mensuels, soit 500 euros de plus qu’un ministre d’État ? On en reste interdit ; ou perplexe, c’est selon.

Et pourtant, si l’on se fie aux écrits de l’opposant municipal Christian Annette (« journal de l’opposition socialiste à Sainte-Marie » d’avril 2010), Jocelyn Trulès, administrateur territorial de la Cinor détaché en qualité de DGS à Sainte-Marie, percevrait un traitement mensuel de 9.800 euros net auquel s’ajouterait une prime annuelle de 49.800 euros (soit 4.150 euros par mois).

Une embauche illégale ?

De plus, Christian Annette, qui a saisi le tribunal administratif, souligne un état de fait étonnant : Jocelyn Trulès, de par sa qualité d’administrateur territorial (cadre A), ne devrait pas pouvoir travailler pour une commune de moins de 40.000 habitants. C’est en effet ce que dit en substance l’article 2 du décret n°87-1097 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d’emplois des administrateurs territoriaux (version consolidée au 1er mars 2009).

Contacté à ce sujet, le DGS de Sainte-Marie a démenti formellement le montant de son traitement et l’illégalité que constituerait, selon Christian Annette, son embauche à Sainte-Marie. En revanche, il confirme être le bénéficiaire de la prime annuelle de 49.800 euros. Et quand on lui demande s’il estime la mériter, le DGS répond sans ambages : « Ce n’est pas moi qui me suis accordé cette prime. Si le conseil municipal a pris cette décision, c’est que je devais la mériter, non ? » A titre indicatif, il faut savoir que le montant de cette prime constitue le plafond de la prime de fonction et de résultat susceptible d’être attribué à un administrateur tel que Jocelyn Trulès (arrêté du 9 octobre 2009 portant extension de la prime de fonction et de résultats au corps des administrateurs civils).

Sur le montant de son traitement, Jocelyn Trulès dément catégoriquement les affirmations de Christian Annette : « Monsieur Annette fait un amalgame douteux entre bulletin de paie et compte administratif. A-t-il vu ma fiche de paie, au moins ? »

S’agissant du fait qu’il occupe un poste de DGS dans une commune de moins de 40.000 habitants, Jocelyn Trulès se montre en revanche moins percutant. Il explique qu’il « n’a pas été embauché en tant qu’administrateur territorial mais en qualité de directeur général des services. Une commune de moins de 40.000 habitants peut très bien recruter un DGS appartenant au corps des administrateurs civils sans pour autant créer un poste d’administrateur. »

Une prime indue ?

Dès lors, une question taraude : comment donc Jocelyn Trulès, détaché de la Cinor à la commune de Sainte-Marie en tant que DGS, peut-il être éligible à une prime de 49.800 euros… réservée au corps des administrateurs ? Comment être et ne pas être à la fois ? Jocelyn Trulès jouerait-il sur les deux tableaux, profitant d’avantages réservés aux administrateurs d’une part et aux DGS d’autre part ?

En réalité, il semblerait que l’équipe de Jean-Louis Lagourgue ait trouvé une parade destinée à paralyser les effets du décret de 1987 cité plus haut : le détachement du fonctionnaire d’une collectivité à une autre. Le tribunal administratif ayant été saisi de ce point, il faudra attendre sa décision pour porter une appréciation sur la légalité de la situation de Jocelyn Trulès à la mairie de Sainte-Marie. Sachant que contrairement à ce qu’insinuait Jocelyn Trulès lorsque nous l’avons contacté, aucune jurisprudence n’est établie en la matière.

Cependant, l’on peut d’ores et déjà s’interroger sur l’opportunité d’embaucher dans une commune de taille modeste -et en période de crise- un fonctionnaire rémunéré à ce niveau, si tant est que les allégations de Christian Annette soient exactes. D’aucuns évoquent le « blindage » du salaire de l’administrateur détaché en qualité de DGS avant qu’il ne trouve son cadre d’emploi à la Cinor, et la grille indiciaire qui va avec…

En outre, si la rémunération de Jocelyn Trulès s’avérait dépasser les seuils réglementaires (fixés au regard du nombre d’habitants de la commune), que ce soit à titre d’administrateur ou à titre de DGS, la Trésorerie Générale, tenue au contrôle de légalité lorsqu’elle paie les fonctionnaires, aurait dû opposer son véto.

Enfin, si un recours a été déposé par Christian Annette devant le tribunal administratif afin de contester la légalité de l’embauche de Jocelyn Trulès, de son côté, le DGS de Sainte-Marie nous a fait connaître son intention de porter plainte pour diffamation contre l’opposant socialiste. L’ambiance risque d’être tendue lors des prochains conseils municipaux…  

 

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