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St-Pierre: Plage en danger de disparition

"Le Battant des Lames", c'est le nom de cet hôtel 3 étoiles en chantier sur la plage de Saint-Pierre. Difficile dans ce cas d'envisager de l'implanter du côté montagne du boulevard Hubert Delisle. Nous avons voulu confronter la réalité de ce chantier, forcément pourvoyeur d'emplois durables dans l'hôtellerie et du renforcement évident de l'attractivité touristique de la ville, à l'état des connaissances scientifiques en matière d'érosion des plages. Nous avons posé la question à un scientifique, spécialiste en sédimentologie et hydrodynamique littorale. De son côté, la mairie défend, en toute logique, son rôle de simple service instructeur pour une construction voulue par un privé.

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 25 septembre 2014 à 07H30

Zinfos974 : Que vous inspire la vision de ces murs de clôture d’habitations en face desquels la plage est coupée en deux ?

Roland Troadec, géologue : Un mur en haute plage empêche tout échange sableux entre l’arrière-plage, la plage et l’avant-plage. Ce qu’on appelle l’avant-plage, c’est la partie qui est toujours sous l’eau. Ces trois compartiments sont liés et les gens ne le savent pas. D’une manière générale, amputer la plage de son compartiment d’arrière-plage conduit au déséquilibre de la plage, surtout dans une zone où elle a déjà du mal à se défendre contre les houles et courants du lagon.

Comment la plage pourrait se défendre sans l’intervention humaine ?
Pour qu’elle fonctionne à l’équilibre, il lui faut donc ses trois compartiments : l’arrière-plage, la plage et l’avant-plage. Ici, la plage peut aussi se reconstituer en bénéficiant d’apports naturels de sédiments issus de la partie nord correspondant à la plage de Ravine blanche, mais ça ne fera que déplacer le problème et fragiliser cette plage à son tour. A plus ou moins long terme, on peut craindre qu’il n’y ait plus de plage au pied de l’hôtel. 


Est-il dommageable de voir sortir de terre un tel ouvrage en connaissant le danger du phénomène d’érosion ?

Ces impacts liés à l’urbanisation des arrières-plages sont des choses dénoncées, scientifiquement, depuis les années 90. Mais le désir de rentabilité immédiate, du développement économique, prend le pas sur celui de la protection. La Réunion peut-elle se permettre ce calcul conduisant à bétonner ses plages à la « manière espagnole » et mettre ainsi des segments de côte attractifs en péril face à l’érosion marine ? 


A vous entendre, c’est une question de choix entre le court et le long terme qui s’opère dans pareille situation ?

Les risques et les conséquences ne peuvent plus être ignorés avec les connaissances d’aujourd’hui. Mais il y a ce calcul économique qui est parfois pris où on en arrive à décider de passer outre les précautions élémentaires et autres recommandations. Avant, on avait l’excuse de ne pas tout connaître mais plus maintenant. Un exemple : avec les connaissances d’aujourd’hui, on ne creuserait pas le Port Ouest là où il a été creusé par exemple.



Question piège peut-être : combien d’années, de décennies, donnez-vous pour que la plage disparaisse à son tour au droit du mur de l’hôtel ?
Il semble que cette partie de plage puisse bénéficier d’apports épisodiques issus du secteur de Ravine blanche au nord. Il serait aussi important de connaître la situation de ce haut de plage avant la mise en place de ce chantier. En particulier était-il sans construction, c’est-à-dire avec une arrière-plage disponible ? Si c’était le cas, une érosion significative conditionnée par le nouvel ouvrage pourrait se développer assez vite. La réduction des stocks sédimentaires sera importante en quelques cycles de tempêtes mais ne sera pas forcément totale. 


 

Zinfos974 : Etait-il opportun d’autoriser et donc de délivrer un permis de construire en bord de plage avec les connaissances qui sont les nôtres en 2014 ?


David Lorion, adjoint à l’urbanisme en 2012 et actuel adjoint à l’aménagement durable du territoire : Ce n’est pas une question d’opportunité. Pour un permis de construire, c’est la loi qui fixe les règles. Le permis de construire est instruit en fonction de ce que ce cadre permet. Après, un permis est toujours accordé sous réserve du droit des tiers*. Ce qui veut dire qu’il revient à toute personne (généralement les voisins, ndlr) contestant cette construction de saisir le tribunal.

J’imagine bien qu’une telle construction respecte le cadre légal mais n’était-il pas possible pour la mairie de formuler une sorte de veto, de moratoire, au regard de l’exemple tout proche de maisons en face desquelles la plage a disparu ?
Toutes les maisons qui se trouvent le long de la côte ont entraîné l’érosion de la plage. Mais est-ce que vous pensez que le propriétaire du terrain n’était pas en droit de construire sur son terrain ?

Ni le PLU, ni le plan de prévention des risques ne s’y opposaient ?
Cette construction respecte le PLU et la loi.

Quel est l’historique de cette parcelle ? Un propriétaire a-t-il vendu les lieux à un promoteur ?
Non, le propriétaire a décidé lui même de faire construire un hôtel. Il n’y a pas eu d’achat.

Y-avait-il une maison à cet emplacement à l’époque ?
Il y en avait une.

En tant que géographe, ça ne vous attriste pas de voir que le même scénario d’érosion risque de se produire d’ici 20 ou 30 ans ?
Que je sois géographe ou pas ne modifie pas l’application de la réglementation. Les sentiments n’entrent pas en jeu. Avec M. Troadec, qui est un collègue de l’Université, nous avons travaillé ensemble sur l’aménagement du jardin de la plage sur le front de mer de Saint-Pierre. On est donc très sensible à ce sujet. Mais dans ce cas, la parcelle est dans la continuité des constructions existantes. Il revient au législateur d’agir.

—–
* Des précisions sur le terme de « permis délivré sous réserve du droit des tiers » : Toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé (notamment les règles de servitude) peut faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme.

 

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