Il y a embouteillage sur les maigres vagues de cette matinée sur le spot de la Pointe des Trois-Bassins. « Ce n’est presque rien, des fois on se marche dessus. Aujourd’hui, les vagues sont faibles, il y a surtout les écoles de surf. Personnellement je ne rentrerai pas à l’eau aujourd’hui », lance Eric*, un surfeur chamboulé dans ses habitudes.
« A cette heure-ci, (il est presque midi) je file toujours prendre des vagues après le boulot. Y’a pas mieux ». Mais sa bonne humeur laisse aussi transparaître une certaine résignation. « J’ai toujours surfé à Boucan », témoigne-t-il. Aujourd’hui encore, et malgré le fait qu’il ait fait le déplacement, en simple observateur, le jeune homme ne se mouillera pas. « Depuis septembre, j’ai surfé qu’une seule fois. Une seule fois en presque trois mois ! ». Il n’en revient pas lui-même.
Du paddle en lieu et place du bodyboard
Trois-Bassins est un choix par défaut. « L’accueil à Saint-Leu a été plutôt froid » reconnaît le sportif occasionnel. A deux pas d’Eric qui continue de scruter les vagues, Bernard* sort lui de l’eau. Sans difficulté, il avouera qu’il a dû sacrifier sa préférence pour le bodyboard sur l’hôtel de la sécurité.
En ouvrant sa voiture pour y ranger ses affaires et y fixer sur le toit sa planche, il montre des yeux le gabarit de celle-ci: « Moi, c’est simple, j’ai préféré arrêter le body. Désormais je fais du paddle (comprendre du stand up paddle qui se pratique debout sur une planche plus volumineuse et avec pagaie) ». La raison tient finalement à peu de choses mais ramène inévitablement au sujet de la menace du prédateur des océans.
« Il y a moins de chance qu’un requin attaque une planche de cette envergure », est obligé de reconnaitre le néo-converti. Quand ce n’est pas la localisation, l’accueil, ou le choix de la pratique, qui motive les derniers pratiquants de sports de glisse, c’est la configuration du spot qui emporte la décision.
« Je n’aime pas la configuration du spot de l’Etang-Salé », dira notre premier interlocuteur Eric. Une question de distance avec le bord. « Là-bas, on se sent assez loin de tout quand on pratique. S’il t’arrive un truc, t’auras du mal à être vu », poursuit-il. Sans compter sur les nombreuses alertes aux squales données depuis début 2011 sur la plage au sable noir. Rien de rassurant en somme.
Les pêcheurs en préventive ?
« Trois-Bassins, c’est vraiment le dernier lieu où l’on peut pratiquer tranquille », juge Nicolas*, un autre surfeur qui range son matériel près de son fourgon. D’ailleurs, comme une évidence, sur le parking qui domine la plage se trouvent désormais des fourgonettes d’écoles de surf venues de la zone balnéaire.
Dans les souvenirs du surfeur, la seule fois où un requin ait été aperçu ici remonte à la fin des années 90. L’année restera évasive, « 97 ou 98 ». J’étais là, on voyait l’aileron passer au large. Dans la discussion, les regards glissent sur la droite du spot. Au moins sept ou huit pêcheurs traditionnels s’avancent sans crainte, eau jusqu’à la ceinture, en face de l’embouchure de la ravine. Font-ils un travail salutaire comme le souhaitent d’ailleurs de nombreuses personnes demandant à ce que la Réserve marine soit de nouveau accessible à la pratique. « Là où il y a des pêcheurs, il y a aussi des poissons », conçoit le surfeur qui reste décidément lucide dans sa pratique. Plus question de se mettre à l’eau sans un minimum de sécurité. Mais la Pointe des Trois-Bassins ne saurait sans doute les contenter plus que ça. Retrouveront-ils un spot sécurisé, et dans quel délai, à Boucan ou à Roches noires prochainement se demandent-ils.
* prénoms d’emprunt