« Lurel nous a dit de faire un effort. Mais on a montré lors du grand débat (ndlr: sur la formation des prix des carburants à la Réunion) que l’on était incapables de le faire« , explique Goulam Akbaraly, secrétaire du syndicat des gérants de stations-service. « On ne peut pas aller au-delà de ce que l’on fait aujourd’hui (ndlr: les gérants n’ont pas renégocié leurs marges depuis 2009)« , ajoute-t-il. Hier, le ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, a renvoyé dos à dos pétroliers et gérants pour qu’ils trouvent une solution afin d’arriver à une baisse équivalente à celle au niveau national (- 6 centimes) sur le prix des carburants.
La crainte des gérants viendrait d’un changement dans la structure des prix. « Si la structure des prix change, nos contrats deviennent caducs et peuvent être modifiés au bon vouloir des pétroliers. Et si le système ne devient plus rentable, ils peuvent tout arrêter« , lâche-t-il. Le ministre de l’Outre-mer voudrait changer le décret de 2010 portant sur la fixation et l’encadrement des prix des hydrocarbures à la Réunion. « Nous jouons un rôle de lien social à la Réunion. Si demain le mécanisme de régulation est supprimé, tout le système explose. Les pétroliers pourront faire la pluie et le beau temps. Il n’y aura plus de structure des prix et ces derniers seront décidés uniquement par les pétroliers« , prévient Goulam Akbaraly. Pour rappel, ce décret fixe notamment les marges des importateurs et des distributeurs.
« Les grands perdants dans cette histoire seront les Réunionnais »
« Si demain on donne une partie de notre marge, on procède à un plan social de masse« , prévient-il. Mais au-delà de l’emploi, plus de 1.500 postes de pompiste en jeu dans les différentes stations de l’île, c’est bien tout ce que connaissent les automobilistes réunionnais qui pourrait disparaitre à terme. « En plus du problème d’emploi, les prix n’étant plus régulés ils pourront être libres dans les stations, rien n’empêchera un pétrolier de vendre à 1,70 euro son litre de sans-plomb le lundi et le lendemain à 1,80 euro. Les stations dans les hauts disparaitront car elles vendront plus cher que sur les axes fréquentés« , souligne le secrétaire du syndicat des gérants de stations-service. Les petits groupes pétroliers comme Engen ou Tamoil pratiqueront des « prix plus chers » car ils ne pourront pas « s’approvisionner » en quantité importante comme Total ou la SRPP (Elf et Shell), selon lui. « Vous aurez un litre de gasoil à 1,30 euro chez moi ou à 1,25 euro chez le voisin. Chez qui allez-vous vous rendre ? Beaucoup de gérants mettront la clé sous la porte et les seules qui subsisteront seront les stations sur les quatre-voies« , explique-t-il.
« Les grands perdants dans cette histoire seront les Réunionnais« , rappelle-t-il. Pourtant, lors du grand débat sur les carburants, l’ensemble des acteurs invités autour de la table n’avaient pas remis en cause le système de distribution réunionnais: « Le modèle de distribution local, basé sur un réseau dense de stations-service et laissant perdurer la fonction de pompiste notamment, semble devoir être défendu. (…) Au vu du contexte de l’emploi à la Réunion et du coût élevé pour la collectivité que représenterait la libéralisation des prix des carburants, tous les acteurs du secteur et participants du débat s’opposent à la modification du système en place et préconisent le maintien de la réglementation des prix« , pouvait-on lire dans les conclusions.
Le ministre de l’Outre-mer semble ne pas avoir tenu compte des conclusions et préconise une réforme en profondeur du décret de 2010.