Après une enfance heureuse à Pondichéry où il est né, Selvam Chanemougame voit sa vie basculer en 1967 quand son père, alors fonctionnaire à l’administration des impôts est muté à la Réunion. Avec pour tout bagage quatre valises en carton, le premier contact avec la nouvelle mère patrie pour la petite famille va se cantonner à l’hôtel de l’Europe à Saint-Denis, le temps pour le jeune garçon de s’adapter.
Ne parlant pas français, l’intégration dans le milieu scolaire n’est pas aisée. L’entrée en CE2 avec deux années de retard n’entame en rien la volonté du jeune pondichérien qui s’accroche. Le soutien de monsieur Sébastien, professeur originaire de sa ville natale le confortera grandement dans sa volonté de réussir à tel point que bien plus tard il décochera son diplôme à la faculté de médecine de Marseille. Une ville qu’il a beaucoup apprécié pendant ses longues années d’études, mais où il lui manquait quelque chose.
« C’est à Marseille que j’ai pris conscience que mon indianité réunionnaise me manquait, et c’est là que j’ai eu envie de renouer avec mon héritage. Je me suis rendu compte que j’avais perdu beaucoup de mes valeurs spirituelles, et j’éprouvais le besoin de me ressourcer. J’allais régulièrement à la fac de lettres pour étudier la mythologie tamoule avec d’autres étudiants réunionnais. Cela nous plaisait de pouvoir échanger, et de parler de notre richesse culturelle« .
Reconnaissance de la culture tamoule
C’est de là qu’est née l’idée de créer un mouvement populaire dans toute l’île au delà des querelles associatives : En 1989, Selvam Chanemougame fait partie des fondateurs de l’Association Tamij Sangam avec Jean Luc Daly, et sont à l’origine de nombreuses actions en faveur de la diffusion et la reconnaissance de la culture tamoule. Selvam Chanemougame est aussi co-fondateur du Groupe de dialogue interreligieux et est un fervent défenseur de l’interculturalité pour « le vivre ensemble » à La Réunion afin de transmettre et partager l’identité tamoule.
« Notre idée était de rassembler et toucher chaque individu afin de lui apporter cette fierté d’être issu d’une grande civilisation millénaire, de s’approprier nos propres valeurs philosophiques, culturelles et spirituelles et surtout, c’est bien là l’essentiel de les partager avec l’ensemble des réunionnais, sans distinction« .
Marié à Sarasvady (déesse des arts), originaire de Pondichéry, Selvam Chanemougame retourne régulièrement dans la ville qui l’a vu naître, afin de se ressourcer et de voir sa belle famille avec qui il tisse des liens étroits.
» Pour moi, ce retour aux sources me permet d’éviter la rupture généalogique. Mes enfants m’accompagnent de temps en temps afin qu’ils se familiarisent avec un environnement parfois difficile. J’ai besoin de m’imbiber de cette atmosphère si particulière, de me retrouver avec la réalité de la dureté de l’Inde. Il faut savoir dépasser ces aspects pour vivre pleinement notre indianité, savoir apprécier la spiritualité et vivre le respect des aînés.
Chaque fois que je reviens chez ma belle mère, Sarodja, aujourd’hui âgée de 75 ans, je mesure la chance que j’ai de pouvoir vivre ces instants. J’ai aujourd’hui beaucoup moins d’appréhension pour vivre à l’indienne, réapprendre les gestes traditionnels. J’ai besoin de revenir à Pondichéry pour me ressourcer, me déconnecter de ma vie réunionnaise, de m’isoler de mon monde occidental ; Je suis dans l’immensité indienne, dans l’océan Indien… »