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Sans parents et gravement malades, ces enfants sans papiers soignés par le CHU Réunion

De la naissance jusqu'à l'adolescence, La Réunion accueille des enfants gravement malades exilés de Mayotte ou des Comores. Sans papiers ou ayant d'autres enfants à charge, les parents, dans la moitié des cas, ne peuvent pas accompagner l'enfant. Une séparation, certes difficile pour l'adulte, mais qui présente un risque sanitaire pour l'enfant. Des dispositifs proposés par le CHU de La Réunion ont pour objectif de combler le vide.

Ecrit par zinfos974 – le lundi 31 juillet 2017 à 14H31

Ils sont seuls, sans parents et souvent, gravement malades. Ces enfants arrivés de Mayotte en évacuation sanitaire au CHU de La Réunion sont nombreux, chaque année, à venir se faire soigner à La Réunion. En 2016, ils étaient 170 sans leurs parents, sur les 350 mineurs arrivés. Une prise en charge honorable de la part de la France mais qui ne permet pas toujours aux parents de suivre. En effet, l’évacuation sanitaire (EVASAN) permet à l’enfant malade de faire le voyage Mayotte – Réunion pour se faire soigner ; le plateau technique de Mayotte n’étant pas aussi complet que le nôtre. Ces mineurs isolés étrangers (MIE) viennent parfois directement de Mayotte. Dans d’autres cas, ils sont arrivés à Mayotte par EVASAN des Comores, souvent de façon illégale en kwassa kwassa. Pour la plupart, sans papiers, ils profitent donc d’un laissez-passer sanitaire pour arriver jusqu’à La Réunion.
 
Mais pour le parent qui souhaite rester aux côtés de son enfant, ce n’est pas si simple. Certains travaillent, d’autres ont plusieurs enfants à élever et bon nombre n’ont pas de papiers. Dans le meilleur des cas, selon l’association La Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués), le parent venu des Comores qui peut bénéficier d’une APS (Autorisation provisoire de séjour) ou d’un titre de séjour pour rester à Mayotte, doit néanmoins refaire la demande pour pouvoir se rendre à La Réunion. Et tout cela prend du temps. C’est le cas d’Amal*, mère d’un petit garçon de 3 ans et demi.

 

« Le premier médecin d’un enfant, c’est sa maman »
 
Elle raconte : « On a découvert qu’il avait une anémie (carence de globules rouge, ndlr) à l’âge de 5 mois, en 2014. Après avoir passé deux semaines à l’hôpital à Mayotte, il a été envoyé à La Réunion et je ne l’ai pas vu pendant trois mois ». « L’horreur », décrit-elle. Elle dit avoir appelé le service pédiatrie tous les jours pour prendre des nouvelles de son fils.

« Un enfant de 5 mois a besoin du sein de sa maman. Et le premier médecin de l’enfant, c’est sa maman », se permet-elle d’ajouter, au vu de l’amélioration de sa prise de traitement et de sa santé à partir du moment où il a retrouvé sa mère. Ils ont ensuite pu rentrer à Mayotte mais alors que le petit avait un an, ses problèmes de santé lui ont valu une nouvelle hospitalisation à La Réunion et une nouvelle séparation de trois mois d’avec sa mère.

Cela fait aujourd’hui deux ans qu’elle habite à La Réunion sans rentrer chez elle, aux Comores, où se trouvent son mari et sa fille de 5 ans. « Elle ne connaît pas son frère, explique Amal, elle avait 2 ans quand il est parti. Et mon fils n’a jamais revu son père ». Des séparations au sein de la famille « très douloureuses » à vivre, ajoute-t-elle, une main sur le cœur, les larmes aux yeux, « mais je ne peux pas laisser mon enfant ».
 
Les médecins ne peuvent pour le moment pas prédire leur retour à Mayotte, malgré un traitement quotidien qui améliore la santé du petit. Elle bénéficie aujourd’hui d’une APS de six mois mais n’a aucun revenu. Amal habite dans une maison d’accueil hospitalière (MAH) à Bellepierre, de l’association Maison des Parents de l’océan Indien, qui accueille en priorité les parents d’enfants malades. Si cela lui permet de se nourrir et de se loger, elle ne reçoit aucune aide et ne peut pas travailler, faute de garderie pour son enfant. « On ne peut pas s’acheter d’habits, ni utiliser les transports publics car tout ça coûte de l’argent », explique-t-elle. Il en serait de même pour les soins médicaux : elle explique être couverte par la Sécurité sociale, à 70%, et avoir l’obligation de régler le reste. Pour son fils, la couverture serait à 100% pour tout soin lié à sa maladie. Pour tout autre maladie, il n’aurait pas la couverture de la Sécu. Ce n’est qu’en août, alors que son enfant sera scolarisé, qu’elle pourra espérer trouver du travail.
 
La situation d’Amal est pourtant l’une des meilleures. Faute de papiers ou de preuves de lien de parenté avec l’enfant, bon nombre de parents doivent voir leur enfant partir, seul, dans un pays étranger. Et les séjours à l’hôpital sont souvent longs: 4 à 5 fois plus longs, en moyenne, que ceux des enfants réunionnais.
 
Des marraines assurent que des enfants ne « meurent pas seuls »
 
Pour la Cimade, l’absence de délégation d’autorité parentale ne permet pas aux MIE de « bénéficier de la vigilance et du consentement aux soins ». D’un point de vue psychologique, « les longues hospitalisations inappropriées à leurs besoins d’enfants rend impossible une vie normale hors des murs de l’hôpital alors que leur état de santé peut-être suivi dans le cadre de soins ambulatoires ». Selon Régine Bonnet, coordinatrice de la mission parrainage de Médecins du monde à Saint-Denis, les MIE peuvent souffrir, à terme, d’hospitalisme. Il s’agit d’un état dépressif qui se développe chez un enfant lorsqu’il est séparé trop tôt et trop longtemps de sa mère.

Cette dépression peut entraîner, entre autres, des troubles du développement, notamment psychomoteur. D’où cette mission de parrainage qui consiste à proposer une marraine ou un parrain qui rend visite à un enfant hospitalisé trois fois par semaine, en liaison avec ses parents et en collaboration avec l’équipe de soins. Les parrains et marraines accompagnent parfois ces enfants « jusqu’à la fin » afin qu’ils « ne meurent pas seuls », en présence uniquement du personnel soignant de l’hôpital. Mais d’autres cas sont « des réussites ». Régine Bonnet expose le cas d’un petit garçon de 4 ans, né à La Réunion d’une mère sans papiers. Cette dernière a donc dû rentrer à Mayotte, alors qu’il était encore bébé, le laissant en soins au CHU de Bellepierre. Le petit, qui n’a donc jamais vu son père, ayant grandi à l’hôpital, a bénéficié des visites d’une marraine et a depuis été placé en famille d’accueil.

 

2000 jours d’hospitalisation à 2000 euros par jour
 
Cela fait presque un an que le dispositif de « familles d’accueil thérapeutique » a été mis en place par le CHU de La Réunion. L’objectif est de donner une vie de famille extérieure à celle de l’hôpital, lorsque l’hospitalisation n’est pas nécessaire. C’est le cas, selon Sabrina Wadel, directrice du service social du CHU, de 10 à 15 enfants par an. Et ça coûte cher. Le CHU compte environ 2000 jours d’hospitalisation inutile à 2000 euros par jour. Les familles d’accueil thérapeutique ont ainsi permis de diminuer ce nombre de 800 jours.

Mais ce dispositif sert avant tout à combattre l’hospitalisme de l’enfant en le plaçant dans une « famille aimante » tout en maintenant un lien constant avec les parents à Mayotte ou aux Comores. Le service dispose actuellement de six familles et neuf enfants sont sur liste d’attente. Ces familles ont été agréées par le Conseil départemental, puis par le CHU grâce à une équipe comprenant un pédiatre, un psychologue, une assistante sociale, une infirmière coordinatrice et un cadre. Elles ont ensuite suivi 60 heures de formation.
 
Évidemment, rien ne remplace un parent ; tous les professionnels de santé en sont conscients, malgré leurs efforts. La Cimade propose donc un retour aux cartes de séjour temporaire (CST) mention Vie privée et familiale, au lieu d’APS successives. C’est en effet en 2006 que ces APS de six mois ont été mises en place, permettant à un des deux parents de se rendre à La Réunion, sans le droit de travailler. Ce n’est que depuis le 1er janvier 2017 que le travail est permis. Selon la Cimade, les APS demeurent malgré tout moins intéressantes que les CST du fait de leur durée (six mois au lieu d’un an) et des conditions de leur délivrance, liées à l’appréciation médicale et non à l’intensité des liens personnels et familiaux en France (comme c’était le cas avec les CST).
 
Reste le problème des parents sans papiers qui se voient refuser toute forme de séjour à La Réunion. Selon la Cimade, les préfectures de La Réunion et de Mayotte se renvoient la balle.

*Prénom d’emprunt

 

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