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Réponse aux deux enquêtes publiques sur la Route en Mer, la première portant sur le domaine maritime, la seconde portant sur l’environnement (Loi sur l’eau)

1°) Enquête publique portant sur le Domaine Public Maritime (DPM) pour la Nouvelle Route en Mer (NRM). Le Domaine Public Maritime est l’interface soumise aux marées et à la houle, il est constamment remis en cause car le trait côtier est constamment modifié, ne serait-ce que par la montée des eaux et le changement climatique. […]

Ecrit par Bruno Bourgeon et Jean-Marc Tagliaferri, pour AID – le mardi 23 juillet 2013 à 09H36

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1°) Enquête publique portant sur le Domaine Public Maritime (DPM) pour la Nouvelle Route en Mer (NRM).

Le Domaine Public Maritime est l’interface soumise aux marées et à la houle, il est constamment remis en cause car le trait côtier est constamment modifié, ne serait-ce que par la montée des eaux et le changement climatique.

La Déclaration d’Utilité Publique de mars 2012 justifiait la demande d’occupation du DPM par le Conseil Régional, pour les travaux de la NRM, pour une durée illimitée (convention de concession), tant que l’utilisation et les travaux associés est assurée par ledit Conseil Régional.

A charge pour l’Etat la responsabilité de déconstruire et nettoyer ultérieurement. Ce refus de déconstruire un ouvrage en fin de vie par la Région n’est pas sérieux, et on peut craindre pour le patrimoine naturel, la biodiversité de la falaise, le paysage, l’environnement, et la sécurité de navigation.

Si l’on suit les recommandations du CNPN (Commission Nationale pour la Protection de la Nature), émanation du ministère de l’Ecologie, le schéma directeur de construction de la NRM doit passer par deux viaducs et une petite digue, et non le schéma préconisé à l’heure actuelle, à savoir un viaduc et deux digues dont une de 5 km. Les besoins en enrochements des deux schémas sont fondamentalement différents : le schéma actuel nécessite 18 millions de tonnes de roches, et de préférence des roches granitiques et non basaltiques, suffisamment solides, et dont La Réunion ne dispose pas.

Le deuxième schéma fait de deux viaducs ne nécessiterait plus « que » 10 millions de tonnes, et 6.4 millions de tonnes pour une version « tout viaduc ».

La NRM s’inscrit dans le plan de déplacement urbain (PDU), qui doit être compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT), le schéma d’aménagement régional (SAR), et doit avoir intégré les objectifs du Plan Climat Energie Territorial (PCET).

Or le SCOT est en cours d’élaboration, et le PCET en cours de discussion pour validation (les travaux de concertation publique ont eu lieu en mars 2013). De plus, le PDU doit rechercher la protection de l’environnement, la qualité de la vie, la rationalité de l’utilisation énergétique, et la maîtrise des impacts négatifs liés aux déplacements.

Or la NRM n’est qu’un hymne de plus chanté à Sainte-Automobile, et la consommation énergétique de La Réunion, est, on le sait, aux deux tiers liée aux déplacements (avions, 20% de ces deux tiers, automobiles, 75% de ces deux tiers, le reste étant les déplacements par bateaux). Et pour ce qui est de la préservation du paysage, de la maîtrise des impacts négatifs, des nuisances sonores, cette NRM ne respecte en rien ces objectifs.

Dans les motivations de la construction d’une NRM figurait le transport en Commun en Site Propre (TCSP), or il semblerait que les contraintes budgétaires aient amené la Région à ne plus devoir en tenir compte. Dès lors, cette argutie devient obsolète et enlève encore une raison à ce projet.

Le Grenelle I de l’environnement stipulait d’assurer une cohésion de l’ensemble des politiques de transport dans le respect des engagements écologiques en faisant évoluer les infrastructures et les comportements. Il est clair que la NRM ne répond pas à ces objectifs derechef.
Le Grenelle II proposait une valorisation écologique du paysage littoral. Le lagunage envisagé par la Région ne répond pas à notre attente, car les infrastructures et les interfaces terre-mer considérées comme écosystèmes sont indissociables.

Sur le plan environnemental, au niveau de la falaise, la dépopulation de la faune et les dommages engendrés à la flore par la construction de cette route seront irréparables.

Sur le plan géologique, si la hauteur du viaduc considère une houle cyclonique centennale, elle ne prend pas en compte un effondrement massif de la falaise (surtout si l’option digue est conservée), un tsunami gigantesque toujours possible dans cette partie du globe. Quant à la fiabilisation, nous restons persuadés de jours de fermeture persistants en cas de forte houle cyclonique ou de fortes pluies ou vents.

La problématique des carrières et celle de l’entrée des villes, à l’est comme à l’ouest, n’est toujours pas résolue. Nous avons l’impression que la charrue est mise avant les bœufs, et il y a fort à craindre que les motifs initiaux de la construction de cette NRM se soient tous liquéfiés. Le seul qui persiste est la préservation du risque d’effondrement massif de la falaise dans le cas de l’option tout viaduc.

2°) Enquête publique portant sur la Loi sur l’eau au sujet de la NRM

Cette enquête doit porter sur toutes les communes concernées de manière significative par les approvisionnements en provenance des carrières. Or l’enquête n’a considéré que les deux seules communes de La Possession et de Saint-Denis. Or Le Port, pour l’approvisionnement extérieur, Saint-Paul, Saint-André, Trois Bassins, par les carrières, sont également concernés. Or les sites définitifs de prélèvement de roches ne sont pas encore définitivement connus.

La Région n’a pas comptabilisé le coût de la déconstruction de la NRM dans 30 ans. Les impératifs environnementaux et paysagers, la préservation de la biodiversité, n’ont pas été suffisamment pris en compte, tels l’espace remarquable du littoral ou le banc des Lataniers.
Si l’importation de matériaux rocheux devait être envisagée faute de production locale de roches convenables, il faudrait également ne pas mésestimer le principe de précaution contre les éventuels parasites et pestes végétales invasives. Et le choix des viaducs est difficilement soutenable budgétairement.

Enfin l’impact sur les cétacés et delphinidés : ces mammifères marins communiquent entre eux par les sons, facilement transportés par l’eau (le son circule à 1500 m/s dans l’eau, 5 fois plus vite que dans l’air, et d’autant plus facilement que les fréquences sont basses). Les lois française et allemande imposent de ne pas dépasser 160 dB lors du battage des piles du viaduc à 750 m de distance. Or un battage, voire même un fonçage atténuant la portée du son, est de fréquence basse (dans les graves), et portera donc loin dans l’océan. Et la limite légale de 160 dB, loi faite pour des mers boréales, paraît disproportionnée à la richesse océanique des mers australes. 160 dB équivalent en effet à 10000 fois la puissance sonore d’un Boeing 747 au décollage.

Largement de quoi perturber le sens auditif et les repères acoustiques de nos cousins mammifères marins, et de les voir s’enfuir vers d’autres rivages à tout jamais, diminuant d’autant l’attrait touristique des eaux réunionnaises pendant l’hiver austral. Sans compter la destruction d’un écosystème unique et d’une part non négligeable de biodiversité. Enfin ces limites affichées seront-elles contrôlées ? Et par qui ?

3°) Divers

AID regrette en outre :
– L’absence d’élargissement de la concertation publique à toutes les communes de La Réunion, car tous les Réunionnais sont concernés ;
– L’incroyable réduction du temps imparti pour lire l’ensemble des dossiers, 1500 pages environ, en moins d’un mois, pour répondre point par point aux questions posées. Ce qui rendait cette tâche impossible pour l’ensemble de la population.

Nous demandons au Commissaire-Enquêteur de prolonger les délais de ces deux enquêtes publiques au regard de la quantité de documents à s’approprier pour y répondre, et d’étendre la concertation à l’ensemble des communes de l’ile.

En conclusion

AID qui s’était déjà prononcée , lors de la DUP de mars 2012, contre la mise en place d’un tel chantier, ne peut que réaffirmer sa position, au regard des deux enquêtes publiques en cours, et ce pour plusieurs raisons :
– L’argumentation initiale de la construction de cette route (sécurité-fiabilité-TCSP), qui s’appauvrit pour se néantiser au fil du temps, d’autant que des solutions alternatives existent mais n’ont pas été proposées à l’ensemble de la population ;
– L’abandon (semble-t-il) du TC en site propre et en tous cas un fort doute sur la faisabilité d’un train sur cet ouvrage
– Le rétrécissement des voies sur viaduc ;
– La disqualification, par le CNPN, de l’impact environnemental minimisé par la Région ;
– La non prise en compte des risques pour les cétacés et les delphinidés de les voir abandonner les eaux réunionnaises du fait de l’impact sonore des travaux ;
– Le budget hors d’échelle réunionnaise et donc soumis au bon vouloir national et européen pour en subventionner une partie avec le risque de dépassement entièrement à charge des réunionnais;
– Le non respect des ZNIEFF dans le choix des carrières envisagé ;
– Le non suivi des propositions des deux Grenelle environnementaux

En conséquence, nous disons NON à la Nouvelle Route en Mer, nous redisons notre souhait de voir se développer un transport en commun ferroviaire à La Réunion qui devra supporter le gros du trafic entre l’ouest et le nord.

La route actuelle peut être réparée et sécurisée, au même niveau que des centaines de kilomètres de routes nationales en métropole soumises elles aussi aux risques de chutes de pierre. L’effort le plus important se fera surtout en aménageant, le plus rapidement possible, l’entrée ouest de Saint Denis et en prenant des mesures d’exploitation interdisant le stationnement et les bouchons sous les parties dangereuses de la falaise en régulant le trafic à l’entrée en fonction du trafic en sortie et en limitant la vitesse de circulation.

En cas de danger, la RL sera fermée et la voie ferrée assurera la continuité du trafic.

La RD41 devra être remise en état pour assurer le passage de la faible fraction du trafic routier qui y sera déviée en cas de fermeture de la RL. Son trafic de transit sera allégé par des systèmes de desserte de la Montagne par des transports en commun (téléphériques, funiculaires, ascenseurs, navettes routières, véhicules en auto-partage).

L’évolution du climat menaçant l’actuelle RL, au même titre que l’urbanisation des côtes de la Réunion, il faudra que tous les documents d’urbanisme prévoient son remplacement par une voie desservant également la zone entre La Possession et Saint Denis et assurent la préservation des emprises nécessaires.

Il conviendrait également que la plus-value foncière qui existera le jour de la création de cette route soit mobilisée pour en assurer une partie du financement et la puissance publique doit donc s’assurer de la propriété du sol des zones en préemptant lors de toute transaction foncière dans la zone. Cela n’interdira pas l’urbanisation dans certaines zones mais les terrains ne seront pas vendus mais loués à bail de longue durée.

http://aid97400.lautre.net/spip.php?article1280

 

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