La problématique du diabète mobilise différentes instances, multiples acteurs, depuis de nombreuses années à la Réunion. En assemblée plénière du Ceser, hier matin, les élus ont présenté leur rapport sur cette question. La Réunion est particulièrement touchée par cette maladie. Une « épidémie » silencieuse qui touche environ 10% de la population (80.000 personnes) et fait de la Réunion, la première région française où l’on enregistre le plus de malades. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant, ramené au niveau mondial, puisque la Réunion se hisse à la 6ème place de ce triste classement. Au-delà du nombre de malades, le coût du diabète est à prendre en compte: 560 millions d’euros sont déboursés dans notre Département (14 milliards au niveau national).
Fort de ce constat, les élus du Ceser ont voulu présenter plusieurs propositions adressées à l’Etat, aux élus et collectivités ou encore au corps médical. Sous la présidence de Max Banon (Commission des affaires sociales, culturelles, sportives, solidarité et égalité des chances), un rapport de 34 pages a été soumis à l’ensemble des élus du Ceser. « Le débat doit continuer pour amplifier certaines actions à mener ensemble. C’est un dur combat, un défi lancé par rapport à cette maladie« , rappelle Max Banon. Ce dernier exhorte les élus réunionnais à prendre à bras-le-corps cet enjeu de santé publique.
« Le diabète est prémédité, programmé »
Le rapporteur, Théodore Hoarau, président de la Mutualité de la Réunion, tranche dans le vif. « Nous faisons un constat. Le diabète est la maladie des pauvres. Ce n’est pas une fatalité. Le diabète est prémédité, programmé« , lance-t-il. Pour alimenter son analyse, Théodore Hoarau avance plusieurs explications.
« Sur l’éducation ou encore la nutrition, l’attitude de l’Etat est condamnable. Un exemple, la loi Lurel sur les sodas et produits lactés n’est pas appliquée. Tout cela mène au surpoids, tout est programmé. Il y a un manque de dépistage sur cette maladie silencieuse (…). L’éducation thérapeutique du patient ne fonctionne pas car elle est totalement inadaptée. Le patient se sent isolé individuellement et collectivement« , poursuit-il.
Des lobbys trop présents
Visés également, les lobbys. Un exemple trouvé dans le rapport en est saisissant: « En métropole, les diabétiques sont censés être représentés et défendus par l’association française des diabétiques, dont les principaux sponsors sont la fondation Coca-Cola et plusieurs laboratoires pharmaceutiques« , peut-on lire.
Mais ces problèmes peuvent être solutionnés. Si Théodore Hoarau rend « hommage » au corps médical, il rappelle que tout doit être fait pour éviter la médicalisation du patient: « Je pense à un slogan. Un Réunionnais qui marche 30 minutes par jour à peu de chance d’avoir du diabète. Le diabétique qui marche 30 minutes par jour, a beaucoup de chance de ne pas avoir de complications« , propose-t-il.
Une « prime à l’observance »
Autre idée avancée par les élus de la commission en charge du rapport, une prime à l’observance. « Un diabétique qui ne se soigne pas coûte cher à la société. Pourquoi ne pas lancer une prime à l’observance. Si quelqu’un fait un effort pour améliorer sa santé, il fera du bien à tout le monde« , souligne-t-il. Reste à en connaitre les modalités.
Dans les rangs des élus, le travail fait par la commission est salué, mais certains termes employés ne trouvent pas l’adhésion escomptée. Plusieurs d’entre eux apportent leur soutien, mais trouvent le rapport trop « dramatisé« .
Quelques « réserves » sur le rapport
« Même si certains mots nécessaires sont forts, il ne faut pas dramatiser. J’émets quelques réserves à ce rapport. Ce travail est un réveil qui sonne tard, mais bien« , précise Alain Iglicki, ingénieur conseil régional en Prévention des Risques Professionnels à la CGSS .
Pour Christian Picard, élu au Ceser, une politique en matière de prévention du risque diabète existe. « L’Etat, la Région, le Rectorat donnent des moyens. Il y a une volonté de changer le comportement des enfants en leur faisant adopter une bonne nutrition. Mais elle se heurte à un problème, l’éducation au sein des familles« , explique-t-il.
Après avoir longuement débattu, le rapport a été adopté par les membres du Ceser. Ces derniers souhaitent faire du diabète une « cause régionale » au plan politique, sociétal et individuel. « Cela impliquerait l’engagement des élus, des entreprises, des associations, des soignants; la valorisation des efforts des malades et la lutte contre la précarité« , peut-on lire en conclusion du rapport.
Reste à savoir si la Région pourrait se saisir de cette « cause régionale » au même titre que la jeunesse, le tourisme ou encore la biodiversité.
En vidéo : Intervention de Théodore Hoarau, président de la Mutualité de la Réunion