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Pujadas face à Sarkozy sur France 2 : le journaliste a commis une faute professionnelle

LE PLUS. Nicolas Sarkozy était l'invité du 20 heures de France 2, mercredi 21 janvier. L'ancien chef de l'État y a listé quelques propositions pour lutter contre le terrorisme. Le présentateur de France 2 n'a pas fait honneur au journalisme et à l'interview politique.

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 23 janvier 2015 à 09H24

Contemplant l’entrevue Nicolas Sarkozy/David Pujadas, on a longtemps cru que France 2 avait décidé de rediffuser un journal télévisé de 2007. Ou 2008. Ou 2009. Ou 2010, 2011, 2012…

Sans les « questions » posées, en rapport avec l’actualité, on pouvait se méprendre, tant on avait le sentiment de renouer avec les interviews de complaisance qui sont la marque de fabrique journalistique de David Pujadas dès qu’il se retrouve face à Nicolas Sarkozy.

À quoi reconnait-on l’interview de complaisance, celui qui exhale la connivence et la révérence à chaque question posée ? En ce que les questions commencent le plus souvent par : « Que pensez-vous de », « Quel est votre regard sur… », « Comment jugez-vous ? »…

Le procédé est vieux comme le monde. On pose une question qui permet à l’interviewé de dire ce qu’il a envie de dire. L’important n’est pas de chercher une vérité, mais d’offrir à l’interlocuteur l’occasion de délivrer la sienne. Et tant pis s’il ment, on n’est pas là pour corriger, on est à la télé publique.

Pujadas ne fait pas son travail

Face à Nicolas Sarkozy, David Pujadas s’est surpassé, endossant sans broncher le costume de Michel Droit de l’ère information 2.0.

Première question :

« Que pensez-vous des mesures proposées par Manuel Valls pour lutter contre le terrorisme ? »

Réponse de Sarkozy : un dégagement en mode « John Wayne » dans « Les Bérets verts », avec « guerre de civilisations » proclamée toutes les trois secondes, affichage d’une volonté délibérée de sur-dramatiser ce qui est déjà dramatique. Sarkozy ne répond pas, en aucun cas, à la question, mais peu importe, Pujadas le laisse faire et laisse dire, qui décrète que ce que fait le gouvernement est insuffisant.

Au bout de longues minutes, Pujadas sort enfin de son long silence :

« On pourrait vous répondre que pendant votre quinquennat, le nombre de personnels de police et de gendarmerie avait diminué… »

Mais Sarkozy l’interrompt aussitôt : « C’est faux ! C’est totalement faux ! » Et Pujadas se tait. Et Pujadas laisse Sarkozy mentir (car Sarkozy ment). Et Pujadas ne fait pas son travail. Et Pujadas se moque de l’actionnaire téléspectateur qui lui paye son salaire pour le voir abimer le métier de journaliste.

Un renoncement au journalisme

Le plus cocasse, c’est que deux jours avant, dans le 20h de David Pujadas, les chiffres de la baisse des effectifs policiers et gendarmes sous le quinquennat Sarkozy ont été donnés aux téléspectateurs, dans ce qui est l’un des rares moments de pur journalisme du JT de 20 h « pujadasisé » de France 2, « L’œil du 20h ». Les vrais chiffres. La vraie baisse. Le vrai mensonge de Sarkozy démasqué.

Le moins que l’on peut attendre de Pujadas face au mensonge avéré de l’ancien président, c’est qu’il cite les chiffres, qu’il objecte à Sarkozy son rapport, une fois de plus, problématique à la vérité. Mais non. Rien ne vient. Rien n’est dit.

Pire encore, quand Sarkozy hésite, cherche ses mots, tel un vieil acteur qui oublie son texte, Pujadas joue les souffleurs, termine les phrases, complète les trous. Hallucinant spectacle. On pense à ce que disait Le Luron, imitant Giscard d’Estaing président se mettant en scène à la télévision, interrogé par des journalistes aux ordres :

« Ne donnez pas le sentiment aux Français que les questions sont préparées à l’avance… Du reste, n’allez pas croire que je connais les questions, je ne connais que les réponses. »

Au 20h de la deux, Pujadas connait les réponses mieux que Sarkozy. Mais n’allez pas croire que les questions sont préparées à l’avance.
Tout le reste de l’entretien procède de la même mécanique. Pujadas ne pose pas de questions, il évoque. Et Sarkozy se promène. En toute liberté.

Et Pujadas sert encore la soupe à Sarkozy en le lançant sur Manuel Valls qui a parlé d’un « Apartheid social ». Et Sarkozy démonte Valls : « Je suis consterné par ces propos ». Et Pujadas fait « oui-oui » de la tête. Et le Sarko-Show continue, comme en 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012… Et le téléspectateur est témoin du naufrage de Pujadas, de son renoncement au journalisme, de la connivence, de la révérence.

Un sidérant spectacle

Comment s’étonner que le JT de la deux soit de moins en moins regardé par les moins de 57 ans, gavés au fact-checking ? Ce n’est plus une interview que livre Pujadas, c’est une faute professionnelle doublée d’un accident industriel.

Dans un tel contexte, même la question, posée avec un luxe infini de précautions, sur le comportement de Nicolas Sarkozy lors de la marche républicaine, parait taillée sur mesure pour offrir à l’ancien président l’opportunité de livrer l’un de ses numéros les plus classiques, la fausse victimisation en milieu médiatique faussement hostile :

« Ce n’est pas une question digne des enjeux, je ne m’abaisserai pas à cela. »

Comme s’il fallait faire semblant, au moins un instant, de mettre en difficulté l’invité, tout en acceptant une ultime humiliation pour qu’il puisse encore mieux briller.

DOM

 

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